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J-3 AVANT LA PRESIDENTIELLE

POURQUOI EMMANUEL MACRON EST-IL EN DANGER ?

Emmanuel Macron demeure le petit favori du premier tour, dimanche prochain, avec 4 points seulement d’avance sur Marine Le Pen, selon les derniers sondages. En tête avec 26 % des intentions de vote, Macron perd cependant 2,5 points en deux semaines (il pointait alors à 29,5 %), selon un sondage Ifop, et voit Marine Le Pen rattraper de son retard , dans le baromètre quotidien OpinionWay - Kéa Partners. Avec 22 % des intentions de vote contre 18,5 % il y a deux semaines, la candidate du RN a fortement réduit l’écart. Et l’inquiétude,chez les macronistes, sera démultipliée en cas de deuxième tour opposant les deux. Voilà pourquoi nombre de ses soutiens, dans la dernière ligne droite, s’inquiètent et non sans raison. « Il y a de quoi se faire peur, admet un ministre. Dans un contexte où l’idée que la victoire du Président est acquise s’est installée dans l’esprit de tout le monde, et où le deuxième tour se déroule en pleines vacances… Trump, personne ne l’avait vu venir. » .

Le MacKinsygate

Le scandale McKinsey continue de prendre de l’ampleur. Au pavé dans la mare politique s’ajoute désormais une affaire judiciaire. Le Parquet national financier (PNF) indique en effet dans un communiqué avoir ouvert le 31 mars une enquête préliminaire pour blanchiment aggravé de fraude fiscale à l’encontre du cabinet de conseil. La justice s’appuie sur le rapport de la commission d’enquête du Sénat, accusant les entités françaises du cabinet McKinsey d’optimisation fiscale, de telle sorte qu’elles n’auraient versé aucun impôt sur les sociétés entre 2011 et 2020.

Et la seule réaction du président-candidat Emmanuel Macron a alors été de mettre au défi ses accusateurs : « s’il y a des preuves de manipulation, que ça aille au pénal », a-t-il ainsi lancé lors d’une émission dimanche 27 mars 2022, sur France 3. Il a donc choisi la solution offensive, une attitude qui rappelle furieusement le « qu'ils viennent me chercher » dans l'affaire Benalla. Est-ce une réponse digne d'un président ? Tout le monde a vu ce qu'il en était de l'affaire Benalla. Aux tribunaux de trancher donc... Ces derniers jours d'ailleurs, le candidat et ses soutiens, dans chacune de leurs interventions, n’ont eu d’autre choix que de s’attarder sur cette affaire McKinsey. Multiplication des argumentaires, dont les comparaisons avec d’autres pays ou avec les pratiques des collectivités territoriales ; conférence de presse de deux ministres… Voilà une affaire qui réactive l’image d’un Président proche des puissants et des fortunés.

Le pouvoir d'achat

« La campagne a trouvé son thème : le pouvoir d’achat, qui écrase tout et structure tout », diagnostique Frédéric Dabi, directeur général de l’Ifop. 93 % des sondés estiment ainsi que ce thème aura un impact sur le vote des Français au premier tour de la présidentielle, et 74 % sur leur propre choix. Emmanuel Macron ne semble pas pâtir outre mesure de cette situation : c’est à lui que 21 % des Français font le plus confiance pour améliorer la situation, contre 17 % à Marine Le Pen.

A Dijon (Côte-d’Or), lundi, pour le premier déplacement de campagne du chef de l’État, c’est le pouvoir d’achat qui revenait dans les interpellations des habitants. « Avec 575 euros, on ne vit pas ! » « Est-ce que vous trouvez ça normal que je n’arrive plus à vivre de mes revenus ? » pouvait-on entendre. Et le sort des retraités n'a pas été traité convenablement sous ce quinquennat.

La montée des violences

L'ordre public et la sécurité demeurent des leitmotivs dans l'information. Pas un jour sans son horreur :les récents événements de Sevran (Seine-Saint-Denis), où un policier a fait feu et tué un homme il y a une semaine, et où des heurts ont éclaté dans la ville et les communes voisines, les heurs violents entre jeunes mineurs et police dans un quartier de Rouen, Vénissieux...Sans oublier le drame du jeune homme handicapé Jérémie Cohen écrasé par un tram après avoir fui un tabassage en règle par des jeunes voyous.

La révélation des circonstances de la mort de Jeremie Cohen, ce jeune homme de 31 ans percuté par un tramway après avoir été frappé par des jeunes à Bobigny (Seine-Saint-Denis), le 16 février, suscite l’indignation des candidats à l’élection présidentielle. C’est le candidat d’extrême droite Eric Zemmour qui a été le premier à réagir. Dans l’un de ses messages posté sur Twitter, lundi, il s’interrogeait au sujet de la mort de Jeremie Cohen : « Est-il mort pour fuir les racailles ? Est-il mort parce que juif ? Pourquoi cette affaire est-elle étouffée ? » Le soir, le père du jeune homme a expliqué sur BFM-TV avoir « demandé à Eric Zemmour » de l’aider à relayer l’information sur la mort de son fils. Les autres candidats à l’Elysée, à l’image de Jean-Luc Mélenchon, Fabien Roussel, Yannick Jadot ou encore Marine Le Pen, ont aussi réclamé que toute la lumière soit faite sur ce drame, évoquant le possible caractère antisémite des violences qui l’ont ciblé. Valérie Pécresse a notamment évoqué lundi un « lynchage ignoble, qui pourrait être de nature antisémite », et plaidé pour une « impunité zéro face aux barbares ».

Les troubles en Corse

Même problématique après les troubles en Corse consécutifs à la mort en prison d’Ivan Colonna, l’assassin du préfet Érignac, et mêmes attaques sur le déficit d’autorité de l’État sous ce quinquennat. L’attaque sur Yvan Colonna a en effet marqué le début d’une vague de violences sur l’île de beauté qui s’est embrasée progressivement sous le feu des cocktails Molotov. Dans ce contexte, après l’échec du Premier ministre à restaurer la paix par la décision de rapatriement du militant indépendantiste corse, c’est l’autonomie qui est envisagée cette fois par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin pour répondre à « la gravité des événements » qui secouent l’île. Emmanuel Macron a dénoncé « une faute » après la mise en berne des drapeaux sur l’île par la collectivité territoriale. Mais les violences perdurent ...

L'image ternie du Président

Il se veut pensé en chef de guerre sur la brèche, mais l'image n'a pas imprimé. Personne par contre n'a oublié ses sorties et ses petites phrases, tout au long du quinquennat . Des « Gaulois réfractaires au changement » aux « gens qui ne sont rien », des « fainéants » au « pognon de dingue » en passant par le chef de l’État qui « traverse la rue » pour trouver du travail. Elles ont contribué à façonner l’image d’un Président arrogant, déconnecté et frappé d’hubris. Même s'il avait fait amende honorable.sur TF1, en décembre : « J’ai blessé des gens, je ne le referai pas. »,il n' a pu s'empêcher de récidiver à propos de l’affaire McKinsey. « Que ça aille au pénal », a-t-il lancé, bravache, réactivant le souvenir du fameux « qu’ils viennent me chercher », prononcé en pleine affaire Benalla. Selon la politologue Chloé Morin, qui s’est interrogée sur l’efficacité de l’administration dans Les inamovibles de la République (l’Aube) en 2020, l’affaire McKinsey représente un « point de fragilité qui peut coûter cher au candidat Macron » .

Les macronistes savent que cette polémique a plus de chances que les autres de s’installer dans le paysage.Viennent s'ajouter les rumeurs sur son patrimoine suite au travail du site Off Investigation sur le patrimoine du candidat qui peuvent entacher durablement sa campagne

« Elle entre en résonance avec le procès fait au macronisme : le monde de l’argent, la confusion public-privé, l’ancien banquier de Rothschild, le soutien des grands patrons », énumère un conseiller.

Une quasi- absence de campagne

Imagine-t-on un président sortant ne s’engager pleinement que lors des deux dernières semaines de la campagne ? Emmanuel Macron n’aurait guère eu le choix : l’épidémie de Covid-19, puis l’invasion russe en Ukraine l’ont contraint à conserver jusqu’au bout son costume présidentiel. Il en ressort plutôt que c'était un moyen de ne pas se lancer dans l'arène du débat pour prendre le moins de risques possible et préserver son avantage concurrentiel.

Sa première sortie de campagne, à Poissy (Yvelines) face à des participants triés sur le volet, avait d'ailleurs « donné l’impression d’une campagne Potemkine », soupirait alors un ministre. Pour le sprint final, Macron et son équipe enchaînent émissions télévisées et radiophoniques, conférences de presse, déplacements éclairs. Et un unique meeting d'auto-congratulation.

Et de conclure avec Jean-Michel Apathie qui s'est attardé sur la campagne d'Emmanuel Macron depuis le plateau de Quotidien. Le journaliste politique qualifie la performance du président-candidat de « lunaire ». « Au sens où il a habité sur la lune pendant cinq ans et il a démontré que revenir sur Terre c'était pratiquement impossible. [...] Il n'a pas su revenir nous parler », précise-t-il.

Et encore l'abstention...

L’abstention devrait représenter, une fois encore, le premier parti de France. Selon évaluation elle atteindrait 28 %, soit environ le niveau du premier tour de la présidentielle de 2002, et 13 millions de Français (sur 48 millions d’inscrits). C’est la première fois que la participation à un scrutin présidentiel redescendrait au niveau de ce fameux 21 avril, le plus mauvais cru de l’histoire de la Ve République en matière d’abstention, qui avait vu Lionel Jospin éliminé au profit de Jean-Marie Le Pen.

Sans surprise, les catégories populaires et les non-diplômés devraient davantage s’abstenir que la moyenne (33 %), de même que les moins de 35 ans (35 %). Quant à la proximité politique, on constate une abstention très élevée à gauche (31 %), alors que les partisans de La République en marche (16 %), de Reconquête ! (13 %) et du Rassemblement national (17 %) sont les plus mobilisés. Idem pour ceux qui avaient voté pour Le Pen (17 %) et Macron (20 %) en 2017. En achevant vendredi soir sa campagne de premier tour par une interview sur Brut, média en ligne prisé des jeunes, Emmanuel Macron parie à nouveau sur les réseaux sociaux, qui lui permettent aussi de s'affranchir des règles d'égalité de temps de parole. Avec cette émission, le président candidat échappe à la fois sur l'interdiction d'utiliser son compte personnel Twitter aux 8 millions d'abonnés et sur l'égalité du temps de parole à la télévision et la radio.

Et le programme dans tout ça ?

Si en 2017, il avait été accusé de ne pas avoir de programme, cette fois, son projet a été jugé peu créatif, mais aussi quelque peu répulsif. Ainsi ses propositions de repousser à 65 ans l’âge légal de la retraite ou le conditionnement du versement du RSA à une activité. Et quid des problèmes de sécurité et d'immigration incontrôlée qui polluent la vie des Français ?

Le président-candidat a tout de même ressenti le besoin de donner un petit coup de barre à gauche et de parler de mesures sociétales, dans son discours à la Défense mais aujourd’hui, jeudi 7avril 2022, d'indexer les retraites sur l'inflation...

N'a-t-il pas affirmé qu’il ne souhaitait « pas faire cinq ans de plus pour faire cinq ans de plus (…). Le monde a changé, il n’est pas le même qu’il y a cinq ans. Les engagements que j’ai pris il y a cinq ans, j’ai essayé de les tenir et je les ai tenus »?

Et pourtant les deux tiers des Français, eux, souhaitent changer de Président...




Joanne Courbet pour DayNewsWorld