LA REELECTION D'EMMANUEL MACRON

OU UNE VICTOIRE PAR DEFAUT

La réélection d’Emmanuel Macron contre Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle, le 24 avril 2022, ne constitue pas une grande surprise lorsque l'on sait que le front républicain s'est mis en place à l'entre-deux-tour.

Ce succès s’inscrit en outre dans le prolongement des résultats du premier tour, qui avaient interrompu une dynamique semblant profiter, au début du mois d’avril, aux principaux opposants à Emmanuel Macron (Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon) : avec 4,5 points et 1,6 million d’électeurs d’avance sur sa poursuivante, le président sortant abordait ce second tour en situation de ballotage favorable, d’autant qu’il pouvait compter sur le soutien d’un nombre plus important de candidats du premier tour (Pécresse, Jadot, Roussel, Hidalgo – contre Zemmour et Dupont-Aignan) ainsi que sur l’appel répété de Jean-Luc Mélenchon à ne pas « donner une seule voix à Mme Le Pen ».

La victoire d’Emmanuel Macron ne doit cependant pas masquer les enseignements du scrutin .

Les trois enseignements

Premièrement : Seuls 33 % de ses électeurs déclarent avoir voté pour lui pour ses propositions politiques. Une victoire oui mais une victoire par défaut, même si un de ses électeurs sur deux a aussi voté pour sa stature présidentielle.

Deuxièmement : Jamais un candidat d’extrême droite n’a été aussi haut sous la V e République, jamais les Français n’ont paru aussi divisés. Ni aussi défiants envers la politique, à voir le taux record — excepté le second tour Pompidou-Poher de la présidentielle de 1969 — de l’abstention : 28,01 % (chiffre définitif). Près d’un électeur sur trois.

Troisièmement : les électeurs mélanchonniste du second tour ne se sont pas comportés de façon mécanique et uniforme. 38 % d’entre eux se sont abstenus et 8 % ont voté blanc ou nul. En revanche, les reports de voix se sont faits plus en faveur d’Emmanuel Macron (36 %) que de Marine Le Pen (18 %) mais avec toutefois une augmentation de 10% par rapport à 2017.Une proportion non négligeable a voté pour Marine Le Pen, notamment dans les campagnes, où Le Pen est désormais majoritaire, dans cette « France périphérique » décrite par Christophe Guilluy ainsi que dans les outre-mers.

Un pays fracturé

L'enquête Ipsos-Sopra Steria ne souligne-t-elle pas d'ailleurs que 77 % des Français pensent, après cette élection, qu’« il y aura des troubles et des tensions dans le pays au cours des prochains mois » ? Tout aussi inquiétant, 20 % des sondés confient que leur ressenti après cette réélection est « la déception » (20 % se disant soulagés) et 18 % affirment être en colère. Après un premier quinquennat marqué par la crise des Gilets jaunes, un tel sentiment n’est évidemment pas à négliger.

Bien conscient de cette fracture profonde, Emmanuel Macron s’est efforcé de rassurer cette autre France, s’adressant aussi à ces électeurs dans son discours de victoire au pied de la tour Eiffel, tard dans la soirée. « Je ne suis plus le candidat d’un camp mais le président de toutes et tous », lance-t-il. Réduire la fracture, apaiser le pays sera sa première tâche. « Il nous faudra être bienveillants et respectueux, car notre pays est pétri de tant de doutes et tant de divisions », avertit-il, grave, en contraste avec la joie des supporteurs.

Mais réduire la fracture, apaiser le pays ne sera pas simple, surtout dans un contexte aussi tendu, avec la guerre en Ukraine,  dont les effets économiques et sociaux s’ajoutent à ceux de la pandémie. Les battus du 2 nd tour comme du 1 er ne s’y trompent pas, qui ont lancé, à peine proclamés les résultats de la présidentielle, la bataille du 3 e tour, les législatives des 12 et 19 juin.

« Une éclatante victoire » pour Le Pen

Sans même laisser à Emmanuel Macron le temps de rejoindre ses partisans au Champ-de-Mars pour sabler le champagne, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Éric Zemmour ont déclenché les hostilités. « Le résultat représente en lui-même une éclatante victoire », clame-t-elle depuis le pavillon d’Armenonville, dans le bois de Boulogne. Pour la bataille des législative, elle ne laisse aucun doute sur sa détermination .« Je mènerai cette bataille aux côtés de Jordan Bardella […], je poursuivrai mon engagement pour la France et les Français », promet Marine Le Pen à ses partisans. Elle affiche même sa stratégie appelant au rassemblement large à droite, afin de « présenter ou soutenir des candidats partout ». Visés, l’aile droite de LR, les souverainistes de Nicolas Dupont-Aignan et bien sûr surtout le nouveau parti Reconquête de son rival Zemmour…

De son côté, intervenant peu de temps après la proclamation des résultats, Jean-Luc Mélenchon a taclé « le plus mal élu des présidents de la V e République » selon lui. Et veut être « élu » Premier ministre.

Au troisième homme donc — de peu derrière la candidate RN — du 1 er tour, Jean-Luc Mélenchon, de clamer : « Le 3 e tour commence ce soir ».


Garett Skyport pour DayNewsWorld