LA PIRE RECESSION EN TEMPS DE PAIX

SELON L'OCDE

L'économie mondiale va subir cette année sa pire récession en temps de paix sur les cent dernières années avant de renouer avec la croissance l'année prochaine, estime mercredi l'OCDE.

En raison de « l’incertitude exceptionnelle » de la conjoncture cette année, l’OCDE présente ses prévisions en prenant en compte deux scénarios. L’un avec une deuxième vague de la pandémie de Covid-19 se propageant sur la planète à la fin 2020, l’autre sans. Dans le premier cas , le plus défavorable, la contraction de l'économie mondiale serait de 7,6% cette année et la reprise en 2021 à 2,8%. Dans le second cas le PIB mondial devrait se contracter de 6,0% cette année avant de rebondir de 5,2% en 2021.

D'après les projections de l'OCDE, les Etats-Unis, première puissance économique mondiale, doivent se préparer à une contraction de 7,3% de leur PIB cette année avant un rebond de 4,1% l'année prochaine. Dans l'éventualité d'une seconde vague, la récession serait de 8,5% cette année, et le PIB américain ne regagnerait que 1,9% en 2021.

La Chine, encore championne de la croissance l'an dernier avec 6,1%, verra elle aussi son économie se contracter, de 2,6%, voire de 3,7% cette année si le virus y ressurgit massivement.

La zone euro s'oriente elle vers une contraction de 9,1% cette année, suivie d'une reprise de 6,5% l'année prochaine. Dans le scénario d'une deuxième vague, le recul serait là aussi plus marqué (-11,5%) et la reprise plus modeste en 2021 (+3,5%).

La France une récession brutale en 2020

Selon l’OCDE, la France enregistrera l’une des plus fortes chutes du PIB au monde. L’horizon économique de la France et des pays de la zone euro s’assombrit un peu plus. Selon les prévisions de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), publiées mercredi 10 juin, la contraction du produit intérieur brut (PIB) va se situer entre 11,4 % et 14,1 % en 2020 en France.

Soit la contraction la plus importante au monde, dans les mêmes proportions qu’en Espagne, en Italie et au Royaume-Uni. Même l’Argentine, qui vient pourtant d’entrer, fin mai, en défaut de paiement, s’en sortira mieux avec une chute de son PIB attendue entre 8,3 % et 10,1 %. C’est dans la zone euro que le décrochage, compris entre – 9,1 % et – 11,5 %, sera le plus brutal de la planète.

L’économie française cumule en effet les handicaps en cette période. « Ses avantages comparatifs se situent dans des secteurs parmi les plus touchés par la crise comme le transport aérien, le tourisme ou même le luxe, explique Daniel Cohen, directeur du département d’économie de l’Ecole normale supérieure. Et l’Hexagone n’a pas eu d’autre solution que le confinement massif, contrairement à l’Allemagne qui s’était préparée plus tôt à la pandémie. »

Les Etats incités à s'endetter pour soutenir les travailleurs

« D'ici la fin 2021, les pertes de revenus excéderont celles enregistrées au cours de toutes les récessions précédentes des 100 dernières années, à l'exception des périodes de guerre, avec des conséquences extrêmes et durables pour les populations, les entreprises et les gouvernements », souligne Laurence Boone, l'économiste en chef de l'OCDE, dans une introduction à ces prévisions actualisées.

Elle exhorte donc les gouvernements à ne pas craindre de recourir à l'endettement pour financer des mécanismes de soutien aux travailleurs les moins rémunérés et aux investissements, expliquant que les réponses apportées à la crise vont modeler les perspectives économiques et sociales des dix années à venir.

« Des politiques monétaires ultra-accommodantes et une dette publique plus élevée sont nécessaires et seront acceptées tant que l'activité économique et l'inflation resteront déprimées et que le chômage restera élevé », poursuit-elle.

«Partout, le confinement a renforcé les inégalités entre les travailleurs», les plus qualifiés à même de télétravailler alors que les jeunes et les moins qualifiés sont «souvent en première ligne» dans la lutte contre la pandémie, constate la chef économiste de l'OCDE. Le Covid-19 a aussi «accéléré le basculement d'une 'grande intégration' vers une 'grande fragmentation'» de l'économie mondiale avec l'apparition «de restrictions supplémentaires au commerce et à l'investissement», toujours selon Mme Boone.

Economie «plus juste et plus durable»

Pour permettre à l'économie de se redresser, l'OCDE préconise notamment de «renforcer les systèmes de santé», de «faciliter les évolutions des métiers tout en renforçant la protection des revenus», et de «rendre les chaînes d'approvisionnement plus résilientes».


« Les gouvernements doivent se saisir de cette opportunité pour concevoir une économie plus juste et plus durable, rendre la concurrence et les régulations plus intelligentes, moderniser la fiscalité, les dépenses et la protection sociale », préconise Laurence Boone. Elle pointe le rôle essentiel de la confiance sans laquelle ni la consommation ni l'investissement ne redémarreront.

Et puisque la menace d'une seconde vague de contagion entretient l'incertitude à un niveau élevé, Laurence Boone ajoute que le moment n'est certainement pas à attiser les flammes des tensions commerciales et que les gouvernements doivent coopérer en matière de recherche et de développement de traitements et d'un vaccin contre le SARS-CoV-2.

« Tant qu'un vaccin ou un traitement ne sera pas largement disponible, les responsables politiques du monde entier continueront de marcher sur une corde raide », écrit-elle.




Joanne Courbet pour DayNewsWorld