LA VISITE D'EMMANUEL MACRON EN CHINE SE SOLDE PAR UN ECHEC DIPLOMATIQUE

La visite d'Etat de trois jours du président français à Pékin et Canton s'achève ce vendredi 7 avril 2023. 

Selon Marc Julienne, responsable des activités Chine au centre Asie de l'Ifri, rien ne s'est passé comme prévu pour le chef de l'Etat français.

Pour Emmanuel Macron, cette visite d’État est l’occasion de panser les plaies d’une relation franco-chinoise dégradée. Les causes sont multiples, à commencer par le Covid-19. La Chine nous considère comme une puissance moyenne, avec des difficultés. Ajouté à cela le déséquilibre dans la balance commerciale, la détérioration des relations sino-américaine et récemment la guerre en Ukraine, le temps de "l’ami Chirac" semble bien loin.

En outre la France se revendique comme une puissance leader en Europe, un membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU et un moteur de "l'IndoPacifique". Pourtant, elle reste sourde et muette face à l'enjeu de sécurité primordial dans cette région, à savoir la stabilité dans le détroit de Taïwan. 

L'Elysée avait fait savoir que la question ne serait pas abordée, sauf à l'initiative de la Chine, attitude plutôt surprenante alors que le président français avait été averti avant son déplacement que celui-ci allait coïncider avec un entretien mercredi soir sur le sol américain entre la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen et le président de la chambre américaine des représentants Kevin McCarthy, un « faucon » dans l’appareil politique américain, partisan de mesures plus énergiques pour « contenir » la montée en puissance de la Chine sur la scène internationale. 

Cette rencontre n’a pas manqué de susciter les foudres de Pékin, la question de Taïwan s’invitant donc à l’agenda de la visite d’Emmanuel Macron .

Echec diplomatique sur l'Ukraine

Le président Macron comptait en effet avant tout essayer d’enfoncer un coin entre Chine et Russie à propos de l’Ukraine : tel est l’objectif avoué du président français pour sa visite d’État de trois jours en République populaire de Chine. Mais Emmanuel Macron a échoué.

En effet, Emmanuel Macron, venu en compagnie de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, effectue ce déplacement à un moment critique du point de vue du positionnement stratégique de la Chine. 

D’un côté, le président Xi Jinping a multiplié les signes de rapprochement stratégique avec Vladimir Poutine : sa visite d’État à Moscou, les 21-22 mars derniers peu après l’annonce de l’émission d’un mandat d’arrêt à l’encontre de son hôte par la Cour pénale internationale, a marqué les esprits ; son « plan de paix » pour l’Ukraine est apparu comme une caution apportée à l’agenda sécuritaire russe ; et le développement des échanges commerciaux avec une Russie sous le coup de sanctions internationales multiformes constitue une alliance objective avec l’économie russe.

Lors de la rencontre en tête-à-tête jeudi 6 avril 2023 avec le maître de la Chine communiste dans une salle du Palais du Peuple en bordure de la place Tiananmen, ce dernier lui a répondu en saluant les liens avec la France qui ont, selon lui, connu un « développement positif et régulier » dans un monde en « profonde mutation ».

Cité par le quotidien anglophone de Hong Kong, le South China Morning Post, Xi a été un peu plus disert : « La Chine est désireuse d’inviter la communauté internationale, avec la France, à demeurer rationnelle et mesurée et à éviter de prendre toute action qui pourrait mener à accélérer encore l’escalade dans la crise et à la rendre hors de contrôle. » Formules des plus vagues qui n’engagent à rien sur ce que voudra et surtout sur ce que pourra faire Xi Jinping auprès de Vladimir Poutine pour tenter de le « ramener à la raison ».

Sur le plan commercial un bilan plus positif.

Le groupe européen Airbus a en effet obtenu de pouvoir doubler sa capacité de production d’avions en Chine, grâce à une deuxième ligne d’assemblage sur son site de Tianjin, près de Pékin. Elle doit entrer en service au second semestre 2025. Airbus en dispose déjà d’une depuis 2008, qui a produit plus de 600 A320. Le marché aérien chinois est le deuxième plus important du monde.

Le groupe énergétique EDF a, pour sa part, reconduit avec le géant chinois du nucléaire CGN leur accord de partenariat global, en vigueur depuis 2007. Il couvre la conception, la construction et l’exploitation des centrales nucléaires. Cette entente avait notamment permis à EDF des centrales nucléaires. Cette entente avait notamment permis à EDF de réaliser avec CGN la seule installation EPR actuellement en service dans le monde, à Taishan, dans le sud de la Chine. 

Mais ceci ne saurait faire oublier que grâce aux transferts de technologie massifs de la France, la Chine maîtrise dorénavant toute la technologie dans ce secteur, au point d’exporter des centrales au détriment des centrales françaises plus chères.

Quant à l’armateur marseillais CMA-CGM, numéro trois mondial, il a signé un accord avec Cosco, le numéro un chinois, et le port de Shanghai pour la fourniture de bio-méthanol. Le champion de la gestion de l’eau et des déchets Suez a obtenu un contrat via un consortium pour un projet de désalinisation d’eau de mer, dont le montant n’a pas été précisé.

En 2019, Suez avait déjà décroché un contrat d’un milliard d’euros, afin d’assurer le traitement des eaux usées d’un site industriel chimique en Chine pour une durée de 50 ans.

La signature de contrats pour les entreprises françaises est profitable. Mais là encore, Emmanuel Macron a éludé un sujet de préoccupation très sérieux pour la France et l'Europe : le déficit commercial avec la Chine. Ursula von der Leyen a rappelé les inégalités d'accès au marché chinois en raison du protectionnisme...

Si cette visite est présentée à Pékin et Paris comme un succès, à l’évidence elle n’en est pas un. "C'est un échec sur la scène diplomatique, coûteux en termes d'image", juge le chercheur Marc Julienne.

Le président français tenait aussi à incarner une "troisième voie" entre les Etats-Unis et la Chine Sans doute Paris et Bruxelles sont-ils disposés à jouer un rôle d’intermédiaire entre la Chine et les Etats-Unis.

Mais le « piège taïwanais » montre l’étendue des difficultés qui subsistent avec un partenaire chinois qui, bien que sérieusement affaibli par des années de gestion catastrophique du Covid-19, une croissance économique en baisse, une démographie en chute libre et une front de facto de pays occidentaux et asiatiques alliés des États-Unis et décidés à faire face, n’en est pas encore au stade où l’Europe pourrait lui dicter ses volontés.




Britney Delsey pour DayNewsWorld