LEGISLATIVES EN FRANCE

VERS UN DUEL ENTRE ENSEMBLE ! DE MACRON

ET LA NUPES DE MELANCHON ?

Les 12 et 19 juin 2O22, les Français éliront leurs 577 députés. « Troisième tour » de la présidentielle attendu par les oppositions, il sera déterminant pour l'ensemble des forces politiques. Depuis l’inversion du calendrier électoral en 2001, jamais un président élu n’a perdu les législatives. Mais à l’approche du premier tour, les macronistes et la Nupes de Mélenchon sont au coude à coude

D'après le dernier sondage Elabe pour L'Express et BFMTV, en partenariat avec SFR, LR ne récolterait que 12,5 % des voix au niveau national, contre 25 % et 24,5 % pour l'alliance des partis de gauche et la confédération rassemblant LREM, le MoDem et Horizons. S'oriente-t-on vers un coude-à-coude entre entre les macronistes et le chef de file des Insoumis reléguant dans l’ombre les autres formations, y compris le Rassemblement national ?

Les LR résisteront-ils ?

Après la bérézina des députés PS en 2017, va-t-on assister à la Saint-Barthélemy des députés LR sortants , s'interroge une journaliste.

Les Républicains « devraient en effet être les grand perdants » de ces élections législatives. Le parti a choisi l'indépendance : une ligne périlleuse au regard des 4,8 % obtenus par Valérie Pécresse. Quelques-uns des 101 élus sortants ont rallié le chef de l'État et une quinzaine de candidats bénéficieront d'un traitement particulier en n'ayant pas à affronter de représentant de la majorité. Les autres misent sur leur ancrage territorial. « Une partie des sortants ont été élus dans des circonscriptions semi-rurales et l'ont emporté en 2017 face à la macronie triomphante, il n'y a donc pas de raison d'être pessimiste », indique le député européen Brice Hortefeux. LR ne donnera en tout cas pas de consigne de vote au soir du premier tour des législatives si ses candidats ne sont pas qualifiés, dans le cas d'un duel entre LREM et Nupes, a assuré mardi 7 juin le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau.

Un mode de scrutin défavorable pour le Rassemblement national

Marine Le Pen, quant à elle, elle a jeté en quelque sorte l'éponge malgré sa seconde position au premier tour et ses 13,2 millions de voix du 24 avril, ne réapparaissant que ces derniers jours. C'est que les ambitions du RN, qui a refusé de s'allier à Reconquête, le parti d'Éric Zemmour (finalement candidat à Saint-Tropez), se révèlent raisonnables dans la mesure où le mode de scrutin lui est très défavorable. Autoproclamée « candidate de la vérité », Marine Le Pen répète d'ailleurs que la logique des institutions veut que le président de la République obtienne une majorité. Alors qu'elle a obtenu 41,4 % des voix au second tour et plus de 55 % dans 87 circonscriptions, elle s'est fixé comme objectif d'obtenir au moins quinze élus, ce qui permettrait à son parti de constituer un groupe à l'Assemblée.

En effet depuis l'instauration du quinquennat en 2002 et l'inversion du calendrier électoral - l'élection présidentielle se tient juste avant les élections législatives et non l'inverse, afin de donner au président de la République une majorité cohérente à l'Assemblée nationale - le vainqueur de la course à l'Elysée a pour le moment systématiquement obtenu une majorité pour mener à bien son programme. De quoi faire des législatives une élection ratifiant le résultat de la présidentielle.

Ainsi, en 2002, dans la foulée de sa réélection face à Jean-Marie Le Pen, Jacques Chirac a retrouvé une majorité à l’Assemblée nationale. En 2007, Nicolas Sarkozy, élu face à Ségolène Royal, a, lui aussi, gagné les législatives. En 2012, la victoire de François Hollande s’est doublée d’une vague rose au Palais Bourbon. Quant à Emmanuel Macron en 2017, il a remporté les législatives avec 308 députés élus.

Mais cette mécanique serait-elle sur le point de s’enrayer pour la première fois? C’est ce que veut croire Jean-Luc Mélenchon , faisant habilement de ce rendez-vous le «troisième tour» de la présidentielle lui qui se voit désormais Premier ministre. Dès lors, que disent les sondages? Sur ce point, les sondages donnent la majorité présidentielle et la Nupes au coude à coude. Vendredi dernier, l’institut Cluster 17 plaçait la Nupes en tête (31%) devant Ensemble! (27%), le RN (19%) et LR (10%).Mais Selon une enquête de l’Ifop du 31mai, c’est Ensemble! qui arriverait en tête avec 27% devant la Nupes (25%) et le RN (21%). Selon ce sondage, qui confirme la tendance de celui publié hier par l’Institut Harris (26 % et 24 %), les marcheurs et leurs alliés obtiendraient ainsi entre 275 et 310 sièges, contre 170 à 205 pour la Nupes et 20 à 50 pour le RN. La majorité absolue étant fixée à 289 sièges, Emmanuel Macron pourrait donc ne pas l’avoir.

Vers un duel entre la Nupes de Mélanchon et Ensemble ! de Macron

Dans cette dernière ligne droite, les sondages confirment ce duel entre les macronistes réunis sous la bannière Ensemble! et Jean-Luc Mélenchon, désormais à la tête de la Nupes, la Nouvelle alliance populaire écologiste et sociale qui regroupe LFI, EELV, le PS et le PC.

Car il faut désormais compter avec cette union purement «électoraliste» qu'est la Nupes.

Les députés de la Nupes (Nouvelle Union populaire écologique et sociale) pourrait bien se retrouver majoritaires dans l'hémicycle. L'ex-socialiste, qui ne se représente pas, a d'ores et déjà réussi un exploit en réconciliant (plus ou moins) quatre formations politiques : LFI, EELV, PC 4 et PS. « Nous sommes en train d'écrire une histoire politique de la France », a-t-il assuré. Sorti en tête le 10 avril dans 106 circonscriptions et majoritaire dans 43, il estime qu'il s'agit d'« une bonne base de départ ». Les projections donnent ses candidats présents au second tour dans plus de 300 circonscriptions. « Le fait que la gauche se soit unie et qu'elle puisse ainsi prétendre à avoir beaucoup d'élus, voire pourquoi pas, une majorité relative ou absolue à l'Assemblée nationale, est plutôt un facteur de mobilisation voire de surmobilisation de son électorat », relève Jean-Yves Dormagen, professeur de Science politique à l'Université de Montpellier et spécialiste de la question de l'abstention.

Quelle majorité pour Emmanuel Macron ?

En 2017, le chef de l'État avait réussi à se constituer une solide majorité avec 350 élus dont 308 LREM. Il souhaite réitérer l'exploit. Dans l'histoire de la Ve République, les présidents n'ont-il pas toujours gagné les législatives organisées dans la foulée de leur élection ? Après d'interminables négociations, un accord a également été trouvé entre les partenaires qui partiront sous la bannière Ensemble. Le parti majoritaire s'est réservé 400 circonscriptions et en a accordé une centaine à ses alliés du MoDem et 58 à Horizons, le parti d'Édouard Philippe. Alors que plus d'un tiers des candidats de 2017 étaient issus de la société civile et ne disposaient d'aucun mandat, les 505 candidats déjà investis sont de plus pour la plupart rodés, notamment du fait que plus de 90 % des députés sortants ont été reconduits.

Mais face aux sondages et à la campagne offensive de Mélenchon , Emmanuel Macron bat à nouveau le terrain. Après avoir agité le chiffon brun pendant la présidentielle, le chef de l'État agite le chiffon rouge, multipliant les attaques contre Jean-Luc Mélenchon, désigné comme l'adversaire numéro un.  Après deux déplacements la semaine dernière, à Cherbourg sur la santé, puis à Marseille sur l’éducation, il est ce jeudi 9 juin 2022 , demain, dans le Tarn, à Gaillac, pour évoquer la sécurité du quotidien. Une visite qui intervient alors que les forces de l’ordre sont de nouveau montrées honteusement du doigt et dans la ligne de mire de… la Nupes. Samedi, à Paris, la passagère d’un véhicule dont le conducteur en semi-liberté, sans permis et sous l'effet de stupéfiants, a refusé d'obtempérer à un contrôle, a été tuée par les tirs des policiers .« Je ne vois pas comment ce puzzle de circonstances qu'est la Nupes peut l'emporter », estime Richard Ferrand, le patron de l'Assemblée nationale, confiant.

L' arbitre du scrutin : la forte abstention attendue

Après avoir atteint un record en 2017, c'est l'abstention en fait qui sera à nouveau l'arbitre du scrutin, les 12 et 19 juin. En effet pour se maintenir au second tour, les candidats devront réaliser au moins 12,5% des inscrits. Ce qui, dans la perspective d’une forte abstention, rend les projections particulièrement difficiles. Selon la dernière enquête d'Ipsos Sopra-Steria pour le Cevipof, la Fondation Jean Jaurès et Le Monde publiée ce mercredi 8 juin, l'abstention pourrait en effet atteindre dimanche entre 52% et 56%, avec un point moyen à 54%.

Une abstention élevée qui ne sera pas sans conséquence sur le scrutin puisqu'elle éliminera pratiquement toute possibilité de triangulaire et imposera donc probablement des duels dans toutes les circonscriptions... En 2017, déjà, il n'y avait eu qu'une seule triangulaire, contre 34 en 2012.« Avec cette situation, on aura uniquement des duels au second tour », parie également Gérard Grunberg, directeur de recherche émérite au CNRS et directeur du site Telos.

Une faible participation, en favorisant les duels, pourrait avantager la majorité sortante regroupée sous la bannière Ensemble !, davantage susceptible de bénéficier du « vote utile », c'est-à-dire des votes des électeurs souhaitant faire barrage à un autre candidat. « On peut estimer que le candidat de la majorité arrivera dans les deux premiers, sauf quelques exceptions », prédit Jean Petaux, évoquant la mobilisation attendue « assez forte » de l'électorat d'Emmanuel. De plus le programme économique de la Nupes étant radical -Retraite à 60 ans, augmentation du smic à 1 400 euros, blocage des prix des biens de première nécessité et formule à l'emporte-pièce comme « la police tue » , certains pourraient pencher vers les macronistes.

Quoi qu'il en soit rien n'est  joué dans ce duel entre la Nupes et Ensemble...




Joanne Courbet pour DayNewsWorld