A PROPOS DE VIOLENCES POLICIERES EN FRANCE

Ils étaient près de 300 à se rassembler, vendredi 29 juin, pour une opération de blocage du pont de Sully, à Paris après un appel à la désobéissance civile non violente contre « l'inaction climatique ».

Les manifestants écologistes d'Extinction Rebellion, qui participaient à un rassemblement pacifique (mais non déclaré) afin de bloquer un pont, à Paris, vendredi, ont été dispersés manu militari par les policiers. Les images où l'on voit des gaz lacrymogènes et des militants traînés de force ont provoqué de nombreuses réactions indignées.


« Policiers, doucement, on fait ça pour vos enfants ! ».

Environ 300 militants du groupe Extinction Rebellion ont organisé, vendredi 28 juin, une opération de blocage du pont de Sully, à Paris. Ce collectif, né fin 2018 au Royaume-Uni, appelle à la désobéissance civile non violente contre « l'inaction climatique ». Ils ont été rapidement et violemment délogés par les forces de l'ordre

Des manifestants pacifistes délogés par des gaz lacrymogènes

Vers midi, après avoir bloqué quelques rues du 4e arrondissement, les militants ont rejoint le pont de Sully pour une manifestation « festive ». La manifestation n'avait pas été déclarée officiellement, mais la préfecture avait été prévenue la veille de la mobilisation.

L'intervention des forces de l'ordre s'est montrée musclée : les policiers ont aspergé abondamment de gaz lacrymogènes les militants.

Un rapport a été demandé au préfet de police

A la suite de cette évacuation, Christophe Castaner a demandé un rapport au préfet de police de Paris sur « les modalités » de l'évacuation. « A la demande du ministre, une inspection technique a été déclenchée et un rapport a été demandé au préfet de police sur les modalités de gestion de cette opération de maintien de l'ordre rendue nécessaire pour rétablir la circulation au cœur de Paris », a déclaré le ministère de l'Intérieur.

Le blocage du pont de Sully qui relie les 4e et 5e arrondissements entravait les axes de circulation, alors que la France traversait une période de canicule et que la circulation alternée était imposée dans la capitale ce jour-là.

Selon la préfecture de police, les forces de l'ordre sont intervenues pour faire « cesser l'entrave à la circulation générée par cette action ». Après avoir demandé aux responsables « à plusieurs reprises de se disperser » et « devant leur refus de quitter les lieux », des sommations ont été effectuées sans plus de succès, a expliqué la préfecture. « Ce rassemblement a ensuite été dissipé par la force publique », relate l'administration qui précise que deux personnes ont été placées en garde à vue pour délit d'entrave à la circulation.

Critique des forces de l'ordre par le gouvernement ?

« Quand j'ai vu ça , je me suis posé des questions et j'ai regardé la vidéo dans son entier », a répondu le ministre de l'Ecologie, François de Rugy, interrogé sur cet épisode, dimanche, sur BFMTV.

La porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, s’est montrée plus ferme sur LCI : « Je crois que les militants en question participaient à un rassemblement qui n’était ni déclaré ni autorisé. » Mais « ça ne justifie pas le gazage en plein visage et avec une telle proximité, évidemment », a-t-elle ajouté.

Pour rappel, les bombes lacrymogènes ne doivent pas être utilisées à moins d'un mètre et seulement pour disperser des manifestations violentes et non des manifestations pacifistes. La réponse policière a été disproportionnée, semble-t-il.

L'utilisation de la violence légitime contre les fauteurs de troubles ?

Comme elle l'a été dans certaines manifestations des « Gilets jaunes » si bien que l'acte XII des « Gilets jaunes » avait été prévu comme une « marche blanche » à Paris pour les manifestants blessés.

«Aujourd'hui, on en dénombre 2000 dont une centaine grièvement touchée», avait dénoncé Maxime Nicolle, l'une des figures de la contestation. Ce qu' avait confirmé le collectif militant « Désarmons-les » .Ils ont perdu un œil après un tir de LBD, une main après l'explosion de grenades lacrymogènes GLI-F4, ou ont été blessés par des projectiles de grenade de désencerclement DMP. Parmi eux, Jérôme Rodrigues blessé à l’œil par un tir de LBD ou des éclats de grenade DMP, lui qui filmait le rassemblement place de la Bastille.

Tous autant qu'ils sont à défiler, ils dénonçaient l'utilisation de ces armes par les forces de l'ordre en même temps qu'ils dénonçaient « les violences policières ».

Le gouvernement français, de son côté, défendait la nécessité de ces armes pour éviter des contacts directs violents et davantage de blessures entre manifestants et forces de l’ordre.

« Ce que je sais, c’est que si on les retire à nos policiers, il leur reste quoi ? Il leur reste le corps-à-corps ou leur arme de service. Je ne souhaite pas qu’ils utilisent leur arme de service, et je souhaite éviter le corps-à-corps. ». Le discours du Ministère de l’intérieur est que si on les supprime, les forces de l’ordre n’auront d’autre choix que de recourir à leurs armes à feu et qu’il va y avoir des morts. Et au Conseil d'Etat, saisi en urgence, de rejeter les demandes de suspension de l'usage du lanceur de balles de défense (LBD), estimant que le risque de violences rendait « nécessaire de permettre aux forces de l'ordre de recourir à ces armes ». Mais ce discours sonnent faux en comparaison de ce qui se passe dans les autres démocraties.

En 2016, l’Association catholique contre la torture et la peine de mort (ACAT), a publié un rapport d’enquête sur les violences policières en France, intitulé « L’ordre et la force » : le bilan humain est déjà lourd. Le dossier de 112 pages, se basant entre autre sur le travail réalisé par Ivan Du Roy et Ludo Symbille, souligne déjà entre 10 et 15 morts par an et met en question l’utilisation des armes sub-létales (LBD, Taser) et des techniques d’interpellation policières (pliage, placage ventral) dans celui-ci.

Les condamnations d'instances internationales de l'usage des LBD

Le 14 février, un groupe d'experts du Conseil des droits de l'homme de l'ONU avait publié un communiqué sans appel sur le sujet, estimant que «le droit de manifester en France a été restreint de manière disproportionnée» tout en donnant le chiffre de 1700 blessés.

Le 25 février, au Conseil de l'Europe d'appeler la France à suspendre l'usage des LBD.

«Les blessures occasionnées par des tirs de LBD révèlent un usage disproportionné de la force, ainsi que l'inadaptation de ce type d'arme au contexte d'opérations de maintien de l'ordre», a noté la commissaire aux droits de l'homme de la CEDH, Dunja Mijatovic, dans un mémorandum de dix pages.

Et enfin Michelle Bachelet, la Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, n' a pas manqué non plus de demander que la France mène une enquête sur les violences policières qui se seraient produites pendant les manifestations des Gilets jaunes depuis la mi-novembre dans un discours prononcé devant le Conseil des droits de l’Homme à Genève.« Nous encourageons le gouvernement (français) à poursuivre le dialogue et demandons urgemment une enquête approfondie sur tous les cas rapportés d’usage excessif de la force », a poursuivi Michelle Bachelet mettant France sur la même liste que le Venezuela ou Haïti.

L'utilisation de la violence légitime contre les fauteurs de troubles ? Pourtant une même blessure peut être le résultat d’une violence légitime comme illégitime

Si bien que le parquet de Paris a ouvert plusieurs enquêtes préliminaires

Lundi 1er juillet, il a également annoncé avoir ouvert une enquête préliminaire pour « violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique », afin de faire toute la lumière sur les conditions de cette évacuation musclée. Etre «dépositaire de l’autorité publique» peut également constituer une «circonstance aggravante» au titre des articles 222-12 et 222-24 du Code Pénal.

L’objet violence policière ne doit plus être traité sous le mode de la bavure, de l’exception, de l’accident, du dérapage mais pas comme élément d’un système économique, politique, social, selon le chercheur Mathieu Rigouste.

« Quelle police , pour quelles missions? Quelle connexions entre la police et le gouvernement, quel contrôle des citoyens sur la police ? », ainsi se pose  la question.

Garett Skyport pour DayNewsWorld