LE POLITIQUE A L'EPREUVE DE LA PANDEMIE DE CORONAVIRUS

Dès le début de la crise, le 16 mars, Emmanuel Macron exhorte les politiques à faire bloc dans la lutte contre le coronavirus, conviant « tous les acteurs politiques […] à s’inscrire dans cette unité nationale », loin des querelles intestines. Cet appel à « bâtir un autre projet dans la concorde […] avec toutes les composantes de notre nation », le président de la république le réitère au cours de son allocution du 11 avril.

Absence « d'unité nationale » dans la guerre contre le coronavirus

Pourtant le maintien du premier tour des municipales en plein coronavirus a été a été tout de suite sujet à polémique . En pleine pandémie et alors que le confinement allait être annoncé le lendemain du scrutin , n'aurait-il pas été plus sage de reporter ce dernier ?

« L’unité nationale ne peut se faire sur le dos des Français. C’est pourquoi nous continuons à dénoncer les mensonges du gouvernement », résume ainsi le député RN du Nord Sébastien Chenu. Même si le gouvernement a essayé d'être le plus « transparent » possible dans sa gestion de la crise sanitaire, il n'a pas été à l'abri de quelques mensonges que l'opposition n'a n'a pas manqué de souligner.

Ainsi du port du masque soit-disant inutile au début pour devenir obligatoire aujourd'hui dans les transport en commun. Ce mensonge n'était-il pas censé cacher l'incurie d'un exécutif mal préparé à gérer la crise ? Il en est allé de même pour la pénurie des tests alors que d'autres pays européens comme l'Allemagne avaient pu lancer dès le début de la pandémie un vaste dépistage de sa population.

L’ancienne ministre de la Santé Roselyne Bachelot, accusée d’avoir surréagi à la grippe H1N1 en commandant plus de 90 millions de vaccins, ne s'est d'ailleurs pas privé de prendre sa revanche. Elle a défendu le principe de précaution. « J’ai été moquée mais je suis persuadée, et les éléments le prouvent, que la théorie de la préparation, de la préparation maximum, est la bonne », a-t-elle dit.

Même le texte sur « l’état d’urgence sanitaire » est critiqué par certains opposants. La droite sénatoriale a d’ailleurs annoncé qu’elle saisira le Conseil constitutionnel sur la loi de prolongation de cet état d’exception et prévoit une commission d’enquête sur la crise sanitaire en juin.

Une crise de confiance la plus sévère des pays européens

Alors que l’exécutif multiplie les interventions médiatiques pour tenter d’enrayer la défiance d’une partie des Français, la confiance dans le gouvernement pour faire face à l’épidémie connaît une baisse dans la plupart des sondages. Elle n’est ainsi que de 39 %, selon un sondage Ifop paru dimanche 3 mai, en recul de 16 points par rapport à la mi-mars.

Cette défiance repose sur un « sentiment de tromperie » selon Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop, évoquant les hésitations du gouvernement sur les masques ou les dépistages. La France est d’ailleurs le pays européen le plus affecté par cette défiance. Selon un sondage Ipsos/Sopra Steria pour le Cevipof publié le 4 mai, 62 % des personnes interrogées en France se disent ainsi « insatisfaits » de l’action du gouvernement contre 26 % en Allemagne, 39 % au Royaume-Uni, et 45 % en Italie.

Un collectif de soignants a d'ailleurs déposé plainte contre le Premier ministre et l'ancienne ministre de la Santé les accusant de s'être « abstenus » de prendre à temps des mesures pour endiguer l'épidémie de coronavirus.« Agnès Buzyn nous a fait perdre deux mois décisifs » Pour Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat professionnel infirmier SNPI, la pénurie de masques est un « scandale d’Etat » .Des plaintes venant d'associations ont également été déposées contre Édouard Philippe, Olivier Véran ou Agnès Buzyn pour des faits de « mise en danger de la vie d’autrui », ou d' « homicide involontaire » par des associations auprès de la Cour de justice de la République.

Le poids de la médecine dans la prise de décision politique

Dès le début de la pandémie Emmanuel Macron a prôné « la confiance dans la science » prenant ses décisions après consultation des scientifiques. Pour ce faire il met en place dés le 11 mars un conseil scientifique composé de spécialistes des épidémies et le 24 mars un comité de chercheurs cette fois pour plancher sur les traitements et le dépistage.

« On est toujours à l’écoute de ce que nous disent les scientifiques. Finalement ce sont des décisions assez peu politiques, elles ne relèvent pas d’une doctrine ou d’une idéologie », expliquait à propos du port du masque le ministre de la Santé, Olivier Véran, le 30 avril sur LCI. Les grandes décisions comme le maintien des élections municipales, la fermeture des écoles ou encore le confinement se sont appuyées sur l’expertise médicale. Mais la décision politique l'a emporté sur l 'expertise médicale pour la réouverture des écoles annoncée malgré l'avis contraire des médecins.

L'explosion de la dette

Alors que l'exécutif défendait jusqu'ici bec et ongles sa politique économique libérale et prônait une réduction drastique de la dette publique, la pandémie l'a amené à prendre des décisions contraire à sa doctrine. En effet pour soutenir l'économie fortement ralentie le gouvernement a dégainé des aides aux entreprises et un plan de chômage partiel. Le budget 2020 a été rectifié, en hausse de 110 milliards d’euros côté dépenses, dont 24 pour financer le chômage partiel et 20 pour recapitaliser des entreprises stratégiques en difficulté. De quoi faire bondir la dette, qui devrait passer à 115 % du PIB cette année (+ 16 points), mais pas les politiques. Même la droite, traditionnellement attachée à la diminution des dépenses publiques, a, approuvé cette hausse de l’endettement.

Un changement de doctrine économique facilitée par l’abandon des règles de discipline budgétaire par la Commission européenne




Joanne Courbet pour DayNewsWorld