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LE FASHION PACT PARI ECO-RESPONSABLE OU

PURE COMMUNICATION POLITIQUE

L'industrie de la mode et du textile pollue. Son impact environnemental est en effet énorme : il est responsable de 20% de la pollution d’eau d’origine industrielle, à cause notamment de la teinture et des traitements de textile, mais aussi de 10% des émissions de CO2 dans le monde.

Cette industrie est à l'origine de plus d’émissions de gaz à effet de serre que les transports aérien et maritime réunis. Elle consomme également 22,5% des pesticides utilisés dans le monde.

La voilà donc prête à s'engager pour la planète comme c'est le cas de 150 marques réunies derrière le «Fashion Pact», une coalition lancée à l'appel d'Emmanuel Macron par François-Henri Pinault, P-DG du groupe Kering, en avril dernier lors du Copenhagen Fashion Summit.

Le gouvernement français a appuyé l'initiative, qui correspond à une «prise de conscience au niveau du consommateur qui demande plus de transparence», juge le ministère de la Transition écologique et solidaire.

La démarche suit trois axes : protection de la biodiversité, du climat et des océans.

Parmi les 30 groupes signataires, on retrouve le pilote Kering (Gucci, Saint Laurent, Balenciaga, Alexander McQueen, Puma, Volcom, etc) et des acteurs du luxe comme du prêt à porter ou des distributeurs : Adidas, Burberry, Carrefour, Chanel, Galeries Lafayette, Gap, H&M, Hermes, Inditex, Nike, Prada, Ralph Lauren, Selfridges...

Des objectifs ambitieux pour le climat, la biodiversité et les océans

Le pacte entend limiter l'impact de la filière sur le climat, la biodiversité et les océans via des objectifs fixés à horizon 2030 et 2050.

Parmi les différents objectifs climatiques fixés figurent en effet le cap de zéro émission nette de carbone à horizon 2050, avec des programmes vérifiables de compensations tels Redd+ pour compléter les mesures de réduction. Est par ailleurs visé d’ici 2030 le recours à 100 % d’énergies renouvelables par les groupes, avec au passage l’ambition d’inciter l’amont de la production à suivre le mouvement.

Côté biodiversité, les signataires comptent renoncer aux approvisionnements issus de l’élevage intensif, ainsi que privilégier les exploitations agricoles respectant l’écosystème naturel, la protection des espèces et la régénération des sols. Quant aux océans, le pacte entend les protéger en éliminant notamment l'utilisation de plastiques à usages uniques d’ici à 2030, ainsi qu'en soutenant l’innovation autour des matériaux afin de réduire la pollution aux microfibres plastiques.

Des mesures optionnelles, aucune sanction prévue

Ce «Fashion Pact» est une «initiative volontaire de la part des marques» et doit servir à «mettre de l’ordre dans les initiatives dispersées que les groupes ont déjà prises en matière de politique environnementale». C’est «un moment extrêmement fort pour le monde de la mode qui s’unit pour changer un système en profondeur» explique le groupe Kering, notamment parce que «cette industrie influence énormément sur les tendances. Si la mode se met à faire quelque chose, les autres secteurs suivent.»

Le «Fashion Pact» fonctionne à l’obligation de résultats et pas de moyens. C’est-à-dire que chaque entreprise est libre d’adapter ses mesures en fonction de ses besoins pour arriver aux buts fixés par le pacte : atteindre zéro émission nette de CO2 d’ici 2050 et passer à 100% d’énergies renouvelables sur toute la chaîne d’approvisionnement d’ici à 2030.

L’idée est d’agir au sein des entreprises plus que de légiférer, de réglementer ou de labelliser. « Nous avons un objectif de résultats, mais pas de moyens. » Et pour y arriver, « c’est l’union qui fait la force », s’enthousiasme Kering.

Si aucune mesure réglementaire n’est prévu, c'est qu'on estime que « le meilleur policier c’est le consommateur, pas l’Etat. On compte sur les influenceurs pour lancer les alertes au greenwashing et la sanction viendra au niveau de la réputation. Dans le milieu de la mode, le meilleur label c’est la marque en elle-même», avance le groupe Kering.

« Point de bascule »

« L’objectif c’est de mettre de l’ordre dans des initiatives dispersées. Et surtout de réaliser le tour de force de mobiliser sur la question au moins 20 % du secteur. Car quand 20-30 % des acteurs sont mobilisés, c’est un point de bascule qui fait que les entreprises restantes n’ont plus d’excuses pour ne pas agir » , explique-t-on au ministère.

En octobre, François-Henri Pinault réunira les signataires du "Fashion Pact"Les signataires devront tout de même rendre compte de leur avancement chaque année.

Parmi ces trente premiers noms à l’origine du « pacte », deux grands absents sont toutefois à déplorer: le leader mondial du luxe LVMH -déjà engagé depuis 2012 dans un programme environnemental avec l’Unesco- et la marque controversée Canada Goose, régulièrement au cœur de polémiques environnementales ces derniers mois.

Un « Fashion pact » limité, pour les ONG

D’ores et déjà responsable dans le monde de 20% des rejets d’eaux usées, de 10% des émissions de carbone, de 22,5% de l’usage de pesticides et de 20% de la pollution de l’eau, le secteur risque de voir sa pollution augmenter de 60% d’ici 2030 si ces pratiques n’évoluent pas en profondeur.

Si, face à ce constat, plusieurs entreprises et marques ont déjà consenti à des efforts, les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous. Certaines marques comme H&M ont arrêté de produire des matières animales telles que le cachemire et le cuir, mais d’autres comme Hermès continue par exemple de vendre des cuirs exotiques (autruche, crocodile...).

La crainte c’est un « Fashion pact » qui prévoirait des aménagements cosmétiques. L’idée ne serait pas d’adapter la nature à l’industrie, mais de protéger la nature en adaptant l’industrie à elle.

Pour ce, il est nécessaire que les entreprises commencent par « accepter de baisser leurs marges en se tournant vers des matières premières plus respectueuses de l’environnement telles que le VGA (un cuir produit à partir de déchets du vignoble), le cuir d’ananas ou le remplacement de la laine par des fibres de chanvre et de bambou. », selon Mme Peta, militante écologiste.

Mais un secteur de la mode ultra-dynamique qui génère plus de 1500 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an acceptera-t-il de faire moins de profits?

À l’heure de l’urgence climatique le « Fashion pact » doit être vraiment innovant, courageux et fort, au risque de passer pour de la pure communication politique.




Kelly Donaldson pour DayNewsWorld