HISTOIRE D'AMITIE FRANCO-TCHADIENNE

EMMANUEL MACRON AUX OBSEQUES

DU PRESIDENT IDRISS DEBY

L’image aura beau faire très « Françafrique », comme le souligne le Parisien, Emmanuel Macron assistera ce vendredi matin à N’Djamena, avec le ministre du Quai d’Orsay Jean-Yves Le Drian, aux obsèques du « maréchal du Tchad », le président Idriss Déby Itno, tué au combat contre les rebelles du Fact au nord du pays , alors sur les lieux des combats pour commander les forces armées. « Idriss Déby, un « guerrier » avait vaincu avec ses pick-up Toyota la puissante armée du colonel libyen Kadhafi, et renversé l’incontrôlable président Hissène Habré. Aucun président français de la Ve n’a jamais manqué à cet allié essentiel en Afrique ».

Ce militaire de carrière venait tout juste d'être réélu pour un sixième mandat à la tête du Tchad lors de la présidentielle du 11 avril. Il avait reçu 79,32% des voix selon les résultats officiels provisoires dévoilés le 19 avril, alors que sa blessure n'avait pas encore été rendue publique. Un plébiscite, alors que près de 65% des électeurs s'étaient déplacés aux urnes.

Une opération à la frontière avec la Libye

Idriss Déby a été grièvement blessé en allant diriger lui-même, à 68 ans, les combats de son armée dans le nord du pays contre une colonne de rebelles infiltrés, comme souvent, depuis la Libye, à plusieurs centaines de kilomètres de N'Djamena. C'est là qu'il a été victime de tirs, plus tôt dans le week-end. « Il a pris la tête des opérations lors du combat héroïque mené contre les hordes terroristes venus de la Libye. Il a été blessé au cours des accrochages et a rendu l'âme une fois rapatrié à N'Djamena », a détaillé à la télévision d'Etat le porte-parole de l'armée, le général Azem Bermandoa Agouna. Le 19 avril, les forces tchadiennes avaient affirmé avoir tué 300 rebelles dans les combats à la frontière. Cinq militaires y avaient perdu la vie.

Une transition assurée par son fils

Après la mort du président tchadien Idriss Déby Itno, qui a dirigé pendant 30 ans son pays d'une main de fer, son fils le général Mahamat Idriss Déby est le nouvel homme fort du Tchad: il prend la tête d'une junte militaire et concentre tous les pouvoirs. Mahamat Idriss Déby, jeune général de l'armée tchadienne âgé de 37 ans, a dissous l'Assemblée nationale et le gouvernement. Il occupe désormais les fonctions de « président de la République, de chef de l'État et de chef suprême des Armées » selon la charte de transition. Ce général quatre étoiles de 37 ans, qui a fait ses preuves à la tête du contingent tchadien déployé en 2013 au Mali pour épauler l’intervention militaire française « Serval », avait été nommé par son père à la tête de la Direction générale des services de sécurité des institutions de l’Etat (DGSSIE), héritière de la garde présidentielle, corps d’élite le mieux équipé et le mieux organisé de l’armée tchadienne.

« Cela traduit tout de même une certaine continuité, puisque c'est un dirigeant militaire qui succède à un autre militaire, qui plus est de la même famille », réagit Caroline Roussy, chercheuse à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Et de continuer : « Que s'est-il vraiment passé ? On a très peu d'éléments sur les circonstances de sa mort. La transition a été réglée de manière extrêmement rapide, en même temps que l'annonce de sa mort. On peut se poser des questions.. »

Pour de nombreux opposants qui ont toujours été réprimés par le régime d'Idriss Déby, cette prise de pouvoir n'est cependant rien d'autre qu'un « coup d'État ».

« Un coup d'Etat institutionnel » pour l'opposition

Des voix s’élèvent déjà des rangs de l’opposition mais aussi de l’armée pour demander l’organisation d’un dialogue national et inclusif.

Une trentaine de partis d'opposition tchadiens ont dénoncé mercredi « un coup d'Etat institutionnel », et ont appelé « à l'instauration d'une transition dirigée par les civils (...) à travers un dialogue inclusif ». L'opposition a aussi appelé à « ne pas obéir aux décisions illégales, illégitimes et irrégulières prises par le Comité Militaire de Transition, notamment la charte de la transition et le couvre-feu ».

Les menaces pèsent donc de toutes parts sur le nouvel homme fort du régime. Un Zaghawa, comme son père. Un militaire de carrière, comme son père. Jeune, certes. Mais Idriss Déby était lui-même arrivé au pouvoir à 38 ans, à la tête d'une rébellion.

Avec la mort du président tchadien Idriss Déby Itno, mardi, la France perd un pilier de la lutte antiterroriste au Sahel. Alors que le Tchad est le plus grand contributeur de la force allié G5-Sahel, les spécialistes craignent que ses engagements militaires soient remis en question au moment où Paris envisage de réduire progressivement son empreinte militaire dans la région.

« La France perd un allié essentiel ».

C'est avec ces mots que la ministre française des Armées, Florence Parly, a réagi à la mort du président tchadien, Idriss Déby Itno, mardi 20 avril.

L'homme, qui a dirigé le pays d'une main de fer pendant trente ans, était un partenaire solide des Occidentaux, Paris en tête, dans la lutte contre le jihadisme au Sahel. La coopération militaire entre la France et le Tchad est ancienne. L'armée française y est présente de manière quasi permanente depuis l'indépendance du pays, en 1960.

L’avenir de l’opération Barkhane en jeu

Le Tchad est ainsi le premier pays à soutenir la France au Sahel pour l’opération « Serval », lancée la même année pour stopper la progression des groupes jihadistes vers le sud du Mali, devenue ensuite « Barkhane ».Une déstabilisation du pays, dangereuse pour la région, serait un scénario cauchemar pour la France aussi. L’avenir de l’opération Barkhane, dont le PC est installé à N’Djamena, serait en jeu. Au début de l’année, le Tchad a envoyé un bataillon de 1200 soldats très aguerris aux côtés de la force Barkhane contre les djihadistes dans la région des « trois frontières » (Mali-Niger-Burkina Faso).

« Le Tchad est donc un verrou stratégique entre des zones très instables, la Libye, le Soudan, la Centrafrique, le Sahel, Boko Haram, etc., énumère un militaire proche du dossier. Idriss Déby s’est toujours engagé personnellement et activement face à ces crises ».

« Un verrou stratégique entre des zones très instables »

Le Tchad est aussi l'un des piliers de la force conjointe du G5-Sahel – aussi composée de la Mauritanie, du Mali, du Burkina Faso et du Niger –, une coalition militaire qui appuie les militaires français depuis 2017. À lui seul, le pays fournit près d'un tiers des forces armées, 1 850 soldats sur les 6 000 déployés. Il est aussi le seul pays du G5 Sahel à avoir déployé un bataillon en dehors de ses frontières nationales, au Niger, dans la région dite des  « trois frontières »réputée pour servir de refuge aux groupes jihadistes sahéliens. Outre son implication au sein du G5-Sahel, le pays fournit le deuxième plus gros contingent au sein de la Mission des Nations unies au Mali (Minusma). L'armée tchadienne une force moteur contre la menace djihadiste

Idriss Déby avait fait de l’armée tchadienne une force moteur contre la menace djihadiste dans la région du Sahel et du lac Tchad. Et pour le Nigeria, géant de 200 millions d’habitants, sa mort pourrait avoir de lourdes conséquences dans la lutte contre Boko Haram et contre le groupe Etat islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap). Si le Tchad sombre dans le chaos, ça aura des conséquences directes sur le Nigeria et le Niger. » Le Tchad sous Déby a été un rempart contre l’afflux de terroristes venant du Sahel vers la région du lac Tchad. Une période d’incertitude inquiétante s’ouvre avec la disparition subite d'Idriss Déby.

« Une période de flottement »

Or, ces engagements militaires tous azimuts pourraient être remis en question avec la mort du président Déby, notent les experts. La mort du président tchadien risque « d'introduire du flottement », confie Yvan Guichaoua, chercheur à l'université de Kent.

La succession à la tête du pouvoir au Tchad et la lutte contre les rebelles issus du nord auront également un impact direct sur la sécurité dans la région du lac Tchad. « Il est presque certain que nous allons assister à une bataille de succession » à N’Djamena, note le cabinet de conseil en risques nigérian SBM Intelligence dans un rapport publié cette semaine : « Cela signifie que les insurgés auront tout loisir de consolider leur base sur le lac et pourront se déplacer dans la zone pour attaquer l’armée nigériane.

La stabilité du pays menacée

Mardi, le CMT s’est bien engagé à organiser des élections « libres et démocratiques », mais à l’issue d’une « période de transition » de dix-huit mois. Ce conseil réunit, outre Mahamat Déby Itno, le socle de l’ancien système soit quinze généraux en tout. Intervenant à la télévision d’Etat, le porte-parole de l’armée, le général Azem Bermandoa Agouna, a promis que « de nouvelles institutions républicaines seront mises en place à l’issue de la transition par l’organisation d’élections libres, démocratiques et transparentes ».

Le nouvel homme fort du Tchad aura-t-il le loisir de mener jusqu’au bout cette transition ? Comment parviendra-t-il à maintenir l’unité d’un système qui se fissurait déjà malgré l’autorité et le charisme de son père ? La résurgence de rébellions anciennes et l’apparition de nouveaux groupes menacent en effet la stabilité du pays.

D'autant que le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (le FACT), après avoir annoncé la veille que ses hommes avaient opéré un repli tactique, le chef de la rébellion Mahamat Mahdi Ali a annoncé qu'il marchait sur la capitale.

 " Si l’ordre constitutionnel avait été respecté, nous nous serions arrêtés et aurions été prêts à discuter.

Mais là, toutes les institutions ont été dissoutes et nous ne reconnaissons pas le conseil militaire qui a été mis en place. Une succession assurée par le fils de Déby, c’est bonnet blanc et blanc bonnet ".




Garett Skyport pour DayNewsWorld