LEGISLATIVES UN AVERTISSEMENT SERIEUX

 POUR LES MACRONISTES

Ce n’est pas un coup de tonnerre mais un avertissement sérieux : la coalition présidentielle Ensemble ! (25,82 %) n’est pas assurée d’obtenir une majorité absolue, dimanche 19 juin. Emmanuel Macron avait appelé les Français à lui donner «une majorité forte et claire» afin de décrocher une majorité absolue à l’Assemblée nationale, soit 289 sièges, pour son second mandat.

C’est pourtant d’une courte tête que l’emporte la coalition présidentielle (25,75%), puisque «Ensemble !» devance l’alliance de gauche, la Nupes (25,66%), d’à peine quelque 21.000 voix.

Si l’abstention record (52,49 %) est également à noter, le second tour s’annonce difficile pour le président de la République, qui serait contraint de négocier des alliances pour gouverner librement et faire passer ses réformes.

Ce premier tour, qui aurait pu être une formalité pour Emmanuel Macron après son score à l’élection présidentielle, n’a donc pas été la confirmation attendue. « La majorité absolue n’est à ce stade pas garantie à Ensemble. Le plus probable, sous réserve de la campagne, c’est que la majorité présidentielle soit relative, avec moins de 289 sièges, même si une majorité absolue de quelques sièges est encore possible », avance prudemment Mathieu Gallard, directeur d’études à l’institut Ipsos.

C’est aussi la première fois sous la Ve République que le parti du président de la République n’arrive pas en tête aux élections législatives dans la foulée de l’élection présidentielle, voire recule entre les deux scrutins.

En 2002, 2007 et 2012, l’UMP, puis le PS, avaient en effet dépassé, parfois très largement, la barre des 30 % des voix dans la foulée de l’élection de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy ou François Hollande. Cette fois, la majorité sortante fait beaucoup moins bien qu’il y a cinq ans (La République en marche et le MoDem avaient obtenu 32,33 % des suffrages en 2017), et enregistre 2 points de moins que le score du président sortant il y a sept semaines seulement.

En face d'Emmanuel Macron, on retrouve un score très élevé pour la Nupes qui devrait devenir le deuxième groupe le plus important à l’Assemblée nationale. Avec une estimation de 275 à 310 députés élus pour Emmanuel Macron, contre 346 députés sortants, c’est un vrai recul.

La question qui obsède depuis hier soir les conseillers du chef de l’Etat c'est alors de savoir s' il obtiendra les 289 députés, c’est-à-dire la majorité absolue.

Une marge de manœuvre diminuée

Si c’est le cas, cette majorité absolue ne sera pas écrasante. Les principaux partenaires d’Emmanuel Macron, François Bayrou et Edouard Philippe, verront leur poids politique mécaniquement renforcé. Et il sera impossible de faire adopter des lois sans eux. La marge de manœuvre d’Emmanuel Macron sera donc diminuée en comparaison avec le précédent quinquennat.

Et, sans majorité absolue, c’est-à-dire dans le cas d’une majorité relative, non seulement Bayrou et Philippe deviendront indispensables au président, qui sera moins libre de ses mouvements. Mais, en plus, Emmanuel Macron n’aura d’autre choix que de tendre la main à d’autres partis concurrents pour tenter d’avoir une majorité. Cette ouverture est presque impossible en direction de la Nupes. C’est donc vers les Républicains, qui pourraient obtenir entre 40 et 60 députés, qu’Emmanuel Macron essaiera de se tourner. En quelque sorte un gouvernement de coalitions à l'allemande...

S’ouvre désormais un ère avec un parlement plus fort, des alliances de circonstances et un pays plus difficile à gouverner.

Dans le cas d'une majorité relative

Pour le cas où la coalition de la majorité présidentielle ne l’emporte pas largement, ou pire, si elle est défaite au second tour des élections législatives, les conséquences seraient multiples pour Emmanuel Macron.

Deux scenarios seront alors envisageables.

Si «Ensemble !» arrive en tête, mais sans atteindre les 289 sièges, Emmanuel Macron disposera d’une majorité relative à l’Assemblée nationale. Le scénario serait compliqué pour le président de la République qui aurait alors deux options devant lui. La première consisterait à jouer le jeu des alliances et chercher le soutien d’autres formations politiques, afin de disposer d’une majorité absolue pour voter les textes de loi. Certains membres du gouvernement estiment notamment qu’il existe une réserve de voix disponible du côté de la droite.

La seconde option serait de gouverner «en minorité» tout en conservant le Premier ministre de son choix, qui resterait sans doute Elisabeth Borne si elle s’impose dans sa circonscription du Calvados. Emmanuel Macron pourrait choisir de gouverner «en force» en ayant recours au controversé article 49-3 qui permet au gouvernement d’adopter un texte sans le soumettre au vote de l’Assemblée. Le gouvernement s’exposerait néanmoins à une éventuelle motion de censure, qui pourrait le faire tomber à condition de réunir une majorité de députés pour la voter.

Dans le cas d'une cohabitation

Le second scénario pour Emmanuel Macron jugé comme «catastrophique» par l’un de ses soutiens, serait la défaite au second tour des législatives pour sa coalition. Cela entraînerait une cohabitation avec la nomination (traditionnelle mais non-obligatoire) d’un nouveau Premier ministre qui serait naturellement le chef de l’opposition, Jean-Luc Mélenchon.

Ce scénario, le moins favorable pour le président la République, le priverait de la quasi-totalité de ses pouvoirs. Emmanuel Macron conserverait néanmoins la possibilité de dissoudre l’Assemblée nationale et de convoquer de nouvelles élections pour tenter de récupérer sa majorité. Une tactique risquée qui s’est avérée perdante pour Jacques Chirac en 1997, sanctionné par les électeurs et contraint de cohabiter avec Lionel Jospin pendant les cinq dernières années de son septennat.

Selon les projections d’OpinionWay, Emmanuel Macron devrait obtenir entre 260 et 300 députés, ce qui lui laisse environ une chance sur deux d’obtenir une majorité absolue. ..De son côté, Jean-Luc Mélenchon devrait pouvoir obtenir entre 170 et 200 sièges tout en sachant que les candidats de la Nupes disposent de peu de réserves de voix pour le second.

Des projections qui seront à confirmer ce dimanche 19 juin à l’occasion du second tour des législatives, qui pourrait marquer un tournant dans la politique d’Emmanuel Macron.




Jaimie Potts pour DayNewsWorld