MANIFESTATION

CONTRE LES VIOLENCES POLICIERES

Malgré l'interdiction préfectorale quelque 20 000 manifestants se sont rassemblés devant le tribunal mardi soir pour répondre à l'appel du comité de soutien à la famille d'Adama Traoré, le jeune homme noir de 24 ans mort en 2016 après son interpellation.

Un parallèle avec la mort de Georges Floyd et les violences policières américaines

Sur les pancartes on pouvait lire de nombreuses références à Eric Garner, mort en 2014 à New York lors de son interpellation, ou à Zyed et Bouna, morts en 2005 à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) après une course-poursuite avec les forces de l’ordre. Trois lettres en vedette : « BLM », pour « Black Lives Matter [ « les vies des Noirs comptent »] ». Sur les masques on lisait parfois « I can’t breathe [« je n’arrive plus à respirer »] », paroles prononcées dans leur langue respective, peu avant leur mort, par George Floyd et Adama Traoré. « La mort de George Floyd vient se calquer sur la mort d'Adama Traoré » clame la sœur de celui-ci, Assa Traoré.

Certains membres des forces de l’ordre en France ont été accusés ces dernières années d’usage disproportionné de la force, notamment lors de l’opposition au projet de barrage de Sivens en 2014, des manifestations contre la loi El Khomri en 2016, ou plus récemment lors des manifestations des Gilets jaunes en 2018 et 2019. Le gouvernement actuel a toujours récusé le terme de "violences policières", dénoncées par des organisations de défense des droits de l’Homme

Des heurts violents et 18 interpellations dans une manifestation interdite

Ce rassemblement en hommage à Adama Traoré et contre les violences policières, qui s'est déroulé dans le calme jusqu'à 21H, a ensuite dégénéré en incidents parfois violents. Des feux de mobiliers urbains ont été allumés et des participants ont bloqué le périphérique, alors que les forces de l'ordre tentaient de faire évacuer les lieux.

Dix-huit personnes ont été interpellées. 13 ont été réalisées à Paris et ont donné lieu à 12 gardes à vue dont 4 à l'encontre de mineurs.Les individus placés en garde à vue sont suspectés d'avoir porté une arme sans motif légitime, participé à un attroupement après sommations, commis des dégradations, des violences aggravées ou des outrages sur personne dépositaires de l'autorité publique . « La violence n’a pas sa place en démocratie, a tweeté le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner. Rien ne justifie les débordements survenus ce soir à Paris, alors que les rassemblements de voie publique sont interdits pour protéger la santé de tous. »

La manifestation, qui était annoncée depuis le 29 mai sur les réseaux sociaux mais n’avait pas fait l’objet d’une déclaration préalable, avait été interdite par la Préfecture, au motif qu’elle n’était « pas autorisée par le décret du 31 mai 2020 relatif à l’urgence sanitaire, qui proscrit tout rassemblement, dans l’espace public, de plus de dix personnes.

Quatre ans après la mort d'Adama Traoré, le 19 juillet 2016, cette affaire est devenue une bataille entre experts judiciaires qui écartent la responsabilité des gendarmes et les médecins choisis par la famille qui balayent leurs conclusions.

Condamnation du gouvernement et de la droite

La porte-parole du gouvernement français Sibeth Ndiaye a appelé mercredi à la prudence face à la comparaison faite entre les violences policières aux États-Unis, où la mort d’un homme noir de 46 ans lors d’un contrôle de police continue de susciter l’indignation et des manifestations monstres aux Etats-Unis. « Je crois que la situation de nos deux pays n’est pas tout à fait comparables ni sur le plan de l’histoire ni sur le plan de l’organisation de la société, j’appelle à aborder ces sujets avec énormément de prudence », a-t-elle déclaré.

La droite, quant à elle, a condamné ce mercredi le rassemblement interdit organisé la veille à Paris à l'appel du comité de soutien à la famille d'Adama Traoré. « C'est inadmissible parce que je vous rappelle qu'on est toujours sous le coup de l'état d'urgence sanitaire et que normalement les rassemblements de plus dix personnes sont interdits », s'est indigné le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau sur Cnews. « Ce qui est aussi inacceptable, c'est que certains du comité de soutien à la mémoire d'Adama Traoré veulent établir un lien entre ce qui s'est passé aux États-Unis et ce qui, soi-disant, se serait passé, il y a quatre ans, ici en France », a-t-il ajouté à propos des accusations de violences policières.

« Une telle manifestation, en plein état d'urgence, c'est bafouer la loi », a aussi dénoncé le président LR du Sénat Gérard Larcher sur RTL.

« Dans un État de droit, la justice est rendue par les juges, ni par les réseaux sociaux, ni par la rue  »  , a-t-il ajouté, estimant que « ce qui se passe aux États-Unis est d'une autre nature ».




Jenny Chase pour DayNewsWorld