INTERVIEW DU 14 JUILLET 2022

 EMMANUEL MACRON SE DECENTRERAIT-IL

 VERS LA DROITE ?

Après s'être passé du rituel de l'interview plusieurs années de suite, le président de la République a repris le fil de la tradition répondant ainsi à une exigence d'unité devant la crise. Il a donc renoué jeudi avec la traditionnelle interview présidentielle le jour de la fête nationale, après le défilé du 14-Juillet. Emmanuel Macron a partagé ses perspectives pour ce nouveau quinquennat, et notamment sur la guerre en Ukraine, les problématiques liées à l'énergie et les réformes du travail.

La guerre en Ukraine

En ce 14-Juillet, le Président de la République a tenu à rendre hommage en début d'interview à tous les militaires français, mais également aux soldats tombés au combat et à leur famille. Ce défilé militaire avait une résonance toute particulière dans le contexte de la guerre aux portes de l'Europe. Face à ce conflit de haute intensité, Emmanuel Macron a annoncé que le gouvernement allait proposer une nouvelle loi de programmation militaire, pour planifier les investissements de l'État en matière d'armement et augmenter son budget.

Il a également déclaré aux Français qu'il fallait se préparer «à ce qu'elle dure», et a prédit des mois très difficiles à la fin de l'été et au début de l'automne. Il a rappelé son soutien à l'Ukraine, et a bien réaffirmé la position de la France, à savoir tenter de stopper la guerre sans en prendre parti, et pour cela le seul outil possible est d'imposer des sanctions financières à la Russie.

Énergie

Si la France n'est pas engagée dans la guerre en Ukraine, elle en essuie les conséquences, notamment sur les prix de l'énergie. Emmanuel Macron, qui a accusé Moscou d'utiliser ce gaz comme « arme de guerre », a expliqué que la France était en train de diversifier son approvisionnement et de reconstituer ses stocks. Emmanuel Macron a bien affirmé que Vladimir Poutine comptait «utiliser le gaz comme une arme de guerre», et qu'il fallait se préparer au scénario dans lequel la Russie va complètement couper ses exportations de gaz. Si la France n'en dépend qu'à 20 %, le président de la République appelle toutefois les Français à la sobriété énergétique.

Il a indiqué la préparation, avec les administrations publiques, les collectivités locales, des entreprises, d'un plan sur la sobriété énergétique. Si l'État sécurise des stocks d'énergie auprès d'autres fournisseurs, et qu'il prévoit d'atteindre 100 % de ses stocks d'ici à l'automne, le chef de l'État invite tous les citoyens à réguler leur consommation d'énergie pour éviter tout risque de coupure cet hiver.

Réforme du travail

L’un des grands caps du gouvernement pour ce nouveau quinquennat est «le plein emploi», car, selon le président de la République, «la meilleure réponse au pouvoir d’achat, c’est le travail». De plus « Il n'y a pas de modèle social s'il n'y a pas du travail pour le financer », a déclaré le chef de l'Etat, qui a de nouveau à vanter la valeur travail. « Nous devons aller plus loin » sur la réforme de l'assurance-chômage, annonce Emmanuel Macron, et ce « dès cet été ». Il a également cité la réforme du RSA, promesse de son programme présidentiel :  « Ils doivent s'engager, bien sûr, ceux qui touchent le RSA. Personne ne veut rester au RSA ». Il souhaite donc poursuivre sa politique qui vise à accompagner les chômeurs vers l’emploi sur la formation, en conditionnant certaines aides à une activité professionnelle, comme le RSA.

Emmanuel Macron a également annoncé une série de réformes pour les moins à venir : celle du lycée professionnel, qui devrait permettre aux lycéens de toucher un petit salaire ; poursuivre la réforme de l’assurance chômage, dont les règles entrées en vigueur à l’automne dernier doivent expirer le 31 octobre prochain. Enfin, le président souhaite également poursuivre la réforme de l’apprentissage déjà entamée sous son précédent mandat.

Concernant les salaires, Emmanuel Macron a incité les employeurs à les augmenter, et a annoncé des discussions avec toutes les branches professionnelles dans les prochaines semaines, pour qu’aucun travailleur ne touche moins que le Smic.

Réforme des retraites

Sur les retraites, Emmanuel Macron garde le même cap depuis le début de la campagne présidentielle : «nous devons travailler plus et plus longtemps», « Je sais que nous devons travailler plus longtemps. On doit faire cette réforme.», a-t-il martelé devant les journalistes Anne-Claire Coudray et Caroline Roux.

Emmanuel Macron. « Ce sur quoi je me suis engagé, c'est de dire qu'on doit progressivement décaler l'âge de départ légal jusqu'à 65 ans à l'horizon des années 2030. » Emmanuel Macron a son plan en tête : « Je pense que dès l'été 2023, il faut qu'on ait une première entrée en vigueur ».

Avec la crise du Covid-19, la dette s’est creusée, et le président de la République souhaite «revenir au sérieux budgétaire». Pour cela, il refuse la hausse des impôts et de creuser encore un peu plus la dette, mais souhaite que la France travaille davantage.

Les négociations avec les partenaires sociaux doivent reprendre à la fin de l'été. « La discussion doit commencer à la rentrée. Au sortir de l'été, il y aura une discussion avec toutes les forces vives de la nation sur tous les sujets, a poursuivi Emmanuel Macron. Il y aura ensuite un travail avec les forces syndicales et patronales, puis avec les forces politiques au Parlement. »

« Est-ce que vous avez peur de passer un quinquennat à voir vos projets retoqués ? », lui a demandé Anne-Claire Coudray. « Non », a aussitôt répondu Emmanuel Macron. Car pour lui à l'Assemblée nationale : « Il n'y a de majorité contre le gouvernement qu'avec un attelage baroque » .

Ces deux réformes, de l’assurance-chômage et des retraites, sont de nature à mettre une fois encore en difficulté Les Républicains, qui auront du mal à les combattre. Emmanuel Macron a tenté de souligner leurs contradictions lorsqu’il a été interrogé sur le rejet, dans la nuit de lundi à mardi à l’Assemblée, du projet de loi « de veille et de sécurité sanitaire », portant sur le possible retour d’un pass sanitaire anti-Covid pour les entrées dans l’Hexagone. « Vous avez des députés LFI avec des députés RN et des députés Les Républicains qui ont voté ensemble, a-t-il souligné. Je ne crois pas que les députés Les Républicains se soient engagés devant leurs électeurs à voter avec LFI et le RN pour empêcher qu’on mette en place un pass aux frontières »

Un attelage baroque ?

Se moquant de cet « attelage baroque », Emmanuel Macron estime que les députés LR en question « auront du mal à expliquer devant leurs électeurs ce qu’ils ont fait l’autre soir ». Il veut croire à un « coup de chaud nocturne » et compte sur la « sagesse collective des sénateurs », majoritairement de droite, pour rétablir la mesure anti-Covid.

Le président de la République appelle donc à des « compromis responsables » pour mettre en œuvre une réforme qu'il avait dû avorter lors de son premier quinquennat.

« À  suivre le raisonnement d'Emmanuel Macron dès lors que le RN vote contre un projet de loi, la Nupes devrait voter pour ; et vice versa. Il ne peut ne s'agir que d'une stratégie rhétorique, somme toute peu habile, mais l'indignation et l'étonnement de la majorité ces derniers jours semblent laisser présager une vraie mécompréhension de la nouvelle situation politique. » , analyse dans le Figaro Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l'Université Paris II Panthéon-Assas.

« Avec une majorité divisée, une opposition vent debout, des syndicats mobilisés, et une opinion échaudée, se lancer dans cette bataille, en pleine crise économique, relève d'un drôle de sens politique. Alors qu'en période de crise le pays a besoin d'unité, le président n'hésite pas à mettre en avant les thèmes les plus clivants », toujours selon l'universitaire.




Garett Skyport pour DayNewsWorld