QUID DE LA PENIBILITE

DANS LA REFORME DES RETRAITES ?

Le gouvernement peut-il rétropédaler sur la réforme des retraites ?

Au moins en partie, paroles de la Première ministre, Élisabeth Borne. « Nous sommes prêts à faire encore évoluer notre projet », évoquait la cheffe du gouvernement lors de la présentation du projet de loi, le 10 janvier dernier.

Au lendemain d'une première journée de mobilisation d'ampleur face à la réforme – plus d'un million de manifestants à travers la France selon les autorités, 2 millions selon la CGT – l'exécutif insiste sur le fait que le texte est toujours négociable.

Mais pas question de remettre en question la philosophie globale du projet de loi, alors que le texte s'apprête à être débattu au sein du Parlement. Le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a insisté ce vendredi 20 janvier sur les « deux piliers essentiels de la réforme »: l'augmentation du nombre d'années de cotisation à 43 annuités pour bénéficier d'une retraite à taux plein et le report de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans.

« Il faut qu’ils soient préservés car ils garantissent cet équilibre financier à l’horizon 2030, appuie le locataire de Bercy sur BFMTV. Il peut toujours y avoir des améliorations à ce texte mais je fixe une seule limite : garantir l’équilibre financier à l’horizon 2030. Toutes les ouvertures et discussions sont intéressantes mais elles doivent s’inscrire dans ce cadre financier. »

Deux points de discussion

Gabriel Attal, ministre des Comptes Publics, a de son côté ouvert la porte à des discussions très ciblées. « On peut encore progresser et enrichir notre projet sur deux sujets. Un, les carrières hachées [...]. Deuxième chose, l’emploi des seniors, on peut probablement aller plus loin », évoque l'ancien porte-parole du gouvernement.

Gabriel Attal explique en effet que les « congés pour aider un proche ou un enfant en situation de handicap » n'étaient pas pris en compte dans le dispositif « carrières longues » prévu par la réforme des retraites. « Sur des périodes où des Français ont dû s’arrêter de travailler pour des raisons subies, peut-être qu’on peut enrichir les choses », détaille le ministre.

Même constat sur la question de l'emploi des seniors : "Beaucoup a été fait pour le faire progresser. On peut probablement aller plus loin", admet Gabriel Attal, qui rappelle que le gouvernement souhaite mettre en place un "index senior" pour inciter les entreprises à employer davantage de salariés de plus de 55 ans. « Ce sont des éléments très concrets que l’on peut continuer à enrichir par la discussion», insiste le ministre.

Mais le projet pour l’avenir du système des retraites comprend notamment des mesures de prévention de l’usure professionnelle. Lors de la présentation de réforme, le mardi 10 janvier, la première ministre Élisabeth Borne avait insisté sur ce point.

Quid de la pénibilité au travail ?

Quatre pistes sont actuellement envisagées par le gouvernement pour les métiers physiques ou répétitifs : la création d’un fonds d’investissement d’un milliard d’euros pour la prévention de l’usure professionnelle ; la mise en place d’un suivi médical renforcé auprès des salariés ayant un métier pénible ; la possibilité de financer un congé de reconversion ; l’élargissement du compte professionnel de prévention (C2P) à plus de salariés et avec plus de droits.

Ce fameux C2P, né des « ordonnances Macron », avait remplacé en 2017 le terme « pénibilité » en « facteurs de risques professionnels » et avait retiré 4 facteurs (charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et risques chimiques) du dispositif précédent, le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P). Mais en décembre 2022, la Cour des comptes a présenté ce C2P comme « un dispositif sans ambition et non contrôlé » dans son rapport public thématique sur les politiques publiques en santé au travail dans les entreprises.

Ne faudrait-il pas alors également repenser avec les partenaires sociaux ce point précis qui achoppe pour les carrières longues ?

Le travail joue un rôle déterminant dans les différences d’espérance de vie et d’état de santé entre les citoyens. Ce constat est validé par de nombreuses études liant l’exposition aux facteurs de pénibilité avec, notamment, la sortie précoce de l’emploi, ou l’état de santé après 50 ans. L’espérance de vie sans incapacité est également corrélée avec les catégories professionnelles.

Or le gouvernement a refusé de réintégrer les 4 critères exclus en 2017, tout permettant toutefois, dans la réforme des retraites pour les salariés exposés aux charges lourdes, postures pénibles et vibrations de bénéficier de nouveaux droits, chaque branche professionnelle devant lister les métiers concernés... mais sous réserve de la reconnaissance officielle d’une inaptitude. Et c'est là que le bât blesse : cela crée un risque de décalage entre métiers, certaines branches pouvant reconnaître un métier comme pénible et d’autres non.

Une des mesures qui ne devrait donc n’avoir qu’un effet limité pour éviter ou diminuer les maux du travail.

L'intersyndicale a annoncé une nouvelle date de mobilisation le 31 janvier prochain 2023.




Samantha Moore pour DayNewsWorld