RETRAITE LE RECOURS AU 49-3 UN PASSAGE EN FORCE

Le gouvernement a pris la décision samedi midi d'utiliser l'article 49-3 sur la réforme des retraites. Le Premier ministre, Edouard Philippe, s'est rendu à l'Assemblée nationale pour l'annoncer aux députés. La décision a été entérinée samedi en milieu de journée lors d'un Conseil des ministres, juste après un Conseil de défense consacré à l'épidémie de coronavirus.

Le Premier ministre est monté à la tribune pour faire cette annonce, afin de « mettre fin à cet épisode de non-débat » avec les oppositions et « permettre à la suite du processus législatif de s'engager », a-t-il déclaré sous les applaudissements de la majorité et sous les hués de certaines membres de l'opposition, dont François Ruffin et Ugo Bernalicis (LFI).

Droite et gauche vent debout

Droite, gauche et syndicats sont vent debout contre le recours au 49-3 annoncé samedi . À droite comme à gauche, personne n’a ménagé ses mots pour dénoncer l’annonce surprise d’Édouard Philippe samedi soir dans l’hémicycle. «Coup de force du gouvernement» pour le Communiste Fabien Roussel, «pulsions totalitaires» d’Emmanuel Macron pour le chef des Insoumis Jean-Luc Mélenchon, «pire des solutions», pour l’écologiste Yannick Jadot, «cynisme le plus total» pour le patron des députés LR Damien Abad…

Même nombre de députés de la majorité critiquent le fait de ne pas avoir été prévenus avant l’annonce du Premier ministre.

Malaise chez les LREM

Une fois passé la stupeur, la majorité a été sommée de faire bloc derrière l’exécutif. C’est peu dire que l’annonce du recours au 49-3, «appris par la presse», en a agacé plus d’un au sein des députés LREM. On sent un vrai malaise à la République en marche. Depuis 2017, une vingtaine de députés ont quitté le groupe avec une accélération ces derniers mois (Le groupe compte 300 membres et apparentés aujourd’hui contre 314 après les législatives). Existe un malaise sur le contenu de la réforme et surtout la façon dont elle a été gérée. Et pour les municipales puis, dans les villes de plus de 50.000 habitants, il y a des candidats dissidents dans un tiers d’entre elles environ.

Le recours à l’article 49-3 de la Constitution va permettre de faire adopter la réforme des retraites sans débat, ni vote à l’Assemblée nationale.

Sans débat ni vote à l' Assemblée

Contesté depuis plus d’un an, le projet de réforme des retraites faisait en effet l’objet d’une bataille d’amendements à l’Assemblée nationale depuis une semaine.

Depuis l'arrivée du texte - et de ses plus de 41.000 amendements - en séance publique le lundi 17 février, les débats étaient tendus entre majorité et opposition. Vendredi, le cap des 100 heures avait été franchi et les députés siégeaient ce week-end. Le calendrier prévoyait d'aller jusqu'au 6 mars et la trêve liée aux élections municipales. Ce ne sera finalement pas le cas. Comme attendu, le 49-3 va donc être utilisé pour faire adopter le projet de loi sans vote.

L'Assemblée nationale avait voté samedi matin l'article 7 du projet de réforme qui prévoit d'intégrer les régimes spéciaux (SNCF, RATP, Opéra de Paris...) dans le système « universel » de retraite par points. Les débats vont donc s'arrêter avec l'annonce du Premier ministre et le recours au 49.3.

Motions de censure

Mais l’effet de surprise n'a cependant pas empêché l’opposition de déposer deux motions de censures dès samedi soir, la première par LR, la seconde par le PS, le PCF et La France insoumise. Pour être étudiée, une motion doit être signée par au moins un dixième des membres de l'Assemblée, c'est-à-dire 58 députés. Elles devraient être débattues mardi prochain mais n’ont aucune chance d’aboutir puisque LREM détient à elle seule une très large majorité au sein de l’Assemblée nationale et peut compter sur l’appui du Modem.

Le gouvernement ne prend donc aucun risque en dégainant l’article 49-3 pour faire passer sa réforme des retraites !

Un passage en force

Mais habituellement, on utilise l’article 49-3 afin de discipliner une majorité récalcitrante. Ici le recours à cet article permet juste de faire passer cette réforme des retraites en force après un an de concertation sociale infructueuse et alors que l’opinion publique est toujours majoritairement défavorable au projet.

La séquence de la réforme des retraites n’est pas terminée pour autant. Côté rue, les syndicats envisagent déjà de nouvelles mobilisations face à un recours au 49-3 jugé «profondément scandaleux» par la CGT et «inacceptable» par FO. Côté Sénat où la droite est majoritaire, l’exécutif se prépare à une autre bataille parlementaire.




Britney Delsey pour DayNewsWorld