COVID-19: PERQUISITIONS AUX DOMICILE ET BUREAU DU MINISTRE DE LA SANTE OLIVIER VERAN

Des ministres et ex-ministres perquisitionnés

Prévues de longue date, des perquisitions ont été menées ce jeudi matin aux domiciles et bureaux du ministre de la Santé Olivier Véran. Domiciles et bureaux de plusieurs personnalités politiques ont fait l'objet de perquisitions, jeudi 15 octobre.Cette vaste opération de perquisitions, inédite et spectaculaire, concerne également l'ancien Premier ministre Edouard Philippe, l'ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn, l'ancienne porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye, ainsi que le Directeur général de la Santé, Jérôme Salomon. D'autres perquisitions ont été menées chez la directrice générale de Santé publique France, Geneviève Chêne.

Des perquisitions ordonnées par la Cour de justice de la République

Les perquisitions interviennent dans le cadre d'une information judiciaire ouverte par la Cour de justice de la République sur la gestion de la crise du coronavirus, a annoncé le ministère de la Santé dans un communiqué. A l'origine de ces perquisitions se trouve la Cour de justice de la République, dont la commission d'instruction agit comme un juge d'instruction et mène les investigations. Une information judiciaire a en effet été ouverte le 7 juillet pour « abstention de combattre un sinistre ». Elle s'appuie sur l'article 223-7 du Code pénal : « Quiconque s'abstient volontairement de prendre ou de provoquer les mesures permettant, sans risque pour lui ou pour les tiers, de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. »

« Abstention de combattre un sinistre »

Dans un premier temps, il y a eu les plaintes de proches de victimes de la Covid-19 ou de médecins. Près de 90 plaintes ont été déposées entre mars et juin auprès de la Cour de justice, seule instance habilitée à poursuivre les ministres.

Neuf de ces plaintes ont donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire début juillet, avec une question centrale : que savaient les ministres au moment de prendre leurs décisions, notamment sur l'efficacité des masques ? Se sont-ils délibérément abstenus de prendre des mesures protectrices ? Gendarmes et policiers se sont immédiatement mis au travail pour répondre à ces interrogations.

Invité sur BFMTV, Maître Arié Allimi, avocat du collectif Inter-Urgences qui avait déposé plainte fin juin auprès du parquet de Paris avec constitution de partie civile, développe la situation. Le collectif avait déjà déposé plainte en mars dernier en compagnie d'un autre, le collectif C19, pour « abstention de combattre un sinistre », mais veut que la justice accélère ses investigations.

« La raison de cette plainte c’est de dire que le gouvernement n’a pas permis aux soignants de se protéger d’une maladie qu’il savait venir et dont il connaissait les moyens de se protéger. Voilà l’objet de cette plainte, il y a des responsabilités administratives, politiques, mais aussi pénales, et la justice est en train d’enquêter pour déterminer qui est responsable »  , développe-t-il.

« Des soignants ont été contaminés »

L'avocat a tenu à rappeler la situation dans laquelle les soignants en France se sont trouvés au printemps, alors que la crise sanitaire était au plus fort sur le territoire français.

« Il y a un certain nombre de soignants qui ont été contaminés, certains ont eu des séquelles très importantes, et d’autres sont décédés des suites de la contamination au Covid. Vous le savez aussi, un grand nombre de soignants ne disposaient pas du matériel nécessaire pour se protéger alors qu’ils étaient au contact de personnes contaminées, notamment des masques, des blouses… »

Trois médecins, membres du collectif C19 et soutenus par plus de 600 membres du personnel de santé, ont également porté plainte contre le ministre de la Santé, en saisissant la Cour de justice de la République. Leur avocat, Fabrice Di Vizio, estimait que « le gouvernement n'a pas présenté jusque-là de preuves de commandes ou de contrats pour les équipements nécessaires » de protection, comme des masques. Ces trois médecins ont également déposé plainte contre Agnès Buzyn et Edouard Philippe. Fabrice Di Vizio les accuse de s'être « abstenus » de prendre à temps des mesures pour endiguer l'épidémie de Covid-19.

Du matériel informatique saisi

Ce sont les gendarmes de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique et de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales qui ont réalisé ces perquisitions.

Les enquêteurs étaient accompagnés de spécialistes en informatique. Il s'agissait de saisir et de mettre sous scellés du matériel informatique, a appris France Télévisions de source proche de l'enquête. Les membres de la commission d'instruction de la CJR recherchent d'éventuelles preuves (rapports non publics, courriels professionnels...) montrant le degré de connaissance dont disposait le gouvernement, par exemple des alertes dont il n'aurait pas tenu compte. Les masques constituent le cas le plus emblématique.

Des perquisitions qui posent question

L'enquête « n'est pas là pour définir des responsabilités politiques ou administratives », avait expliqué à l'époque le procureur Rémy Heitz, « mais pour mettre au jour d'éventuelles infractions pénales » de décideurs nationaux (sauf le chef de l'Etat, non responsable pénalement, et les membres du gouvernement).

Plusieurs personnalités ont réagi concernant la date choisie pour ces perquisitions. Celles-ci viennent brouiller la communication gouvernementale au lendemain de l'intervention du président Emmanuel Macron, et l'annonce choc de couvre-feux nocturnes en Île-de-France et dans huit métropoles.

« Ça n'est pas l'urgence aujourd'hui, on doit lutter contre la deuxième vague et je ne suis pas persuadé qu'on doive perdre du temps avec ça », a réagi sur BFMTV le président de l'UDI, Jean-Christophe Lagarde, qui ne croit « pas à la responsabilité pénale des ministres dans cette affaire ». Le député de la France insoumise Eric Coquerel s'est montré également sceptique. « Je ne trouve pas que ces perquisitions soient opportunes, il y a une judiciarisation de la vie politique. C'est plus une mise en scène qu'autre chose », a-t-il déploré sur LCI

Une dérive politique de la magistrature française ?




Britney Delsey pour DayNewsWorld