VERS L'ANTHROPOCENE UNE NOUVELLE EPOQUE GEOLOGIQUE DECLENCHEE PAR L'HUMANITE ?

Depuis 2009, des géologues travaillent d’arrache-pied pour rassembler les preuves du passage à une nouvelle époque géologique déclenchée par l’humanité.

Le lac Crawford, près de Toronto au Canada, a été reconnu depuis mardi 11 juillet comme site de référence du commencement de l'anthropocène. Ce site a été choisi ce mardi soir par The Anthropocene Working Group (AWG) comme référence mondiale du commencement de l’anthropocène, nom proposé en 2002 par Paul Crutzen, prix Nobel de chimie. Ce plan d'eau d'un kilomètre carré a été choisi, car il concentre beaucoup de traces emblématiques des activités humaines. Par exemple, des sédiments chargés de micros plastiques, des cendres issues de la combustion du pétrole et du charbon, des concentrations de pollens qui témoignent de l'évolution de la végétation et des changements de températures, et même des retombées d'explosions liées aux essais nucléaires.

Les humains devenus un facteur géologique.

Ces éléments sont la preuve qu'un nouveau chapitre de l'histoire de la Terre s'est ouvert. Pour ce groupe de travail scientifique, qui a démarré ses travaux il y a 14 ans, et qui a choisi ce site, nous sommes entrés dans une nouvelle ère géologique, celle de l'anthropocène, du grec "anthropos" qui signifie "humain". Pour la première fois, on crée une nouvelle période qui considère les activités humaines comme un facteur clé qui a autant d’importance que d’autres paramètres extra-humains comme les activités du soleil. L’anthropocène, c’est l’âge de la Terre dans lequel les humains sont devenus un facteur géologique.

Pour ces scientifiques, nous avons quitté l'holocène, c'est-à-dire la période tempérée qui a démarré il y a 12 000 ans, à la fin de la dernière glaciation et qui a permis le développement de l'espèce humaine. Car une rupture s'est produite : certains équilibres environnementaux et climatiques ont été rompus sous l'influence des activités humaines.

Changement de période, ou pas ? Théorie fumante ou pas ?

Pour ces scientifiques, les changements ont été tellement rapides qu'ils font entrer la planète dans une période d'incertitude inédite sur le plan climatique et environnemental. Une période qui mérite donc un nouveau nom. Pour Jan Zalasiewicz, président du groupe de travail, il est urgent de reconnaître l'Anthropocène. Car sinon, on donnerait l'impression que les conditions de l'Holocène, celles-là même qui nous ont permis de nous épanouir sur Terre, sont toujours là. Or, "il est clair que ce n'est plus le cas", estime-t-il "La science consiste à établir ce qui est réel et ce qui ne l'est pas. Et l'Anthropocène est bien réel."

Mais ce n'est pas encore gagné, car, officiellement, nous sommes toujours dans l'holocène. La Commission internationale de stratigraphie, qui valide les appellations géologiques, a des règles strictes, notamment celle d'identifier un marqueur primaire qui marque le changement de période.

Pour les défenseurs de l'anthropocène, ce pourrait être par exemple le plutonium rejeté par des essais nucléaires, car il y en a très peu à l'état naturel. Cela ferait donc démarrer cette nouvelle ère autour de 1945 - 1950, période qui correspond aussi à l'accélération de la consommation humaine, de la production industrielle.

D'autres géologues , s'ils reconnaissent qu'il y a bien eu une "rupture" au siècle dernier, estiment toutefois que tous les critères ne sont pas remplis pour carrément parler d'une "nouvelle époque". Phil Gibbard, secrétaire de l'ICS, préfère le terme "d'événement géologique". "Les conditions qui ont provoqué les glaciations n'ont pas changé, on peut donc s'attendre à ce que l'Holocène ne soit qu'un autre interglaciaire." Bref, que l'Holocène s'achèvera avec l'entrée dans une nouvelle période glaciaire, similaire à celle qui l'a précédée, l'Homme n'ayant été qu'un hoquet dans la longue histoire de la planète.

En 2002, Paul Crutzen, prix Nobel de chimie, était le premier à proposer d'acter la fin de l'Holocène et le début de l'Anthropocène.

Pour lui, l'enjeu était quasi vital : il permettrait de focaliser l'humanité sur les défis futurs, de lui faire prendre conscience de la gravité de la situation, et de "changer de paradigme dans la pensée scientifique".




Pamela Newton pour DayNewsWorld