CORONAVIRUS  L'ECONOMIE MONDIALE VACILLE

Dans un monde suspendu au coronavirus, l’économie vacille. Le monde s’immobilise à mesure que le nouveau coronavirus se propage. Bien avant l’éclosion de l’épidémie, le Fonds monétaire international (FMI) avait prévenu que la reprise mondiale serait « poussive », « fragile » et susceptible de vaciller au moindre risque. Depuis l'épidémie le FMI a d’ores et déjà abaissé ses prévisions de croissance mondiale pour 2020, prenant en compte l’impact sur la Chine, deuxième économie mondiale. Mais c’était avant la contagion au reste du monde.

Le Covid-19 répandu dans le monde entier

Le coronavirus s'est en effet répandu comme une traînée de poudre. Plus d'une quarantaine de pays sont désormais concernés par l'épidémie qui a touché les rives du Brésil, n'épargnant plus le continent sud-américain. Au dernier comptage, 81.000 personnes ont été contaminées par le Covid-19 qui a fait 2.761 morts dans le monde, dont seulement 40 en dehors de Chine.

L'épidémie est entrée dans une « phase décisive », estime l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Au cours des deux derniers jours, le nombre quotidien de nouvelles personnes contaminées dans le monde a été supérieur à celui enregistré en Chine, où le virus est apparu en décembre.

Avec 528 cas recensés et 14 morts, l'Italie est devenue l'épicentre du Vieux Continent. Plus personne n'est épargné. La Grèce, l'Espagne, le Royaume-Uni, la Croatie, l'Autriche, le Danemark et l'Allemagne comptent au moins une personne contaminée après un séjour dans la péninsule. Ailleurs en Europe, de nombreux pays comme l'Estonie, la Suisse, la Norvège, les Pays-Bas, la Roumanie ou la Macédoine du Nord sont également touchés.

Pour les économistes le coronavirus pourrait être « le choc externe » de trop.

L’économie mondiale fait face à son pire risque de récession depuis la crise financière de 2008.

« A l’exception partielle de la peste noire en Europe au 14e siècle, chaque pandémie majeure a été suivie d’une récession économique », observe le professeur Robert Dingwall, chercheur à l’Université de Nottingham Trent en Angleterre. « Je ne pense pas qu’il y ait de bonnes raisons de penser que ce serait différent cette fois », dit-il.

Des mesures radicales contre le coronavirus

D’autant que la liste des mesures radicales pour tenter d’endiguer le nouveau virus s’allonge chaque jour un peu plus, le virus parti de la Chine continentale se propageant comme une traînée de poudre sur tous les continents.

Dès janvier, des usines de production avaient été arrêtées en Chine et des villes entières confinées. Vendredi, l’emblématique salon horloger de Bâle a été ajourné et le salon de l’automobile de Genève a été annulé. L’Arabie Saoudite a arrêté d’accueillir les pèlerins à La Mecque. L’incertitude plane en outre sur la tenue des Jeux olympiques de Tokyo en juillet. L'Iran interdit aux personnes malades ou soupçonnées de l'être de voyager à l'intérieur du pays. Les Etats-Unis et la Corée du Sud ont annoncé la suspension d'exercices militaires conjoints. En Italie, le choc entre la Juventus et l'Inter Milan ainsi que quatre autres matches du championnat se dérouleront ce week-end à huis-clos, a confirmé jeudi la Ligue italienne de football.

De lourdes conséquences économiques

Les conséquences économiques sont déjà énormes dans certains secteurs comme les transports, le luxe, le tourisme. Les voyageurs chinois, si nombreux d'habitude dans les grandes capitales européennes, font cruellement défaut. De même, les destinations asiatiques sont boudées par les touristes. L'Italie (dont le tourisme représente 13% du PIB) risque de voir aggravées ses difficultés.« Nous avons réalisé un calcul préliminaire qui estime que cette crise coûtera au moins 22 milliards de dollars [environ 20 milliards d'euros] au secteur » du tourisme dans le monde, explique Gloria Guevara, la présidente du Conseil mondial des voyages et du tourisme (WTTC) dans un entretien au quotidien « El Mundo ».Le manque à gagner pourrait grimper à 49 milliards de dollars (44,6 milliards d'euros) si la crise durait aussi longtemps que celle du SRAS qui s'était déployée en six mois entre 2002 et 2003 et à 73 milliards de dollars (66,5 milliards d'euros) si elle se prolongeait davantage, selon Oxford Economics.

La dépendance à la Chine

La dépendance à la Chine, à son immense marché et à ses gigantesques capacités de production est encore plus visible dans des domaines comme l'automobile (certains équipementiers sont en grande difficulté), l'agroalimentaire (les exportations sont piégées), le secteur pharmaceutique, etc. Certaines entreprises sont déjà au chômage technique. « La contraction de la production en Chine a eu des effets dans le monde entier, témoignant de l’importance croissante de la Chine dans les chaînes d’approvisionnement mondiales et sur les marchés des matières premières », explique l’OCDE.

Une perte d’un demi-point de pourcentage pour la croissance mondiale repose sur « l’hypothèse que le pic épidémique sera atteint en Chine au premier trimestre 2020 et que dans les autres pays, l’épidémie se révélera plus modérée et circonscrite », précise l’organisation internationale basée à Paris. Une épidémie plus durable, qui s’étendrait largement en Asie-Pacifique, en Europe et en Amérique du Nord, pourrait même diviser par deux la croissance mondiale cette année, avertit l’organisation.

Inquiétudes des banques centrales et plans d'urgence

Les banques centrales s'inquiètent. Dans un entretien au « Financial Times », Christine Lagarde, la présidente de la BCE, explique que la crise ne nécessite pas pour l'heure de réponse monétaire, mais que le choc pourrait faire long feu. Son impact sur l'économie mondiale pourrait être supérieur à celui du SRAS, en 2002, a estimé de son côté Klaas Knot le gouverneur de la banque des Pays-Bas. Les marchés boursiers se sont tous enfoncés à nouveau jeudi.

Des plans d'urgence sont prêts à être activés, notamment par le Fonds monétaire international, pour aider financièrement les pays qui ne parviendraient pas à faire face à l'épidémie.

« Nous avons des instruments de financement rapides, de facilités de crédit pour soutenir les pays » en cas d'épidémie ou de désastres naturels, a détaillé le porte-parole de l'institution, rappelant le cas d'Ebola.

Mais à Barry Glassner, sociologue américain auteur de La culture de la peur (Culture of Fear), de conclure que « les nations et les individus ont besoin de prendre leurs précautions, dont celle de contrer la peur, qui se répand au moins aussi vite que le virus lui-même ».




Jenny Chase pour DayNewsWorld