FRANCE EXPULSION DES ETRANGERS CLANDESTINS

A MAYOTTE

A peine commencée, l’opération "Wuambushu" coince déjà. Les Comores ont déclaré ce lundi 24 avril 2023 avoir refusé l’accostage d’un bateau transportant des migrants en provenance de Mayotte, où les autorités françaises ont débuté cette intervention controversée, censée expulser un grand nombre de migrants clandestins vers l’archipel voisin.

"Le port de Mutsamudu (sur l’île comorienne d’Anjouan) n’est pas en mesure d’opérer sur l’embarquement et débarquement de passagers de ce jour jusqu’au 26 avril 2023, date à laquelle nous vous informerons de l’éventuelle reprise des opérations", ont annoncé les services maritimes dans une note adressée à une compagnie maritime et dont l’AFP a eu copie. "Tant que la partie française décidera de faire des choses de façon unilatérale, nous prendrons nos responsabilités. Aucun expulsé ne rentrera dans un port sous souveraineté comorienne", a déclaré le ministre comorien de l’Intérieur, Fakridine Mahamoud.

L'opération Wuambushu vise à expulser les étrangers clandestins principalement venant des Comores voisine à Mayotte. 

Un plan salué par les élus locaux qui pointent de façon récurrente l'augmentation de la délinquance.

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a confirmé, vendredi, une série d'interventions policières contre la délinquance et l'immigration illégale à Mayotte, baptisée "Wambushu", dans le 101e département français situé dans l'océan Indien.

Gérald Darmanin, a affirmé la tenue d'une opération "au long cours", baptisée "Wambushu" (reprise, en mahorais), validée par Emmanuel Macron en Conseil de défense, selon une source proche du dossier. 

Le ministre de l'Intérieur a démenti un lancement lundi et pour une durée de deux mois, avancé par la presse. "Il n’y a pas un moment où on la commence et un moment où on la termine", a-t-il ajouté, affirmant même que l'opération avait "déjà commencé".

2 500 personnels mobilisés

"Il y a 1 800 policiers et gendarmes en ce moment-même à Mayotte qui font des opérations de police, qui mettent fin au trafic d'armes, qui mettent fin aux bandes criminelles", dont 60 ont été dénombrées, dit-il.

Au total, plus de 2 500 personnels (forces de l'ordre, agence régionale de santé, justice, réserve sanitaire) sont mobilisés, selon une source proche du dossier.

Cette opération doit inclure des expulsions massives d'étrangers en situation irrégulière et des destructions de bidonvilles. À Mayotte, des bidonvilles s'étendent sur plusieurs kilomètres. Ces centaines d'habitations sont habités par des centaines d'immigrés clandestins arrivés des Comores voisines. C'est justement ces personnes qui sont visées par l'opération d'expulsion nommé Wuambushu.

Plus de 150 000 clandestins

Mayotte, devenu le 101e département français en 2011, attire chaque année des milliers de migrants, arrivés par la mer en "kwassa kwassa", des embarcations de fortune, de l'île comorienne voisine d'Anjouan, mais également de l'Afrique des Grands Lacs et de plus en plus de Madagascar.

Près de la moitié des 350 000 habitants estimés de Mayotte ne possèdent pas la nationalité française, selon l'Insee, mais un tiers des étrangers sont nés sur l'île. Dans son rapport de février 2019, l’Insee indiquait qu’entre "l’immigration importante depuis les Comores" et les départs de "natifs de Mayotte vers l’extérieur", 48 % de la population du département était étrangère en 2017, chiffre en hausse de 8 % par rapport à 2012.

Insécurité et délinquance "hors normes".

Ces migrants clandestins, installés dans des quartiers particulièrement insalubres, des "bangas" en proie à la violence et aux trafics, vivent pour la plupart tranquillement sur l'île, occupant de petits emplois.

Les mineurs sont scolarisés.Mais ils sont aussi accusés par la population et les élus de déséquilibrer le peu d'infrastructures et ressources de l'île et de nourrir un taux de délinquance Plusieurs opérations dites de "décasage", parfois réalisées par des habitants de l'île eux-mêmes constitués en milices, ont déjà eu lieu depuis 2016.

L'Opération est aussi saluée par des élus locaux qui dénoncent des faits de délinquance quotidien. "Cette opération trouve déjà une solution à l'intérieur de l'île pour identifier et repérer ces personnes et les reconduire à la frontière", explique le maire de Bandrélé (Mayotte). Cette année, les attaques à la personne ont augmenté de 50%.

Dans son rapport "Cadre de vie et sécurité à Mayotte" de novembre 2021, l’Insee décrit en effet une "délinquance hors norme". Sur la période 2018-2019, dans chaque domaine – cambriolages, vols, violences physiques ou sexuelles… – la délinquance mahoraise dépasse très nettement les chiffres de la France métropolitaine.

"Les habitants de Mayotte sont personnellement trois fois plus victimes de vols avec ou sans violences", indique l’Insee, et le sentiment d’insécurité "dépasse de loin tous les standards de la métropole ou des autres Drom (Départements et régions d’Outre-mer)". 48 % des Mahorais se sentent en insécurité à leur domicile (52 % dans leur quartier), soit cinq à six fois plus que dans l’Hexagone. Tous ces chiffres augmentent année après année.

10 000 étrangers clandestins visés

L’archipel de Mayotte est le département où le Rassemblement national a signé son plus gros score au premier tour de la présidentielle. Marine Le Pen y a recueilli 59,10% des suffrages, loin devant les autres candidats, mais aussi très loin de son score de 2017. Dans un département miné par l’insécurité et l’immigration clandestine, le RN séduit.

L'opération pourrait cibler jusqu'à 10 000 étrangers en situation irrégulière. Certains devraient être expulsé vers une île voisine.

Les Comores "n'entendent pas accueillir des expulsés"

Les autorités des Comores, qui revendiquent toujours leur souveraineté sur Mayotte, restée française après l'indépendance des Comores en 1974, sont vent debout contre cette opération. Les Comores "n'entendent pas accueillir des expulsés" a affirmé, vendredi, le porte-parole du gouvernement.

Les Comores se sont pourtant engagées dans un accord signé en 2019 à "coopérer" avec Paris sur les questions d’immigration en échange d’une aide au développement de 150 millions d’euros.




Kelly Donaldson pour DayNewsWorld