TENSIONS ENTRE USA RUSSIE ET EUROPE

AUTOUR DU NORD-STREAM 2

La bataille économique et géopolitique entre Washington, Bruxelles et la Russie fait rage. En cause, la construction d’un gazoduc qui va faciliter les livraisons de gaz naturel russe à l’Europe. Les USA ont en effet décidé de prendre des sanctions économiques en imposant des sanctions contre les entreprises associées à la construction du gazoduc russe, sur fond d’offensive commerciale.

L'Union européenne, Berlin en tête, et Moscou ont fermement dénoncé ce samedi 21 décembre les sanctions américaines contre le gazoduc Nord Stream 2. Les mesures « affectent des sociétés allemandes et européennes et constituent une ingérence dans nos affaires intérieures », a réagi avec fermeté une porte-parole d'Angela Merkel.

Contourner l'Ukraine

Nord Stream 2 est le nom d’un gazoduc, en cours de construction et presque achevé, qui passe sous la mer Baltique en contournant notamment l’Ukraine. D’une capacité de 55 milliards de m3 par an -autant que son frère aîné, Nord Stream 1- il doit permettre de doubler les livraisons directes de gaz naturel russe vers l’Europe occidentale via l’Allemagne, principale bénéficiaire du projet. Quelque 18% de la consommation annuelle de gaz naturel de l’UE provient de la Russie via l’Ukraine. Aux yeux de ses défenseurs, la mise en service du pipeline se justifie plus que jamais car il permet de contourner le territoire ukrainien. Les approvisionnements européens avaient été à plusieurs reprises perturbés dans les années 2000 par des conflits entre Moscou et Kiev.

Il représente en tout cas un investissement d’une dizaine de milliards d’euros financé pour moitié par le géant russe Gazprom et l’autre moitié par cinq sociétés européennes (OMV, Wintershall Dea, Engie, Uniper et Shell).

Mais depuis ses débuts, de nombreux obstacles se sont dressés sur le chemin de ce projet. Nord Stream 2 n’a ainsi obtenu que fin octobre le feu vert du Danemark pour traverser ses eaux, ce qui risque fort de retarder sa mise en service, initialement prévue fin 2019.

L' offensive commerciale des USA

Pour Washington, et certains pays européens (la Pologne, les pays baltes et l’Ukraine) ce tube va accroître la dépendance des Européens au gaz russe, que Moscou pourrait utiliser pour exercer des pressions politiques. Il sacrifie aussi les intérêts de l’allié ukrainien, qui tire des revenus importants du transit du gaz russe vers l’Europe.

Pour certains observateurs, au-delà du conflit géopolitique avec la Russie, l’opposition américaine au Nord Stream 2 fait partie d’une offensive commerciale des États-Unis : Washington, grand producteur de gaz, veut accroître ses exportations de gaz naturel liquéfié (GNL) vers l’Europe.

Les sanctions promulguées vendredi 19 décembre comprennent le gel des avoirs et la révocation des visas américains pour les entrepreneurs liés au gazoduc. Le département d’État américain doit communiquer dans les 60 jours suivant leur promulgation les noms des entreprises et des personnes qui ont participé à la pose de conduites pour Nord Stream 2.

L’une des principales cibles est Allseas, entreprise suisse propriétaire du plus grand navire de pose de pipelines du monde, le Pioneering Spirit, engagé par le russe Gazprom pour construire la section offshore.

Des sanctions inacceptables pour la Russie et l' Europe

Sans surprise, la décision de Donald Trump a suscité de vives réactions chez les parties prenantes du projet. « Un Etat avec une dette publique de 22 000 milliards de dollars interdit à des pays solvables de développer leur économie réelle », a déclaré la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova sur sa page Facebook, dénonçant « l’idéologie américaine (qui) ne supporte pas la concurrence mondiale ».

« Bientôt, ils demanderont qu’on arrête de respirer ». L’Union européenne de son côté dénonce avec force l’ingérence des États-Unis dans sa politique énergétique. « Par principe, l’Union européenne s’oppose à l’imposition de sanctions contre des entreprises européennes se livrant à des activités légales », a affirmé un porte-parole de l’UE. La Commission européenne est en train d’analyser les répercussions possibles des sanctions américaines, a indiqué le porte-parole. « L’objectif de la Commission a toujours été d’assurer que Nord Stream 2 opère de façon transparente, avec un niveau approprié de surveillance réglementaire ».

« Le gouvernement rejette ces sanctions extraterritoriales. Elles affectent des sociétés allemandes et européennes et constituent une ingérence dans nos affaires intérieures », a réagi Ulrike Demmer, une porte-parole d’Angela Merkel.

Alize Marion pour DayNewsWorld