LA "BORDELISATION" DE L'ASSEMBLEE NATIONALE

La violence du combat parlementaire et les cris d’orfraie ont toujours fait le folklore de l’hémicycle mais depuis l’entrée de la Nupes les dérapages irresponsables de la part des Insoumis font florès. 

Les élus de la Nation semblent s'en donner à cœur joie durant les très houleux débats sur le projet de réforme des retraites.

C’est le ministre Olivier Dussopt que le député insoumis des Hauts-de-Seine Aurélien Saintoul qualifie "d’assassin".

C’est Thomas Portes qui s’affiche fièrement, écharpe tricolore à l’épaule, le pied sur un ballon à l’effigie du même Dussopt. C’est Louis Boyard qui explose quand un député Renaissance lui demande de se calmer, à la fin d’une séance :

"Qu’est-ce t’as, toi ? Viens ! Viens !"

"La bordélisation" - l’expression est du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin – au sein de la chambre basse laisse perplexe plus d'un à telle enseigne que certains de LFI, entre autres, de François Ruffin, Clémentine Autain etc,  se désolidarisent des fauteurs de trouble.

Les qualités d’éloquence étaient particulièrement valorisées pour les hommes politiques au temps des grands orateurs tels Gambetta, Clemenceau…

Les insultes , les intimidations, les propos injurieux…étaient peu acceptés dans la mesure où ils contrastent avec la retenue et le calme que les républicains entendaient alors imposer à leurs discours et aux manifestations d’émotions conçoivant comme des gages d’une "éthique du respect civique et du débat démocratique".

Léon Gambetta, Jules Ferry, Jean Jaurès, Aristide Briand, Léon Blum… qui ont été pourtant violemment insultés, refusaient donc généralement de rétorquer sur le même plan.

Dans ce cadre, et dès lors, du moins qu’elle est publique, l’injure, qui reste d’ailleurs réprimée par la loi sur la presse de 1881, constitue une forme de transgression, un manquement aux normes du bien-dire politique.

Alors pourquoi manier l'insulte ?

Ne se veut-elle pas l’arme des outsiders ?

Devant la colère provoquée par le tweet du jeudi 9 février 2023 de la majorité, de la droite et du RN qui le somment de s’excuser, Thomas Portes s’affiche. "Jamais je ne lâcherai devant les bourgeois", lâche-t-il en sortant de l’hémicycle à ses alliés de la Nupes, médusés.

L’insulte apparaît ainsi clairement comme l’arme de l' outsider politique s’insérant dans une véritable stratégie de scandalisation. Elle permet de s’ériger en porte-voix du « vrai » peuple réduit au silence dans les assemblées...

Les façons de faire de la politique ont changé sous l’effet de la médiatisation accrue et de l’individualisation du champ politique qui mettent en avant la singularité plus que l’exemplarité ou la représentativité, et qui valorisent une certaine exhibition des sentiments plus que la retenue émotionnelle.

Mais déjà en 1885, le pamphlétaire Henri Rochefort, fondateur de L’Intransigeant, journal socialiste qui évolua progressivement vers le boulangisme ne revendiquait-t-il pas dans un entretien pour Le Matin, (3 octobre 1885), sa volonté de mettre à mal le théâtre politique et les règles du jeu posées par les établis ?

"Le Palais-Bourbon s’était transformé en un hospice de la vieillesse, où tout le monde dort ; or, mon devoir est de réveiller les pensionnaires de cette succursale de Sainte-Périne. […]. Et quand, au Palais Bourbon, on s’adressera à Ferry, il n’y aura plus de “M. le président du Conseil” gros comme le bras, on ira sous son nez, on lui secouera sa bride et on pourra l’appeler “assassin”. Les ridicules formules parlementaires auront vécu".

Maintenant mesdames, messieurs les députés mettez-vous au travail !




Carl Delsey pour DayNewsWorld