LES ENJEUX DU VOYAGE D'EMMANUEL MACRON

 EN ALGERIE

Le président français et son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune, ont scellé jeudi leur réconciliation après des mois de brouille diplomatique, notamment autour de la colonisation française (1830-1962).

Depuis son élection en 2017, le président français, le premier à être né après la guerre d’Algérie, a multiplié les gestes mémoriels, sur la base notamment du rapport Stora. Sur la responsabilité de l’État français dans la mort de Maurice Audin (militant communiste torturé) ou l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel. Sur l’indemnisation des harkis. En procédant à la déclassification des archives de plus de cinquante ans couvertes par le secret-défense. Mais Alger demandait davantage, un geste de repentance pour les 132 ans de la colonisation. Or lors Emmanuel Macron a reproché alors au régime algérien d’exploiter la « rente mémorielle » autour de la guerre d’indépendance.


La question mémorielle

Emmanuel Macron vient de réaffirmer lors de son arrivée en Algérie jeudi 25 aout 2022 sa conviction qu’il faut regarder l’histoire en face, la France et l’Algérie ont une histoire partagée, douloureuse mais qui ne doit pas empêcher les deux pays d’avancer ensemble, estime le président. Il n'est pas question de parler de repentance pour le président français mais de reconnaissance de vérités historiques. Emmanuel Macron a réenchéri ce vendredi en expliquant que la recherche de « la vérité » et de « la reconnaissance » était plus importante que la « repentance » sur ces questions qui empoisonnent la relation entre Paris et Alger.

« J’entends souvent que, sur la question mémorielle et la question franco-algérienne, nous sommes sommés en permanence de choisir entre la fierté et la repentance. Moi, je veux la vérité, la reconnaissance (car) sinon on n’avancera jamais », a déclaré le président français lors d’un point presse à Alger au deuxième jour de sa visite en Algérie.

Les enjeux économiques.

Si l'Algérie est le premier exportateur africain de gaz et fournit environ 11% du gaz consommé en Europe, M. Macron a démenti que la France soit « allée à Canossa » pour quémander du gaz à l’Algérie. « La France dépend peu du gaz dans son mix énergétique, à peu près 20 %, et dans cet ensemble, l’Algérie représente 8 à 9 %, on n’est pas dans une dynamique où le gaz algérien pourrait changer la donne ». En outre, il a souligné que la France avait déjà « sécurisé ses volumes » pour l’hiver, et « les stocks sont à 90 % ». « Par contre, c’est une très bonne chose qu’il y ait une collaboration accrue et plus de gaz vers l’Italie », a-t-il insisté, soulignant la nécessité d’une « solidarité européenne ». Depuis début 2022, l'Algérie a fourni à l'Italie 13,9 milliards de m3, dépassant de 113% les volumes programmés auparavant. En revanche, « à plus long terme, on veut consolider le partenariat entre TotalEnergies et Sonatrach », a-t-il dit.

C'est que la France n’est plus le partenaire numéro 1 d’Alger, supplantée par la Chine. Les positions de rente commerciale appartiennent au passé. La délégation d'Emmanuel Macron comprend d'ailleurs les dirigeants des sociétés Engie et Free, même si aucun contrat d'envergure n'est attendu lors de cette visite. De plus l’Élysée tient à s’adresser durant ce voyage à la jeunesse algérienne, aux start-up et aux PME.

L'Algérie, quant à elle, veut profiter des prix élevés de l'énergie pour décrocher de gros contrats et des projets d'investissement, comme elle l'a déjà fait avec l'Italie et la Turquie. « L'Algérie cherche des relations économiques solides et un partenariat sérieux », a déclaré un responsable algérien sous couvert d'anonymat.

Les enjeux stratégiques

Autre enjeu, et non des moindres, le contexte régional. « La coordination avec les autorités algériennes est essentielle », sur le plan sécuritaire, estime-t-on à l’Élysée. En effet malgré le départ des troupes françaises du Mali, stabiliser le Sahel et contenir la menace djihadiste reste une priorité pour l'Europe. Alger reste un interlocuteur privilégié du Mali comme du Niger et possède une longue frontière avec la Libye.En outre le renforcement des liens traditionnels du pouvoir algérien avec Moscou, de plus en plus actif dans la région, inquiètent également Paris.

À l’automne, la Russie participera, en Algérie, à un exercice militaire conjoint avec l’armée algérienne.




Joanne Courbet pour DayNewsWorld