There are no translations available.

MORT DE PIERRE CARDIN

ICONE DE LA MODE

Le couturier français Pierre Cardin est mort ce matin, mardi 29 décembre, à l'hôpital américain de Neuilly-sur-Seine, a annoncé sa famille .

Le styliste visionnaire et pionnier du prêt-à-porter avait 98 ans.

En plus de 70 ans de carrière, il a révolutionné l’univers de la mode.
«Je suis le seul nom libre de la mode.

Depuis les années 1950, je suis resté Pierre Cardin de A à Z. Tous les autres sont morts ou alors passés dans d'autres mains », aimait-il à dire.

Il inventa un style « global », il fut l'incarnation avant l'heure de la notion de couturier contemporain :

homme d'affaires autant que créateur.

« Je suis moi-même mon plus beau succès.

Je suis un enfant des faubourgs, je suis devenu Pierre Cardin », disait-il.

«Un enfant des faubourgs»

Il est né Pietro Cardini, en 1922, dans une famille de paysans de la Vénitie. Ruinée par la Grande Guerre, elle s'installe en France . d'immigré.

Comme les acteurs Yves Montand (Ivo Livi, né en 1921 à Monsummano Terme et mort en 1991 à Senlis) ou Serge Reggiani (né en 1922 à Reggio d’Emilie et mort en 2004 à Boulogne-Billancourt), il fait partie de cette immigration italienne qui a, dans un climat de méfiance, voire de xénophobie, « fait la France », comme le rappelait l’exposition « Ciao Italia ! » du printemps 2017 au musée de l’Immigration, à Paris.

« Une démarche de sculpteur »

Entré chez Paquin en 1945. Passage éclair chez Schiaparelli. Premier tailleur chez Christian Dior en 1946. Cardin voulait faire la révolution tout court. Il la commença dans le théâtre où il réalisa les costumes de La Belle et la Bête, puis il se mit à habiller les plus grands bals mondains de l'époque.

En 1950, il fonde sa propre maison (au 10, rue Richepanse, aujourd’hui rue du Chevalier-de-Saint-George, dans le 8e arrondissement de Paris) et révolutionne la haute couture avec ses silhouettes circulaires abstraites, des formes sculpturales et de nouveaux tissus tel le vinyle pour sa ligne « Cosmocorps », ou la fausse fourrure qui fera scandale. Ses tenues frappent aussi par leurs couleurs et leurs motifs empruntés au pop art. « J’ai une démarche de sculpteur : je crée d’abord des formes et j’essaie d’inscrire le corps dedans », précisait-il.D'emblée, l’audacieux créateur incarne, avec André Courrèges (1923-2016) et Paco Rabanne, le renouveau vestimentaire d’après-guerre pour une jeunesse en plein essor, avide de nouveautés.

En 1953, Pierre Cardin lance sa première collection. Maître de l’expérimentation, il crée peu à peu des vêtements jamais vus. Sa célèbre robe bulle cartonne dès 1954. Plus tard, on lui devra la mode unisexe, le costume Mao, l’utilisation du vinyle, d’imprimés fantaisistes et de couleurs provocantes. Les pièces futuristes sont réalisées dans des matières nobles et les coupes géométriques.

L’art de vivre japonais se fait rapidement une place dans son travail : en 1957, Pierre Cardin part enseigner le stylisme au Japon. Il y rencontre le mannequin Hiroko Matsumoto. « Mademoiselle Hiroko » prendra, pendant près de dix ans, une place de maîtresse et de muse et deviendra le premier top model japonais dans une collection de prêt-à-porter française.

Avènement du prêt-à-porter féminin.

En 1959, il participe à l'avènement du prêt-à-porter féminin. « Pour créer des vêtements qui habillent aussi bien la Duchesse de Windsor que les concierges. » Il est le premier à voir la mort de la haute couture se profiler. Le tollé suscité par ces vêtements « prêts à porter » est immense, il n'en a cure. Cardin veut construire son univers qu'il peuple d'étranges créatures. Robes trois trous en tissu thermoformé, combinaisons de cosmonautes unisexes, cuissardes en vinyle, chapeaux satellites, fourreaux lampions, tuniques cible, jupes cerceaux, cols cheminées…

« J'ai été un contestataire, un provocateur, un aventurier. Christian Dior voulait faire des robes que sa mère aurait aimé porter, moi, je voulais explorer de nouvelles voies, celles de l'espace, de la science, de l'infini. »

Bien servi par son physique, il est aussi l’un des premiers couturiers coqueluches de la jet-set, après le mondain Paul Poiret dans les années 1930. Il crée les costumes de Salvador Dali, La Bégum, Rita Hayworth ou de Dior lui-même pour les grands bals du XXe siècle, avant d’habiller de ses manteaux et tailleurs bien coupés Mistinguett, Maurice Chevalier ou plus tard Charlotte Rampling. Il fréquente les Rothschild, les Ribes, les Beistegui, les Radziwill.

Un redoutable homme d'affaires

Très tôt, Pierre Cardin se fait homme d’affaires grâce à un système de licences : il imagine des articles produits par des industriels qui lui reversent ensuite un pourcentage sur les ventes. Sa marque s’exporte sur des assiettes en porcelaine dès 1968, des meubles, des œuvres d’art ou encore sur le restaurant Maxim’s, dans le quartier de la Madeleine à Paris, dont il prend le contrôle en 1981. L’entrepreneur est à la tête de 800 licences dans une centaine de pays.

Les produits qui portent son nom sont vendus dans le monde entier. Il est le plus gros donneur de licences dans le monde. Elles lui auraient rapporté quelque 35 millions d'euros de royalties par an. Des milliers d’actifs très différents, qui vont des lunettes au linge de maison, en passant par l’eau minérale et les produits courants. Dans l’anthologie Pierre Cardin, qui retrace, en 2017, les 70 ans de carrière du créateur, Jean-Pascal Hesse, son directeur de communication, dira de lui : « La force de Pierre Cardin, c’est Pierre Cardin lui-même. C’est la clé de voûte de tout son système. » Les boîtes de sardines estampillées Maxim’s vaudront au créateur le surnom « d’épicier ». Qu’importe. Son Empire n’a plus de frontières.

En 2001, Pierre Cardin achète le château du Marquis de Sade à Lacoste, dans le Luberon. Un tiers du village lui appartient. Il y ouvre un festival d’art lyrique et de théâtre. Mais son acquisition la plus spectaculaire reste probablement l'insolite Palais Bulles, en 1991, où il organise des défilés et des soirées privées. Située à Théoule-sur-Mer face à la baie de Cannes, la résidence futuriste de 1200m² imaginée par l’architecte hongrois Antti Lovag fait la part belle aux courbes et aux sphères, inspirée par l’habitat troglodyte.

En plus de 70 ans de carrière, le dandy des temps modernes aura collectionné les récompenses et les "premières" : trois Dés d'or décernés par la chambre de la haute couture française, Commandeur de la légion d'honneur, ambassadeur honoraire de l'Unesco, académicien, commandeur de l'ordre du mérite de la république italienne, baron de la Soie en Allemagne, citoyen d'honneur de la ville de Xian…

« Une des clés du système Cardin : arriver le premier, avant tout le monde », expliquait Jean-Pascal Hesse.




Emily Jackson pour DayNewsWorld