LA MONARCHIE BRITANNIQUE EBRANLEE

PAR LA FUITE DE HARRY ET MEGHAN

De la sidération à l'incrédulité. La décision du prince et de son épouse de se mettre en retrait de la vie publique jette le trouble à Londres. Harry, 35 ans, et Meghan, 38 ans, veulent « travailler pour devenir financièrement indépendants » et vivre partiellement « en Amérique du Nord », probablement au Canada, pays dont Elizabeth II, 93 ans, demeure la reine.

D’infiniment moindre portée, l’événement renvoie à l’abdication, en 1936, d’Edouard VIII, oncle de l’actuelle souveraine, à la suite de sa décision d’épouser une Américaine divorcée, Wallis Simpson.

Mais il rappelle aussi la décision de Diana, la mère du prince Harry, de se retirer des œuvres charitables royales.

En renonçant à leur rôle de premier plan au sein de la famille royale britannique le prince Harry et son épouse Meghan ont décidé de devenir

« financièrement indépendants », selon leur communiqué.

Le coût de la monarchie ou l'argent de la « Sovereign Grant »

En conséquence Harry et Meghan ont annoncé sur leur site renoncer à leur part de l'allocation royale (la « Sovereign Grant »), sans préciser exactement le montant qu'elle représente.

Cette allocation est versée tous les ans à la reine Elisabeth II pour payer ses fonctions de représentation mais aussi celles des membres de sa famille, ses employés et l'entretien du palais de Buckingham.

Le montant total de cette allocation royale versée aux membres de la famille s'est élevé à 82 millions de livres sterling en 2018-2019, comme le précise le rapport officiel sur les subventions souveraines. Harry et Meghan racontent sur leur site que cette somme ne couvre que 5% de leurs dépenses. Le couple princier précise que l'argent issu de l'allocation royale « n'a jamais été et ne sera jamais utilisé pour des dépenses privées par le duc et la duchesse de Sussex, qui ne bénéficient pas non plus de privilèges fiscaux. »

Sur leur site, Harry et Meghan précisent également qu'environ 95% de leurs revenus proviennent du prince de Galles, Charles, qui porte également le titre de duc de Cornouailles. Ce sont les revenus issus du duché de Cornouailles (propriétés, actifs, sociétés) qui servent à financer le prince héritier Charles, ses deux fils William et Harry ainsi que leurs familles. Selon son dernier rapport annuel (2019), le duché de Cornouailles fait état d'un patrimoine de 926 000 000 livres sterling, soit plus d'un milliard d'euros.

Contrairement à l'allocation royale, Harry et Meghan n'ont pas fait part de leur intention de renoncer à ces fonds. D'après le dernier rapport sur les dépenses du duché de Cornouailles, Harry et Meghan ont reçu 5 millions de livres sterling en 2019, soit 5,9 millions d'euros.

L’annonce de la décision du prince Harry et de Meghan Markle de devenir des travailleurs comme les autres, et donc de ne plus être salariés de la couronne britannique est en fait un symbole fort : il remet en lumière un système de plus en plus critiqué de financement public de la couronne.

Le harcèlement des tabloïds

Le malaise suscité par le retrait d' avec les Windsor est renforcé par la rupture annoncée par Harry et Meghan avec les règles médiatiques de Buckingham, qui réservent les contacts à un cercle restreint de « correspondants royaux », dont la chronique plus ou moins informée des faits et gestes des Windsor constitue le gagne-pain.

D'où le reproche fait à Meghan de ne pas « jouer le jeu ». Car en échange de salaires et d’un niveau de vie confortable, les membres de la famille royale acceptent de fait de vivre publiquement, de mettre en scène leurs enfants, de donner des nouvelles de leur santé, de leur mode de vie. C’est un pacte tacite.

Or, Harry, marqué par la mort de sa mère, harcelée toute sa vie de princesse par les paparazzi, avait prévenu qu’il ne supporterait pas de voir sa femme vivre le même enfer. « J’ai perdu ma mère et je vois à présent ma femme visée par les mêmes forces puissantes », déclarait-il, une claire allusion à la mort à Paris de la princesse Diana, poursuivie par les paparazzi. Avant même leur mariage, en 2018, Harry avait dénoncé les allusions racistes de la presse au fait que la mère de Meghan est noire.

Derrière l’annonce de la démission, le prince Harry et Meghan Markle ont annoncé également un nouveau rapport aux médias, très détaillé et très distant. Fini l’accès à leur vie privée et à celle d'Archie...D'ailleurs les tabloïds britanniques déversent désormais un torrent de boue sur le couple accusé de traîtrise et d’égoïsme. Le Daily Mail n’hésite pas à exiger de la reine qu’elle « vire les escrocs de la monarchie », ces « enfants gâtés, imposteurs, rapaces », qui, selon le journal, mettent en danger l’institution.

Si ce pacte « des gossips contre des impôts » est rompu, la couronne britannique ne perd -elle pas sa raison d’être dans le cœur des Britanniques ?

Et pourtant la famille royale britannique joue un tel rôle dans la cohésion du Royaume-Uni, tient une telle place dans le soft power de leur pays sur la scène internationale...

Alyson Braxton pour DayNewsWorld