AGNES VARDA UNE ICONE

DE LA NOUVELLE VAGUE ET DU FEMINISME

Elle avait la coiffure coupe au bol de moine qui ne l’a jamais quittée. Elle avait l’œil pétillant de la photographe à ses débuts- elle étudia la photographie à l’Ecole des beaux-arts, et l’histoire de l’art à l’école du Louvre- celui de cinéaste plus tard. Agnès Varda nous a quittés ce vendredi 29 mars 2019 , à l’âge de 90 ans. 

Agnès Varda fut l’une des pionnières de la Nouvelle Vague, et l’une des rares femmes réalisatrice de la Nouvelle Vague, avec Nelly Kaplan, qui signera plus tard La Fiancée du pirate, en 1969.

Dès son premier tournage elle fut remarquée : La Pointe courte (1955) annonce la Nouvelle Vague cinq ans avant « A bout de souffle » (1960) de Jean-Luc Godard.

Elle y filme les déboires conjugaux d’un couple de parisiens (Philippe Noiret et Silvia Monfort). Ce coup d'essai, qui mêle avec peu de moyens chronique réaliste et étude psychologique,prélude, en 1954, aux audaces de la Nouvelle vague. « En 1954, j’étais photographe au TNP et je connaissais peu le cinéma.

Il me semblait alors que beaucoup de “révolutions littéraires” n’avaient pas leur équivalent à l’écran. Aussi me suis-je inspirée, pour mes recherches, de Faulkner, de Brecht, essayant de briser la construction du récit, de trouver un ton à la fois objectif et subjectif, de laisser au spectateur sa liberté de jugement et de participation. », expliquait-elle dans un entretien au Monde, en 1962 .

Première femme cinéaste de ce nouveau cinéma des années soixante, première icône féministe aussi.

Elle présente à Cannes en 1961 son deuxième long-métrage, Cléo de 5 à 7. Le film raconte quatre-vingt-six minutes de la vie d’une jeune femme, une chanteuse un peu superficielle qui attend les résultats d’une analyse médicale et qui a peur. Mais le film met surtout en scène une libération féminine par la représentation d’un geste radical: ni perruque ni déshabillé en plumes.

Car Agnès Varda est engagée. Féministe engagée, elle signa en 1971 le Manifeste des 343 salopes, un appel à la légalisation de l’avortement. Elle mit ainsi en scène dans un long-métrage une manifestation devant le tribunal de Bobigny, où se déroule le procès de cinq femmes ayant pratiqué l’interruption volontaire de grossesse En 1976, sa comédie musicale, L’une chante, l’autre pas, racontait l’émancipation des femmes au tournant des années 1960-1970. Le récit d’une amitié entre deux personnages, opposés, qui, en filigrane, relate l’histoire des droits des femmes. « La double journée, pauvre maman, c'est bien épuisant et c'est mal payé ». Dans Sans toit ni loi Agnès Varda trace le destin d’une jeune fille au ban de la société, Mona, magistralement interprétée par la jeune Sandrine Bonnaire. Une héroïne éprise de liberté. Le film remporte le Lion d'or à Venise .

Jusqu’au bout, sa vie fut le cinéma, et vice versa, avec sa société de production et de distribution installée à domicile (Ciné-Tamaris), rue Daguerre, dans le 14e arrondissement de Paris. Avec le cinéaste Jacques Demy, mort en 1990, elle a partagé la vie, l’amour et le cinéma. Mais toujours éprise d'indépendance.  « J’ai vécu des années avec Jacques Demy. Je n’ai pas été abrutie par ça. J’ai gardé mon nom, j’ai continué à faire mon travail et à partager ce que l’on peut partager avec un homme, c’est-à-dire la vie, la vie de famille, la table, le lit. Mais pas l’identité personnelle, ni le travail », raconta-t-elle dans une interview à Nova.

« Les féministes ont raison de gueuler ! », revendiquait-t-elle encore en 2017 dans un entretien au Monde.

Joanne Courbet pour DayNewsWorld