QUELS CRIS HUMAINS POUR QUELLES EMOTIONS ?

Les cris sont un mode de communication primal, prélinguistique, que l’on retrouve chez des parents de la lignée humaine comme les primates, et chez la plupart des mammifères. Et ils véhiculent surtout, dans le monde animal, des notions d’urgence et d’alarme : le but est d’attirer l’attention des autres de manière à signaler un prédateur, un danger immédiat… Pourtant, les cris sont beaucoup plus variés qu’on le pensait jusqu’ici, nous assure l’étude d’une équipe de l’université de Zurich parue mardi 13 avril dans la revue « PLOS Biology ».

« Les humains crient non seulement lorsqu’ils sont effrayés ou agressifs, mais aussi lorsqu’ils ressentent d’autres états affectifs, et ces divers états qui provoquent les cris sont similaires à une variété d’états émotionnels intérieurs qui sont le plus souvent exprimés par des émotions vocales non-verbales moins intenses, comme la tristesse, la joie et le plaisir sensuel », détaillent ces scientifiques.

Les cris humains communiquent au moins... six émotions

On utilise le cri pour exprimer six émotions différentes. À l'inverse des primates, qui utilisent les cris pour communiquer uniquement la colère et la peur, les humains crient pour exprimer six émotions différentes: la colère, la peur, la douleur, la tristesse, le plaisir et la joie. Et contrairement à ce que l'on pourrait penser, nous détectons et déchiffrons plus rapidement ces derniers que les cris alarmants, d'après l'étude publiée dans la revue scientifique .

«Les résultats de notre étude sont surprenants», affirme Sascha Frühholz, l'auteur principal.

Certes, il est impossible de rester de marbre ou d'oublier les mythiques cris de Shelley Duvall dans Shining ou celui de Janet Leigh dans Psychose. Cependant, chez les humains, «la communication par le cri semble s'être largement diversifiée», ce qui représente «une étape évolutive majeure» selon le professeur de psychologie de l'Université d'Oslo.

Plus susceptibles d'entendre des cris positifs

«Les humains partagent avec d'autres espèces la possibilité de signaler un danger en criant, mais il semble que seuls les humains crient pour signaler également des émotions positives», poursuit le scientifique.

Pour cette étude, les chercheurs ont eu recours à quatre expériences de prise de décision psychoacoustique, perceptuelle et de neuro-imagerie lors de tests menés auprès de 12 participants. Les résultats ont révélé six types de cris psycho-acoustiquement distincts, qui indiquaient la douleur, la colère, la peur, le plaisir, la tristesse et la joie. Les auditeurs ont répondu plus rapidement, plus précisément et avec une sensibilité neuronale plus élevée, aux cris non alarmants et positifs qu'aux cris alarmants. Plus précisément, des cris moins alarmants ont suscité plus d'activité dans de nombreuses régions cérébrales auditives et frontales. Selon les auteurs, ces résultats montrent que les cris sont plus diversifiés dans leur nature de signalisation et de communication chez l'homme.

« Une étape évolutive majeure »

« La communication des cris semble s'être largement diversifiée chez les humains, ce qui représente une étape évolutive majeure », résume le Dr Frühholz.

Avant de conclure : « Les humains partagent avec d'autres espèces le potentiel de signaler un danger en criant, mais il semble que seuls les humains crient pour signaler également des émotions positives telles que la joie et le plaisir extrêmes. »

Comment l'expliquer ? Pour l'auteur de l'étude, ce résultat peut être lié au fait que les humains doivent faire face à des situations et des signaux sociaux plus complexes que les chimpanzés et autres primates. Ils sont aussi plus susceptibles d'entendre des expressions de plaisir, de joie et de surprise que des expressions de peur dans leur vie familiale et leurs cercles sociaux. Ils réagissent donc plus vite à ces signaux.

« Ce changement de priorité pourrait être dû aux exigences de contextes sociaux évolués et complexes chez les humains », conclut le spécialiste.




Emily Jackson pour DayNewsWorld