JEAN-PIERRE MARIELLE UNE ICONE DU CINEMA ET DU THEATRE NOUS A QUITTE

Acteur gouailleur qui a tourné dans de nombreuses comédies, Jean-Pierre Marielle s’est éteint à 87 ans des suites d’une longue maladie mercredi 24 avril.

« Agathe Marielle a la tristesse d’annoncer que son mari, l’acteur Jean-Pierre Marielle, s’est éteint le 24 avril, à 16 h 24, à l’hôpital des Quatre-Villes, à Saint-Cloud, des suites d’une longue maladie. Les obsèques se dérouleront dans la plus stricte intimité », a annoncé son épouse dans un communiqué.

Issu d’un milieu très modeste, il se destine à des études littéraires. Mais un professeur de son lycée lui conseille de se tourner vers des études théâtrales.

Il entre alors au Conservatoire de Paris et y rencontre de joyeux drilles : Belmondo, Rochefort Cremer, Rich, Vernier, Beaune. Sept jeunes hommes venus d’horizons très différents qui se lient d'amitié. Le rire, les larmes, les déconvenues, les histoires d’amour les soudent pour une vie entière.

« Il y a des années de groupe de comédiens, comme des années de peintres, de musiciens, c’est comme les années à prunes, comme le pinard. C’est comme ça », résumait Jean-Pierre Marielle, fidèle à sa ligne de conduite :
ne pas chercher midi à quatorze heures

Il est avant tout connu pour ses rôles de hâbleurs, sa haute silhouette dégingandée, sa voix caverneuse, gutturale, charnue avec un rire énorme que le tabac éraillait.

Tout au long de sa longue carrière au cinéma il incarne dans les comédies le rôle du Français moyen, goguenard et bon vivant au verbe salace («Tu sens la pisse toi, pas l’eau bénite…» «C’est un beau p’tit morceau, hein, elle vaut bien son coup de chevrotine.») avec son arsenal d’expressions d’antan («miche», «mon p’tit»).

De la centaine de rôles qu’il a incarnés, il restera, à jamais, ce représentant en parapluies, grand amateur de postérieurs

(« Oh ce cul ! On dirait un Courbet. ), qui lâche femme et enfants pour devenir peintre sur les côtes du Finistère, dans Les Galettes de Pont-Aven (1975) son plus grand succès populaire.

Ce film inclassable de Joël Séria est ponctué des

« Oh, nom de Dieu de bordel de merde ! » d’un Marielle qui hisse la crudité verbale au sommet du grand art...

«Il pouvait dire des dialogues très crus sans jamais être vulgaire ; au contraire, il leur donnait presque de la classe», vantait Joël Seria, qui dût batailler pour imposer Marielle en rôle titre de ses Galettes.

Mais ce sont des rôles dramatiques qui lui apportent une grande notoriété dans la profession, notamment dans Que la fête commence (1974) de Bertrand Tavernier où Jean-Pierre Marielle incarne un Marquis de Pontcallec grandiloquent.

Les Galettes de Pont-Aven (1975) de Joël Séria, film devenu culte dans lequel il joue un citoyen banal en quête d'identité et de bonheur, cette performance lui vaudra une nomination en tant que meilleur acteur à la première cérémonie des César.

Un moment d'égarement (1977) de Claude Berri où il incarne un rôle difficile de père de famille tombant amoureux de la fille de son meilleur ami, ou encore Coup de torchon (1981) de Bertrand Tavernier, il y incarne à la fois un proxénète ordurier et son frère militaire.

Cette double composition lui vaudra une seconde nomination aux César, cette fois-ci en tant que second rôle. En 1991, il tourne le film le plus important de sa carrière.Tous les matins du monde, réalisé par Alain Corneau, qui adapte le roman de Pascal Quignard, et pose des questions existentielles sur l'art, la musique et l'émotion. Jean-Pierre Marielle y incarne Jean de Sainte-Colombe, violiste veuf et janséniste, refusant les honneurs de Versailles et les sollicitations de Louis XIV pour vivre en reclus à la campagne avec ses deux filles avant qu'il n'accepte, malgré lui, de recevoir un élève nommé Marin Marais, interprété à des âges différents par Guillaume et Gérard Depardieu.

Tous les matins du monde est récompensé par le prix Louis-Delluc 1991 et sept Césars en 1992.

Sur les planches, il mène également une brillante carrière. Jean-Pierre Marielle s’est plu à lire et dire les mots de Molière, Ionesco, Pinter, Pirandello, Anouilh, Tchekhov, Claudel…

En 1994, il décroche le Molière du meilleur comédien pour son rôle dans la pièce Le retour d'Harold Pinter. En 2014, il est à l'affiche de Love Letters au théâtre Antoine à Paris.

« Le théâtre est toujours une émotion très présente en moi. Entendre les trois coups, le rideau qui se lève et le murmure de la salle, puis on se lance.

Comme les écrivains, le prix Goncourt, on attend toujours le rôle qui va faire de vous quelque chose que vous n’imaginez pas, même dans vos plus chers désirs. ».

Modeste ce grand comédien disait de lui-même qu’il n’était calé en rien :

« Je suis décalé, pas calé. Il n’y a rien de mieux que d’être décalé. »

Jenny Chase pour DayNewsWorld