SARAH ABITBOL OU BRISER L'OMERTA DANS LE SPORT SUR LES VIOLENCES SEXUELLES

Dans un livre choc Un si long silence, qui paraît jeudi 30 janvier, l’ancienne championne de patinage artistique Sarah Abitbol révèle avoir été agressée sexuellement et violée à 15 ans par son entraîneur.

À l'époque, explique Sarah Abitbol à L'Obs, dans un entretien, elle est une jeune sportive en stage de patinage artistique pour quelques semaines à la Roche-sur-Yon.

Dans son récit, elle raconte que son entraîneur d'alors, qu'elle nomme « Monsieur O. », profite de sa position pour l'agresser sexuellement et la violer à plusieurs reprises.

Elle raconte le calvaire vécu à l’époque et l’impact sur sa vie d’aujourd’hui.

«Je suis une handicapée de la vie, murée dans l’angoisse. Dans ma tête, je suis une proie. A 15 ans, j’ai dormi en dehors de chez moi, j’ai été vulnérable, et vous en avez profité», écrit-elle en s’adressant directement à celui qu’elle appelle «Monsieur O.», en réalité Gilles Beyer.

A l’époque, Sarah Abitbol dormait encore avec ses peluches Elle garde le silence jusqu'à ce qu'elle soit médaillée .

La multimédaillée européenne, qui a aussi pris une seconde fois la parole au micro de France Inter, a témoigné ce jeudi 30 janvier de « l’amnésie traumatique » qu’elle a ensuite vécue.

Pendant plus de dix ans, Sarah Abitbol n’a eu en effet aucun souvenir des événements qui se sont déroulés entre ses 15 et 17 ans et à propos desquels elle s’est longuement confiée à L’Obs, à savoir, les viols qu’elle aurait subis à plusieurs reprises de son entraîneur, Gilles Beyer. « J’ai fait de l’amnésie traumatique. C’est resté dans un coin de mon cerveau, le cerveau se protège des misères de l’enfance et c’était tellement fort, tellement répugnant, en fait, que le cerveau met ça de côté, et pendant plus de dix ans, effectivement, j’ai complètement oublié cet événement », souligne-t-elle.

Jusqu’en 2002, à la veille du lancement des Jeux olympiques de Salt Lake City, la championne ne se souvient de rien. Elle avait alors 26 ans. À ce moment-là, elle se rompt les tendons d’Achille. Elle a un flash.« Le corps a parlé en premier, parce qu’avoir une rupture des tendons d’Achille à 24 heures des Jeux olympiques, sur place, il n’y a pas pire pour un sportif de haut niveau. Je ne comprenais pas ce qu’il m'arrivait ».

Sarah Abitbol met fin à sa carrière professionnelle à 28 ans et tente une première fois d'alerter les plus hautes instances Sport français sur les agissements de « Monsieur O. » et sur les violences sexuelles et sexistes dans le patinage artistique. Le ministre des Sports de l'époque lui répond qu'il y a « un dossier » au sujet de cet entraîneur qui a depuis grimpé les échelons de la fédération, mais qu'il faut « fermer les yeux ».

Aujourd'hui, Sarah Abitbol poursuit son travail de metteuse en scène et de patineuse , tout en combattant son traumatisme. Deux ans après les débuts du mouvement #MeToo, elle dénonce « l'omerta » qui règne dans le sport dans son livre. Un témoignage dont les faits sont prescrits, mais qu'elle livre pour « briser le silence ». «Si vous avez tenu si longtemps, Monsieur O., c’est parce que tout autour de vous, l’a permis.

Des politiques ont fermé les yeux, des dirigeants vous ont maintenu en place, des entraîneurs se sont tus pour ne pas risquer d’être viré ou pour protéger leurs propres turpitudes. Des femmes de coachs ont mis un mouchoir sur les crimes de leurs conjoints, des parents ont été aveuglés par leur volonté de voir leurs enfants réussir, des élèves eux-mêmes ont peur d’être discriminés s’ils parlaient. Chacun, à son niveau, a nourri et continue de nourrir le crime», écrit la championne dans son livre. Celle qui a été dix fois championne de France espère aujourd'hui que son témoignage encouragera d'autres athlètes à se confier sur ce qu'elles ont pu subir.

D'autres anciennes patineuses émettent des accusations similaires contre Beyer, publiées mercredi dans L'Equipe et L'Obs. Beyer conteste les faits relatés.

La ministre des Sports Roxana Maracineanu a elle convoqué le président de la Fédération des Sports de Glace, Didier Gailhaguet, jeudi matin, pour avoir des « explications. »

Pamela Newton pour DayNewsWorld