COUP D'ETAT AU NIGER LA FRANCE HORS DU SAHEL 

QUI TOMBE AU MAIN DES DJIHADISTES

Le Niger vit dans l’incertitude depuis le mercredi 26 juillet 2023. Les militaires ont pris le pouvoir et séquestrent Mohamed Bazoum, élu démocratiquement élu en 2021. Le général Abdourahamane Tchiani, va désormais diriger le pays.

"Parfaitement illégitime" : Emmanuel Macron a condamné vendredi depuis la Papouasie-Nouvelle-Guinée "avec la plus grande fermeté le coup d'État militaire" en cours au Niger, "dangereux" pour la région, et a appelé "à la libération" du président Mohamed Bazoum. 

"Ce coup d'État est parfaitement illégitime et profondément dangereux pour les Nigériens, pour le Niger, et pour toute la région", a relevé le président français lors d'une conférence de presse. "C'est pourquoi nous appelons à la libération du président Bazoum et à la restauration de l'ordre constitutionnel", a-t-il ajouté.

Soutenu par une partie de la population

Le Niger, un pays pauvre à l'histoire jalonnée de coups d'Etat, était l'un des derniers alliés de la France au Sahel, une région minée par l'instabilité, la précarité et les attaques jihadistes. Le coup d'Etat à Niamey est le troisième dans cette zone depuis 2020, après l'arrivée de militaires au pouvoir au Mali et au Burkina Faso. Et la présence militaire française semble plus que jamais en sursis dans la région. On estime qu'il y a environ 1 500 à 2 000 soldats français dans le pays.

Ce dimanche 30 juillet 2023, la crise interne au Niger a d'ailleurs pris un autre tournant avec une manifestation durant laquelle l’ambassade de France à Niamey a été dégradée. Un sentiment anti-français monte donc dans cette ancienne colonie quittée par la France en 1960.

Si les autorités militaires de Niamey emboîtent le pas de leurs voisins, une requête pressante pourrait bientôt être adressée à la France, exigeant son retrait des lieux. En effet, dès le jeudi 27 juillet, ces putschistes ont publiquement mis en cause la France, l'accusant d'avoir violé la fermeture des frontières en autorisant l'atterrissage d'un avion militaire à l'aéroport international de Niamey. 

Quelques minutes auparavant, les putschistes avaient appelé "la population au calme" après des incidents lors d'une manifestation à Niamey organisée pour les soutenir, pendant laquelle flottaient des drapeaux russes et des slogans anti-français étaient scandés

La France hors du Sahel...

À court et moyen terme, la France pourrait donc totalement disparaître du paysage au Sahel, signant ainsi la fin de ce qu'on a appelé la Françafrique dans cette partie du continent.

La situation nigérienne semble un déjà-vu. Après le Mali et le Burkina Faso, le Niger, lui aussi touché par des attaques liées à l’État islamique et à Al-Qaïda, est le troisième pays du Sahel à subir un coup d’État depuis 2020.La France avait également des présences militaires dans ces deux pays. 

En août 2022, l’armée française avait quitté la base malienne de Gao, mettant fin à l’opération Barkhane, successeur de l’opération Serval lancée en 2013. C’est d’ailleurs à ce moment-là que l’armée s’est repliée au Niger. 

En janvier 2023, la Force sabre, les forces spéciales militaires en place depuis 15 ans à Ouagadougou, s’est aussi retirée du Burkina Faso. Les effectifs militaires français au Sahel ont donc fondu en un an, passant d’environ 4 500 à 2 500, dont 1 500 au Niger et 1 000 au Tchad.

Dispositif anti-djihadiste important

Or, avec 1 500 militaires sur place, le Niger constituait jusqu’ici le pivot du dispositif anti-djihadiste français au Sahel, depuis le départ contraint des militaires tricolores du Mali à l’été 2022.

Les militaires français travaillent régulièrement avec l’armée nigérienne dans le cadre d’opérations spéciales. La dernière en date (communiquée par le ministère des Armées), s’est tenue en mai 2023. 

Une opération aéroportée afin de prendre le contrôle d’un bâtiment près de la frontière malienne, dans la zone dite « des trois frontières », cruciale et dangereuse dans la lutte contre le djihadisme.

Il n'y a aucune solution de repli dans la région. De la Mauritanie au Soudan, les djihadistes ont réussi à faire fuir l'ensemble des Occidentaux.

D'ailleurs, avant ce coup de force, la tendance était déjà à la diminution du nombre de militaires français au Sahel et dans cette partie de l’Afrique. C'était le souhait d'Emmanuel Macron de retirer des troupes du Gabon, du Sénégal ou encore de la Côte d'Ivoire. Les récents événements qui viennent de se dérouler au Niger pourraient encore accélérer cette tendance.

Outre des intérêts sécuritaires, la France y a aussi des intérêts économiques.

Des intérêts économiques aussi

Sur le plan économique, le Niger accueille en son sein une présence relativement restreinte d'entreprises françaises, à l'exception notable d'Orano (anciennement Areva). Ce groupe minier, détenu par l'État français, emploie près de 900 travailleurs dans le pays, majoritairement des ressortissants locaux. Le Niger détient des richesses en uranium, et c'est précisément sur ces terres que s'est établie l'activité d'Orano au fil des années.
Depuis près d'un demi-siècle, Orano exploite deux sites miniers de premier plan au Niger, à savoir la Somaïr, opérationnelle depuis 1971 (Société des mines de l'Aïr), et la Cominak, débutant son activité en 1978 (Compagnie Minière d'Akouta). 

Toutefois, la Cominak a dû fermer ses portes le 31 mars 2021, suite à l'épuisement de ses ressources en uranium. Néanmoins, Orano a entrepris un ambitieux projet de réaménagement pour cette dernière, demeurant ainsi impliqué dans cette transition.

Au cours de la période s'étalant de 2005 à 2020, le Niger a occupé le rang de troisième fournisseur d'uranium de la France, contribuant à hauteur de 19 % de ses approvisionnements en cette matière, se plaçant ainsi derrière le Kazakhstan et l'Australie, selon les données du comité technique Euratom.

Par ailleurs, Orano mène un projet d'envergure dans le pays depuis plusieurs années : l'exploitation du site d'Imouraren. 

Ce projet d'envergure repose sur des études minutieuses et promet des réserves d'uranium estimées à 174 000 tonnes, permettant une durée de vie de ce site minier d'environ 43 ans.

Face aux derniers événements de ce week-end la France a menacé dimanche de répliquer " de manière immédiate et intraitable " à toute attaque contre ses ressortissants et ses intérêts au Niger, après le rassemblement où des milliers de manifestants favorables au putsch militaire ont ciblé son ambassade à Niamey.

Le président Emmanuel Macron a prévenu qu’il ne "tolérera aucune attaque contre la France et ses intérêts"."

Ce sera aux putschistes de dire qui est derrière eux et qui les soutient", a souligné Catherine Colonna, questionnée sur la présence de drapeaux russes dans la manifestation.

"La France restera engagée contre les djihadistes au Sahel « jusqu'à ce que la victoire soit complète ». 

Le président Emmanuel Macron l'affirmait résolument en 2018. Cinq ans plus tard, le coup d'État dont a été victime le président du Niger le 27 juillet plante le dernier clou dans le cercueil de la politique macronienne au sud du Sahara.

 Vladimir Poutine n'aurait pu rêver meilleur contexte pour son sommet Russie-Afrique qu'il tenait au même moment à Saint-Pétersbourg", commente Luc de Barochez dans son édito publié dans Le Point de cette semaine.




Alyson Braxton pour DayNewsWorld