PRIMAIRE DEMOCRATE AMERICAINE

PETE BUTTIGIEG UN OUTSIDER CREDIBLE

"Chaque fois que mon parti est entré à la Maison-Blanche ces cinquante dernières années, cela s'est fait grâce à un candidat novice en politique nationale, axé sur le futur, non façonné par le mode de vie de Washington et ouvrant la voie à une nouvelle génération », a déclaré Pete Buttigieg, l'outsider qui monte , lors d'un rassemblement le week-end dernier à Waterloo dans l'Iowa. « C'est comme ça qu'on gagne. »

Selon les résultats partiels du caucus de l'Iowa, coup d'envoi des primaires démocrates, le maire de South Bend serait au coude à coude avec Bernie Sanders. Le destin de Pete Buttigieg passerait-il par le 1600 Pennsylvania Avenue, Washington D.C. ?

Pourtant, il se plaît à répéter et insister qu'il n'a absolument rien à voir avec l'establishment de Washington. Bien au contraire. À 38 ans, Pete Buttigieg, un technocrate polyglotte, vétéran, homosexuel et marié, tient à mettre en avant autant qu'il le peut son expérience en tant que maire de South Bend, une petite ville dans l'État républicain de l'Indiana, dont le vice-président américain Mike Pence a été gouverneur avant son entrée dans l'administration de Donald Trump.

C'est grâce à cette expérience dans cet État du Midwest, assure-t-il, qu'il a développé une connexion avec les Américains bien plus authentique que celle des élites de la capitale fédérale.

La jeunesse un argument de campagne

Positionné au centre, il s'est lancé l'an dernier dans la bataille pour être celui qui sera le grand rival de Donald Trump à la présidentielle de novembre. Il doit pour cela affronter des candidats démocrates plus connus du grand public, mais également deux fois plus âgés. « Pete », ainsi qu'on l'appelle volontiers en raison de son nom imprononçable, a su surmonter son jeune âge, il a fêté ses 38 ans le 19 janvier.

Jamais un Américain aussi jeune n'a pris part à la course à la Maison Blanche : lorsqu'il a officialisé sa candidature, en avril 2019, il n'avait que deux ans de plus que l'âge minimum requis pour se présenter à la présidentielle. Le démocrate a, de fait, beaucoup moins d'expérience en politique que les « seniors  des primaires. Il n'a jamais exercé de mandat national mais a dirigé la quatrième plus grande ville d'Indiana (100 000 habitants), South Bend, entre 2015 et 2019.

Pete Buttigieg a toutefois transformé cette inexpérience en argument de sa campagne. Il rappelle ainsi que « chaque fois que [son] parti est entré à la Maison Blanche ces cinquante dernières années, cela s'est fait grâce à un candidat novice en politique nationale, axé sur le futur, non façonné par le mode de vie de Washington et ouvrant la voie à une nouvelle génération ». « C'est comme cela qu'on gagne », martèle-t-il.

Un outsider crédible face à ses rivaux démocrates

Excellent orateur, il a mis en avant son expérience d'engagé militaire, lui qui a passé sept mois en Afghanistan. Il est parvenu à apparaître comme un outsider crédible face à ses rivaux démocrates, parmi lesquels l'ancien vice-président Joe Biden, qui a longtemps caracolé en tête des sondages, et le sénateur Bernie Sanders, grand espoir de l'aile gauche du parti. Ces deux vétérans de la politique n'ont pas su contenir Pete Buttigieg, qui n'a eu de cesse d'affirmer aux électeurs que son statut de nouveau venu n'était pas unique dans l'histoire des élections présidentielles.Par certains côtés, Pete Buttigieg rappelle alors Bill Clinton. À peine plus âgé que lui quand il s'est lancé dans la compétition, Clinton était le gouverneur de l'Arkansa et Buttigieg est maire de South Bend, dans l'Indiana.

Partisan de l'unité

« Mayor Pete »  comme il est souvent appelé  vient de révéler qu’il y a une nouvelle offre qui est à la disposition des électeurs. Il a dépoussiéré la campagne qui restait bloquée sur le combat cdes grands anciens que sont Sanders, Biden et Warren, sans évoquer Bloomberg, qui s’agite aussi en dépensant une fortune.

Pour beaucoup d'Américains, Pete Buttigieg était un parfait inconnu jusqu'à ce qu'il qualifie Mike Pence de « pom-pom girl » de la présidence Trump, une présidence « de stars du porno » selon lui. À mesure que sa campagne s'est étoffée, il s'est présenté comme un partisan de l'unité après les divisions de l'ère Trump.

Il a ainsi mis en avant certaines positions progressistes, mais pense que ses vues plus modérées sur la couverture santé et les impôts pourraient convaincre les électeurs centristes, notamment les indépendants et les républicains ayant voté pour Donald Trump, mais souhaitant une option pour sortir de cette présidence marquée par la division. Il est aussi pro-syndicats et propose d'augmenter le nombre de juges à la Cour suprême.

L'orientation sexuelle de Pete Buttigieg, qui s'est affiché dès le début de la compétition aux côtés de son mari Chasten, semble cependant avoir relativement peu d'impact sur le choix des électeurs. Ces derniers mois, le jeune diplômé d' Harvard a préféré mettre l'accent sur sa foi chrétienne plutôt que son mariage avec un homme. Chasten Glezman, 30 ans, deviendrait le premier « first gentleman » si son mari était élu président. En tant que maire, Pete Buttigieg, qui s'est marié à l'église à l'été 2018, a régulièrement réagi à des propos du conservateur religieux Mike Pence, ancien gouverneur de l'Indiana.

Aussi Major Pete a-t-il su donner un souffle à la campagne démocrate en proposant une autre voie. Son lancement de campagne était clair à ce sujet: il ne s’agissait pas tant pour lui de chasser Donald Trump que de donner une nouvelle perspective à sa génération et aux plus jeunes que lui « qui seront ceux qui, pour la première fois, réussiront moins bien que leurs parents si rien ne change », disait-il alors.

« Pete Buttigieg devient donc un nom qui rivalise avec chacun de ses rivaux, et sa jeunesse claque dans cette campagne comme un défi qu’il oppose à leur expérience: le Rêve Américain est réinventé. » Chaque électeur peut s’identifier facilement à cette fronde d’un homme encore très jeune qui prétend que tout est possible à qui veut tenter sa chance.

Une importante victoire symbolique

Faut-il pour autant s’emballer et penser que l’Iowa créera la dynamique qui le conduira jusqu’à la victoire? Dans une enquête publiée par Gallup : à la question « qui est le mieux placé pour battre Donald Trump? », ils sont 44% au sein du Parti démocrate à répondre « Joe Biden », avant de classer dans l’ordre Sanders (19%), Bloomberg (10%), Warren (9%) et ne sont que 3% à citer Buttigieg.

La traduction de sa victoire dans l'Iowa en un succès électoral plus large sera une tâche monumentale. Malgré sa capacité impressionnante à lever des fonds, les sondages nationaux ne le placent qu'en cinquième position. La faute à un déficit de notoriété comparé à des candidats plus établis. Il souffre, par ailleurs, d'un soutien très faible chez les électeurs noirs, un électorat clé pour les démocrates...

Pete Buttigieg démarre sa campagne sur une importante victoire symbolique. Mais ce petit Etat rural ne représente que 41 délégués sur les 1 990 nécessaires pour être investi par le Parti démocrate, lors de la convention nationale de juillet. Il lui faudra donc engranger d'autres victoires, dans de plus grands Etats, s'il veut être désigné candidat à la présidentielle.




Joanne Courbet pour DayNewsWorld