COMMENT RELANCER L'ECONOMIE APRES LA CRISE DU COVID 19 ?

L'économie a lourdement pâti de la crise sanitaire provoquée par l’épidémie de Covid-19 qui a mis en valeur ses failles À court terme, le chômage et, comme l’a dit le Premier ministre Édouard Philippe, « l’appauvrissement » qui se profile pour une partie de la population remettent en débat l’organisation du temps de travail et les choix fiscaux du quinquennat.

Le gouvernement se doit donc de trouver un équilibre entre nécessité de reprise à court terme et ambition de transformation de l’économie française. Face à l’ampleur du choc, certains estiment que l’économie d’après ne pourra plus ressembler à celle d’avant. Et dès le 12 mars, Emmanuel Macron avait promis des « décisions de rupture ».

Taxer davantage

Si Emmanuel Macron avait supprimé l'ISF pour les plus riches au début de son quinquennat, espérant les voir financer l’économie, les dépenses engagées par l’État pour amortir la crise relancent le débat sur un rétablissement de l’impôt sur la fortune (ISF), remplacé en 2018 par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Il est réclamé par la gauche et le Rassemblement national. Une sorte « d’impôt de guerre », pour le numéro un du PCF Fabien Roussel. « Le pouvoir politique aura du mal à y échapper d’une manière ou d’une autre », a aussi jugé l’ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy, Raymond Soubie, évoquant plus largement la taxation du capital. Pour le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, ce serait toutefois « un très mauvais signal ». Diriger l'épargne, conséquente, des Français vers les entreprises pourrait également être envisagé

Travailler plus

Comment relancer la production après deux mois de confinement et avec des entreprises dans une situation financière fragile ? Les mauvais chiffres des demandeurs d’emplois sont arrivés, les prévisions de croissance plongent (–6 points de PIB pour les deux mois de confinement) et la crise de l’emploi se profile si bien que l'éternel débat a rejailli à la faveur de la crise du coronavirus. Comment peut-on donc redonner du travail aux centaines de milliers de personnes que la crise va mettre au chômage ?

A droite, les propositions se multiplient. Christian Jacob, le président de LR, plaide pour « sortir du carcan des 35 heures », et son parti planche sur un plan de relance, avec notamment les contributions de l’ex-ministre du Budget Eric Woerth. « Il faut se sortir du carcan des 35 heures (...) La question du temps de travail devra se poser dans un cadre de dialogue social, mais au niveau de l’entreprise ou dans les branches, pas de l'Etat », a-t-il lundi sur France Inter.

Et il prêche pour du cas par cas. « On peut très bien le faire dans le cadre de l’annualisation du temps de travail et de le faire par entreprise, au plus proche de la réalité, et dans une négociation sociale entre les salariés et le chef d’entreprise. (...) Cela permettrait aux salariés d’avoir une augmentation de salaire et donc de pouvoir d’achat, et de redonner de la compétitivité aux entreprises. (...) »

« Dans certains secteurs, la demande peut-être soutenue, mais les contraintes sanitaires font que la productivité baisse : c’est là que la question du travailler plus peut se poser » , a de son côté estimé Geoffroy Roux de Bézieux. Il avait auparavant évoqué une réduction de jours de congés ou de jours fériés pour « faciliter, en travaillant un peu plus, la création de croissance supplémentaire ».

Mais l’allongement de la durée du travail n’est pas à l'ordre du jour pour Laurent Berger. « Si on pense que l’on va s’en sortir positivement en promettant de la sueur et des larmes, on est chez les fous », estime-t-il dans l’hebdomadaire La Vie.Plutôt que de vouloir allonger la durée du temps de travail, « nous devons apprendre à travailler autrement et à travailler mieux », argumente-t-il, particulièrement inquiet de la situation des jeunes. La CGT reste de plus attaché aux 32 heures.

Pour l'instant, le gouvernement mise avant tout sur une reprise du travail. « Le problème du jour, c'est le retour au travail, et sauver l'emploi », a réagi la ministre du Travail, Muriel Pénicaud. Pour elle les entreprises ont déjà des marges de manœuvres négociables avec leurs salariés, notamment le quota de 200 heures supplémentaires sans charges sociales, encore très peu utilisé.

Dans les entreprises, syndicats et direction peuvent conclure des accords de « performance collective » pour renégocier le temps de travail et la rémunération des salariés en cas de difficultés, a rappelé la ministre du Travail Muriel Pénicaud.

 La croissance par le vert

Pour les défenseurs de l’environnement, les plans de relance sont une opportunité pour lancer la transition vers une économie bas carbone que l’on a peiné jusqu’ici à enclencher.

Même le ministre de l’Économie Bruno Le Maire estime que la France doit devenir la « première économie décarbonée de la planète », en investissant dans les véhicules électriques, la rénovation des bâtiments… Le ministre de l’Economie a notamment évoqué, ce lundi 18 mai 2020, une nouvelle prime pour l’achat d’un véhicule vert.

Le plan de relance qu’il présentera à la rentrée et les soutiens spécifiques aux filières automobile et aéronautique pourraient concrétiser cette ambition, avec des contreparties environnementales réclamées aux industriels .D'ailleurs le prêt de l'Etat de 7 milliard à Air France a été conditionné à un engagement écologique.  « Air France doit devenir la compagnie la plus respectueuse de l’environnement de la planète. C’est la condition à laquelle je suis le plus attaché.», avait souligné, le 24 avril 2020, Bruno Le Maire.

Mais certains milieux économiques réclament une pause dans l’application de nouvelles règles environnementales, le temps de surmonter la crise. D'autant que la chute libre du prix des énergies fossiles -l’or noir a abandonné près de 70% et les cours du charbon ont été divisés par deux- pourrait plaider dans ce sens...

Relocaliser la production

Pénurie de masques, de médicaments : l’épidémie a conduit l’exécutif à vouloir défendre une plus grande indépendance économique dans des secteurs clés, comme la santé.« Le jour d’après ne ressemblera pas au jour d’avant, nous devons rebâtir notre souveraineté nationale et européenne », a affirmé le président Emmanuel Macron.

Bruno Le Maire ainsi demandé aux constructeurs automobiles de « relocaliser certaines productions » en contrepartie du soutien public. Les laboratoires pharmaceutiques réfléchissent plus que jamais à la nécessité de relocaliser la production, notamment celle des médicaments dits «essentiels» pour ne plus dépendre uniquement de la Chine et de l'Inde. Philippe Aghion, professeur d'Economie au Collège de France, plaide pour la création d'une « Darpa européenne », inspirée de l'agence de financement de la recherche du Pentagone américain, pour une « vraie politique d'investissement européen, avec une vision de long terme ». « Pas forcément à 27 », mais au moins avec l'Allemagne, qui a perdu beaucoup moins d'emplois industriels que la France.

Mais relocaliser des usines en France pourrait s’avérer difficile, alors que la compétitivité va rester capitale pour les industries fragilisées par la crise.« Un mouvement de relocalisation ne pourra s’enclencher sans une réflexion sur notre compétitivité et nos coûts de production », a prévenu sur Twitter le président du Medef.

Reste que cela ne pourra se faire sans de nouveaux investissements, alors que les pouvoirs publics ont déjà déversé des centaines de milliards d'euros pour sauvegarder le tissu économique européen pendant le confinement.




Jenny Chase pour DayNewsWorld