FEU VERT DU PARLEMENT POUR L'APPLICATION STOPCOVID

Le Parlement a approuvé mercredi soir l’application pour smartphone StopCovid, censée contribuer à la lutte contre l’épidémie, mais jugée « liberticide » par ses détracteurs, avec un clivage entre députés et sénateurs de droite et quelques voix dissonantes chez LREM.

Le gouvernement a l’intention de lancer dans les jours qui viennent cet outil de traçage numérique, afin d’accompagner la deuxième phase du déconfinement.

Les députés ont approuvé ce projet controversé à une confortable majorité, par 338 voix contre 215, et 21 abstentions. Au Sénat, à l'issue d'un débat, 186 sénateurs ont voté pour (majorité du groupe LR, LREM, Indépendants), 127 ont voté contre (PS, CRCE à majorité communiste, majeure partie du RDSE à majorité radicale) et 29 sénateurs (essentiellement centristes) se sont abstenus..

La cible

Dès son téléchargement, et à chaque fois que l'utilisateur rencontre une personne à moins d'un mètre, et ce durant plus d'un quart d'heure, le téléphone enregistre les références de l'autre personne de manière cryptée.

Ainsi, si l'une ou l'autre vient à contracter le Covid-19 au cours des jours qui suivent, l'utilisateur qui a été au contact reçoit une notification lui signifiant ce « risque d'exposition » avec des conseils sur la marche à suivre

Le gouvernement cible notamment les « urbains actifs », qui prennent les « transports en commun », croisent des « inconnus » dans les magasins…L’application utilise la fonction bluetooth et non la géolocalisation.

Cédric O, secrétaire d’Etat au numérique et cheville ouvrière du dispositif a estimé que l’application permettrait de combler certains manques dans la stratégie actuelle de détection des cas contacts, notamment dans les transports ou dans les restaurants.

Les garanties entourant cette application

Devant l’Assemblée puis le Sénat en soirée, la ministre de la Justice Nicole Belloubet a longuement insisté sur les « garanties » entourant cette application « temporaire, d’installation volontaire, non identifiante et transparente ».

« Cette application n’a pas vocation à devenir l’alpha et l’oméga de la lutte contre le Covid-19. Elle n’est pas non plus un prétexte pour que l’Etat se transforme en Etat policier contrôlant les faits et gestes de nos concitoyens », a défendu la garde des sceaux.

L'application ne fonctionne en effet que si les deux personnes ont téléchargé l'application et l’utilisent. D'autre part, StopCovid est anonyme et n'a pas accès à au répertoire du téléphone qui l'héberge.

Bruno Retailleau, chef de file de LR au Sénat, a expliqué qu’une part importante de son soutien tenait à la « souveraineté numérique » de la France, qui a choisi de ne pas utiliser les outils conçus par Apple et Google pour faire du suivi de cas contacts. En effet contrairement à d’autres pays, le gouvernement français a choisi de ne pas passer par les solutions de Google et Apple, et a sollicité des chercheurs d’Inria, l’institut français de recherche en informatique.

Le gouvernement, quant à lui, a rappelé à plusieurs reprises le feu vert de la Commission nationale informatique et libertés (Cnil). Cette instance a estimé mardi que StopCovid respecte la législation relative à la vie privée, tout en réclamant une évaluation régulière et une information détaillée pour les utilisateurs.

Un outil dangereux et liberticide ?

Pourtant cette application suscite chez ses détracteurs des interrogations sur le respect de la vie privée.

Pour Paula Forteza, experte du numérique et ancienne membre du groupe majoritaire,.cette application « présente des risques techniques non négligeables », plaidant pour un « principe de précaution numérique » Elle a également dénoncé un effort destiné à « forcer l’acceptabilité sociale de cette technologie qui numérise nos interactions sociales par un déploiement massif impulsé par l’Etat ».

Philippe Gosselin, député (LR) de la Manche et membre de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a, quant à lui, dénoncé « le syndrome de la grenouille, un endormissement coupable, un avachissement dans la lutte contre les libertés collectives et individuelles ». « Ne créons pas de précédent ! », a-t-il enjoint.

Si ce double vote positif à l’Assemblée nationale puis au Sénat lève les dernières incertitudes sur le devenir de StopCovid, la décision finale revient à Emmanuel Macron et au premier ministre Edouard Philippe.




Emily Jackson pour DayNewsWorld