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SUR LA REFORME DES RETRAITES

C'est un avis très sévère.

Ce vendredi 7 janvier 2020, le Conseil d'Etat a vivement critiqué la méthode avec laquelle le gouvernement a conduit son projet de réforme des retraites, présenté le matin même en Conseil des ministres. Ce qui laisse présager de futurs débats âpres et longs.

Saisie le 3 janvier 2020, l'institution n'a disposé que de trois semaines pour rendre ses conclusions sur les deux projets de loi (organique et ordinaire).

Un temps jugé bien trop court, d'autant que le gouvernement a, en outre, modifié le texte à six reprises durant cette période.

Le Conseil d'Etat souligne qu' « eu égard à la date et aux conditions de sa saisine, ainsi qu'aux nombreuses modifications apportées aux textes pendant qu'il les examinait, la volonté du gouvernement de disposer de son avis dans un délai de trois semaines ne l'a pas mis à même de mener sa mission avec la sérénité et les délais de réflexion nécessaires pour garantir au mieux la sécurité juridique de l'examen auquel il a procédé », déclare la juridiction dans son avis.

Une « situation d'autant plus regrettable » qu'il s'agit d'une réforme « inédite depuis 1945 et destinée à transformer pour les décennies à venir […] l'une des composantes majeures du contrat social », ajoute la plus haute juridiction administrative du pays.

Des projections financières « lacunaires »

Outre les deux textes de loi, une étude d'impact financier de cette réforme lui a aussi été transmise. Et cette étude n'a pas non plus, en l'état, satisfait les juristes. La première mouture était « insuffisante », et même une fois le texte complété, « les projections financières restent lacunaires », en particulier sur la hausse de l'âge de départ à la retraite, le taux d'emploi des seniors, les dépenses d'assurance-chômage et celles liées aux minima sociaux, arguent-ils.

Dans certains cas, l'étude d'impact « reste en deçà de ce qu'elle devrait être, de sorte qu'il incombe au gouvernement de l'améliorer encore avant le dépôt du projet de loi au Parlement », relève le Conseil d'Etat.

Le recours à de trop nombreuses ordonnances

L'institution pointe également le choix de recourir à 29 ordonnances, y compris « pour la définition d'éléments structurants du nouveau système de retraite », ce qui « fait perdre la visibilité d'ensemble qui est nécessaire à l'appréciation des conséquences de la réforme et, partant, de sa constitutionnalité et de sa conventionnalité ».

Cette critique fait écho à l'explosion du nombre d'ordonnances, autrefois exceptionnelles.  « La nouveauté avec le gouvernement Philippe est l'utilisation des ordonnances pour des réformes très politiques comme le droit du travail et la réforme ferroviaire, relevait déjà le site juridique Dalloz-actualité, en mars 2018.

L'objet des ordonnances n'est alors pas tant de permettre une mise en application plus rapide, que d'éviter un enlisement des débats parlementaires : les lois d'habilitation peuvent être adoptées sans attendre la finalisation d'un texte précis." Une méthode dont le Conseil d'Etat pointe aujourd'hui la limite.

Comme exemple de conséquences de la réforme : celle portant sur la « conservation à 100 % des droits constitués » au moment de la bascule entre le système actuel et le futur « système universel » est jugée « particulièrement cruciale », à tel point « qu'en l'absence d'une telle ordonnance » la réforme « ne s'appliquera pas » aux personnes nées à partir de 1975.

Les engagements auprès des enseignants « contraires à la Constitution »

Le Conseil d'Etat estime aussi que l'engagement pris par le gouvernement de revaloriser les salaires des enseignants et des chercheurs via des lois de programmation est condamné à disparaître du texte. « Ces dispositions constituent une injonction au gouvernement de déposer un projet de loi et son ainsi contraires à la Constitution », a estimé l'institution.

La fausse promesse d'un « régime universel de retraite »

Le Conseil d'Etat relève également que le projet de réforme n'instaure pas « un régime universel qui serait caractérisé, comme tout régime de sécurité sociale, par un ensemble constitué d'une population éligible unique, de règles uniformes et d'une caisse unique ». Et pour cause, le texte crée « cinq régimes », avec « à l'intérieur de chacun de ces régimes » des « règles dérogatoires à celles du système universel ».

Cet avis intervient alors que la contestation contre la réforme des retraites a connu une nouvelle journée de mobilisation dans toute la France, avec un léger regain de mobilisation. . « Sur la forme et sur le fond, le Conseil d'Etat confirme en tout point ce que nous exprimons depuis le début. Il y a un vrai problème de consistance juridique du texte », a réagi samedi François Hommeril, le président de la CFE-CGC .

Les syndicats ont également appelé à poursuivre le mouvement la semaine prochaine.

Un avis qui va servir à ceux qui disent que le gouvernement improvise,  ou en tout cas qu'il n'est pas allé assez loin dans la réflexion  et la mise au point d'un texte,  non pas consensuel,  mais d'un texte cohérent !!!!




Garett Skyport pour DayNewsWorld