RAPPORT CHOC 

 LA VULNERABILITE DE LA FRANCE

 AUX INGERENCES ETRANGERES ET A L'ESPIONNAGE

Un rapport alarmant. La France est-elle suffisamment armée face aux influences étrangères ? 

On peut en douter. Le constat est sans appel". La nouvelle dimension prise par les ingérences étrangères révèle des vulnérabilités persistantes, à commencer par notre naïveté, qui est tant celle des élites politiques et administratives que [celles] des milieux économiques et académiques ", signale un rapport de la délégation parlementaire au renseignement, publié ce jeudi 2 novembre 2023.

Constituée de huit parlementaires, tous habilités au secret-défense, la délégation parlementaire au renseignement est chargée de contrôler l’action des services spécialisés, telles la DGSE, la DGSI ou la DRM.

" Niveau de menace élevé "

L'ingérence étrangère a muté pour devenir une menace “protéiforme, omniprésente et durable” de l'espionnage à l'utilisation de l'espace cyber ou aux opérations de manipulation de l'information. Sa conclusion est claire : la France n’est pas assez armée pour affronter les influences étrangères.

La délégation souligne que ce danger a pris “une nouvelle ampleur ces dernières années, en raison d’abord d’un changement “radical du contexte géopolitique“…

“Nous sommes passés brutalement d’un monde de compétition à un monde de confrontation avec d’un côté les régimes autoritaires et de l’autre les démocraties occidentales (…). Ce clivage entre l’Occident et le reste du monde s’impose (…) comme le marqueur dominant de la période actuelle“, d’après le document. Sacha Houlié, le président de la délégation, évoque une « nouvelle ère froide ".

" La guerre informationnelle et de réputation menée par les régimes autoritaires ".

Ce danger survient, en effet, au cœur d’une révolution numérique et technologique qui a fait du cyberespace « le champ privilégié de confrontation et de compétition stratégique entre les Etats », une guerre menée, avant tout, selon la DPR, par la Russie, la Chine et la Turquie. 

Le rapport de la délégation s’attarde longuement sur « la guerre informationnelle et de réputation menée par les régimes autoritaires ». Car si l’espionnage classique existe toujours, « les fausses nouvelles sont les armes d’une guerre conduite contre l’Occident sans que, pendant longtemps, nous ayons identifié les moyens de nous défendre ».

Et à ce jeu-là la Russie est la plus forte. Moscou a même “sa signature“, ses techniques et elles sont redoutables. L’infiltration en fait partie, par exemple la nomination d’anciens responsables européens dans les Conseils d’administration de grandes sociétés russes, comme l’ont été l’ex-Premier ministre français François Fillon ou l’ancien chancelier allemand Gerhard Schröder.

Il y a aussi la manipulation de l’information, même si en France le bannissement des médias Russia Today et Sputnik a “permis de diminuer la portée de la guerre informationnelle” de la Russie.

Il ne faut pas négliger la Chine de Xi Jinping, très efficace avec son “front uni“, une “stratégie politique et un réseau d’institutions publiques et privées et d’individus clés, placés sous le contrôle du parti communiste chinois“. Les ressortissants chinois (600.000 en France) sont un maillon clé dans ce dispositif

Enfin il y a la Turquie qui depuis l’arrivée de Recep Tayyip Erdoğan au sommet du pouvoir – en 2014 – ne cache même plus son ambition “de contrôler la diaspora turque en tant que relais des idées du pouvoir d’Ankara, c’est-à-dire hostiles aux Kurdes et aux Arméniens“. Le rapport pointe la “pratique religieuse“, “puissant levier pour promouvoir une idéologie politique“.

Le document souligne le financement des lieux de culte en France et l’affectation d’imams turcs dans les mosquées françaises qui a “permis à la Turquie de peser sur l’islam de France“. 

Ce système est interdit depuis.. mais ses effets perdurent. Ankara s’infiltre également par “l’entrisme en politique via la participation aux élections locales et nationales“, à travers un activisme sur les réseaux sociaux pour propager des messages hostiles à une législation, comme celle sur le séparatisme religieux.

"Nos alliés ne sont pas toujours nos amis"

Mais pas que : contrairement à la lutte contre le terrorisme, où la France peut compter sur ses alliés traditionnels, le domaine des ingérences étrangères est singulier. "Nos alliés ne sont pas toujours nos amis en matière d'espionnage et d'ingérences économiques", a résumé le président de la commission des lois, qui a cité le cas des Etats-Unis, de l'Australie ou encore d'Israël.  "Nous sommes seuls dans ce domaine."

Divers modes opératoires, comme l’extraterritorialité du droit, sont utilisés en particulier par les États-Unis d’Amérique pour capter de la donnée et porter atteinte à notre sécurité économique ».

Enfin le document insiste sur la nécessité de faire attention à des formes d’espionnage plus discrètes et qui peuvent être l’œuvre des “alliés” historiques de la France, comme ce fut le cas avec l’affaire Pegasus, du nom du fameux logiciel espion israélien dont le Maroc se serait servi pour pirater les données téléphoniques du président Macron. Depuis juin 2022 les deux pays sont à couteaux tirés et Israël a tari les sources de Rabat.

Tous ces phénomènes prospèrent sur la “naïveté” des élus, hauts fonctionnaires mais également des entreprises et milieux académiques, écrit le rapport.Le rapport appelle au réveil national et entend faire reculer « la naïveté » et « le déni » qui sévissent au sein de la société française contre un mal qui porte atteinte à la souveraineté nationale sous toutes ses formes : politique, juridique, militaire, économique et technologique. 

Début 2023, Emmanuel Macron expliquait que « la guerre ne se déclare plus, elle se mène à bas bruit, insidieusement, elle est hybride ». La délégation suggère la création d’un projet de loi anti-ingérences visant à repérer l’action de services de renseignement étrangers, par le biais d'un traitement de données sur Internet. 

Pour pallier ces carences les députés proposent la mise en place d’un “dispositif législatif ad hoc de prévention des ingérences étrangères sur le modèle de la loi américaine“, l’adoption d’un système de gel des biens pour “toute personne ou structure se livrant à des actions préjudiciables au maintien de la cohésion nationale ou destinée à favoriser les intérêts d’une puissance étrangère“.

Par ailleurs les rédacteurs du rapport suggèrent “une réponse européenne” et sont d’avis que les différentes stratégies de riposte pourraient être regroupées “dans un projet de loi dédié à la lutte contre les ingérences étrangères“.…

Au rang d’urgence nationale

L’Etat élève la lutte contre les ingérences étrangères au rang d’urgence nationale et lui consacre l’essentiel de son bilan annuel. Se félicitant de voir le budget et les effectifs alloués au renseignement en constante progression – 3,03 milliards d’euros et 19 572 personnes en 2022 –, la DPR salue, par ailleurs, l’injection de 5 milliards d’euros supplémentaires prévus dans la loi de programmation militaire 2024-2030.

Il faudra bien ça, disent ses membres, pour soutenir " le changement de paradigme du renseignement français " que constitue la nouvelle priorité donnée à la contre-ingérence.




Alyson Braxton pour DayNewsWorld