LES PIROUETTES DE MARK ZUCKERBERG

DEVANT LE SENAT AMERICAIN

« Nous écoutons, l'Amérique écoute et le monde nous écoute aussi probablement » a déclaré un membre du Congrès.

Le fondateur du réseau social était entendu mardi soir trois heures durant par les membres de plusieurs commissions du Sénat américain.L'ensemble des membres des commissions de la justice et du commerce du Sénat américain très conscient de l'enjeu de l'audition qui allait commencer ont rappelé au fondateur et CEO de Facebook, Mark Zuckerberg que  « l'Amérique écoute et le monde nous écoute aussi probablement »

Le PDG de Facebook était sommé de s'expliquer sur les affaires d'atteinte à la vie privée de ses utilisateurs, mais aussi de manipulation politique et d'ingérence étrangère dans la présidentielle américaine .

Les 44 élus se sont montrés quelques peu énervés face au scandale de Cambridge Analytica dès le début de l'audition. "Cambridge Analytica a utilisé les données récoltées grâce à Facebook pour influencer l'élection présidentielle américaine", a lancé la démocrate Dianne Feinstein à un Mark Zuckerberg déstabilisé.

"L'industrie de la tech a l'obligation de répondre aux questions sur l'usage des données personnelles. Le statu quo ne peut plus fonctionner", a poursuivi Chuck Grassley.

Le fondateur de Facebook n a pas hésité à endosser la responsabilité de ne pas avoir compris à temps à quel point Facebook pouvait être détourné de bien des façons. « Je suis responsable de ce qui se passe » allant jusqu'à renouveler ses excuses à titre personnel. « Il est clair, maintenant, que nous n’avons pas fait assez pour protéger ces outils (de Facebook) des usages malicieux comme les fake news, l’interférence dans les élections ou les discours de haine. C’était une grosse erreur. Je suis désolé. J’ai créé Facebook, je le dirige, je suis responsable de ce qui passe », a-t-il confessé. "C'était mon erreur. Je suis désolé. » « Cela prendra du temps pour mener à bien tous les changements nécessaires  pour limiter ces mauvais usages », a-t-il ajouté.

Il a alors récapitulé les mesures passées ou à venir pour rectifier les problèmes. Ainsi à propos des discours haineux publiés sur le réseau social, Mark Zuckerberg a expliqué qu'il misait sur l’intelligence artificielle. « Nous développons des logiciels d'intelligence artificielle qui pourront mieux détecter ces contenus », a-t-il déclaré. Il a également déclaré que Facebook embauche de plus en plus de personnes pour travailler sur la sécurité de son réseau social comptant avoir 20 000 personnes d'ici la fin 2018 se penchant spécifiquement sur les problèmes de sécurité.

Il s'est mis par ailleurs à vanter les utilisations « positives » de Facebook et des réseaux sociaux comme la tribune qu'ils ont offerte récemment aux femmes dans le cadre du mouvement #metoo ou la possibilité pour les petites entreprises de faire leur publicité et de croître.« C'est notre mission de connecter les gens partout dans le monde et de les rapprocher et, pour ce faire, nous estimons que nous devons apporter un service que tout le monde peut s'offrir », a-t-il ajouté.

Mark Zuckerberg a également assuré avoir engagé "une course aux armements" contre "des gens en Russie dont le travail est d'exploiter nos systèmes et autres systèmes internet". Il a aussi confirmé que Facebook coopérait avec l'équipe du procureur spécial Robert Mueller, qui enquête sur l'ingérence russe dans la campagne présidentielle américaine de 2016.

Mais force est de constater que le jeune patron de 33ans a eu tendance à éluder les questions embarrassantes en se cachant derrière son équipe. « Je ne sais pas », « Je ne suis pas au courant » ou « Mon équipe pourra revenir vers vous à ce sujet » sont sans aucun doute les phrases qu'il a le plus prononcées

La démocrate Maria Cantweel l'interrogeant sur la possibilité que Palantir, une autre société d'analyse de données, ait pu récupérer des informations à la manière de Cambridge Analytica  s'est heurtée à un mur répondant sèchement "Ok". Au sénateur Roger Wicker qui l'interrogeait sur le suivi de l'activité des utilisateurs hors de Facebook. "Vous ne savez pas ?", a fini par lâcher le républicain furieux.

"Est-ce que vous seriez d’accord pour nous dire dans quel hôtel vous avez dormi hier ?", lui a demandé le sénateur Dick Durbin. Réponse gênée du fondateur de Facebook : « Euh… non ». Et le démocrate de renchérir : "Si vous avez envoyé des messages cette semaine, vous seriez d’accord pour nous dire à qui ?". "Non, je ne serais pas d'accord pour le faire ici publiquement", admet encore Zuckerberg. "C'est bien de cela dont on parle aujourd'hui : votre droit à la vie privée. Il s'agit de votre droit et de savoir si vous êtes prêt à l'abandonner afin, je cite, de connecter le monde. Tout le monde devrait pouvoir contrôler la façon dont ses données sont utilisées", a conclut l'élu de l'Illinois, face à un Mark Zuckerberg déstabilisé.

Plusieurs élus ont évoqué la possibilité d'une loi plus stricte pour réguler l'activité des géants du web, qui s'inspirerait du règlement européen sur la protection des données.

A plusieurs reprises, Mark Zuckerberg s'est dérobé à des questions simples, mais sensibles des élus agacés: « Facebook trace-t-il les données de navigation des internautes, même quand il ne sont pas connectés ? » ou encore « D'autres applications ont-elles pu récupérer de grandes quantités de données ? », « Combien de temps gardez-vous les données des utilisateurs qui suppriment leur compte ?"

« Je l'ignore », « mes équipes vous tiendront au courant », « je reviendrai vers vous », a répondu Mark Zuckerberg. Le PDG de Facebook a promis plusieurs fois de faire connaître des réponses supplémentaires aux sénateurs, mais de nombreux élus ont fait part de leur "scepticisme" face à ses réponses peu convaincantes.

Mark Zuckerberg a tout de même donné quelques pistes sur la gestion des données personnelles. Interrogé sur la possibilité de proposer une version payante de Facebook qui n'exploiterait pas les données de ses utilisateurs, le fondateur ne s'y est pas opposé ajoutant toutefois qu'il existerait "toujours une version gratuite".

Ce n'est que le début d'une longue épreuve pour Mark Zuckerberg. En effet le Congrès auditionnera de nouveau le jeune fondateur de Facebook, mais cette fois-ci à la chambre, dès mercredi pour une nouvelle audition. Puis arriveront les résultats de l'audit en cours sur les applications qui accèdent à un important volume de données.

"Nous devons prendre plus largement conscience de nos responsabilités, nous assurer que Facebook soit utilisé à bon escient. Au final, les gens finiront par voir une vraie différence."a assuré Mark Zuckerberg confiant.

Paul Emison pour DayNewsWorld