LA VOIX DE LA FRANCE DEVIENT-ELLE INAUDIBLE

 SUR LA SCENE INTERNATIONALE ?

La capitale française, où se déroulent les sommets mondiaux, devient actuellement le théâtre d'une intensification des efforts diplomatiques. Le président français participe en effet à divers événements internationaux à Paris, créés sous son impulsion depuis son élection en 2017, dans un contexte de fortes tensions internationales.

Cependant, la presse étrangère s'interroge :  le "volontarisme" d'Emmanuel Macron se traduit-il par des résultats concrets ? 

Et son objectif premier ne serait-il pas surtout de restaurer la grandeur perdue de la France ?

Un ballet diplomatique à Paris

La liste des objectifs était aussi longue que les espoirs de réussite étaient minces. Tel était le sentiment exprimé par la presse étrangère le 9 novembre, alors que se déroulait à Paris la Conférence humanitaire internationale pour la population civile de Gaza, suivie du Forum annuel sur la paix à partir du 11 novembre 2023.

Le chef de l'État inaugure ce vendredi 11novembre 2023 la 6e édition du Forum de Paris sur la paix au Palais Brongniart, dédié cette année à "construire ensemble dans un monde de rivalités".

Il clôturera également le sommet One Planet sur les pôles et les glaciers au Muséum national d'Histoire naturelle, après des rencontres similaires sur les océans à Brest et les forêts au Gabon.

Deux rendez-vous liés, " connectés ", qui s’inscrivent dans la " même logique de préparer la coopération internationale pour éviter les crises de demain et créer plus de biens communs " , selon le vocable de l’Élysée en amont de la séquence.

Pour conclure cette semaine diplomatique, Macron présidera le 5e sommet de l'Appel de Christchurch, une initiative lancée avec la Nouvelle-Zélande après l'attentat de 2019, visant à lutter contre les contenus terroristes en ligne. Une nouvelle opportunité pour le président de se montrer à l'initiative et affirmer la force de l'unité.

Et d’affirmer qu’on est toujours plus fort à plusieurs.Telle est la vision du président de la République, chantre du multilatéralisme sur la scène internationale.

Le multilatéralisme à l’honneur

Selon l'Élysée, le Forum de Paris parvient à maintenir le multilatéralisme malgré les tensions et les conflits, en coopérant sur des sujets où la collaboration est incontournable." 

Ce qu’on arrive à faire au Forum de Paris, c’est que malgré les tensions et malgré les guerres, on continue de faire vivre le multilatéralisme sur des sujets où nous n’avons pas le choix que de coopérer ", explique aujourd’hui la présidence aux journalistes

Cependant, l'hyperactivité diplomatique à Paris suscite des préoccupations chez les correspondants, qui craignent que les messages se diluent dans la multitude de sommets. 

Politico souligne la liste impressionnante des tâches d'Emmanuel Macron cette semaine, de la résolution de la crise à Gaza à la lutte contre la fonte des calottes glaciaire et les défis de l’intelligence artificielle.

Une "conférence humanitaire" à l'initiative d' Emmanuel Macron

La France a accueilli jeudi 1O novembre2023 une "conférence humanitaire" à l'initiative du président Emmanuel Macron pour faciliter l'aide à Gaza, entravée par les bombardements israéliens depuis l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023. 

Après plus d'un mois de frappes, des centaines de milliers de civils, selon l'ONU, demeurent piégés dans le nord de la bande de Gaza, zone d'intense offensive israélienne. 

Environ 1,5 million de personnes sur les 2,4 millions d'habitants de Gaza ont été déplacées par le conflit.

Emmanuel Macron a souligné la nécessité de travailler à la protection des civils, appelant à une pause humanitaire rapide et à un cessez-le-feu. Il a insisté sur le droit d'Israël à se défendre tout en soulignant sa responsabilité de protéger les civils.

" C’est à la protection des civils qu’il nous faut travailler. Il faut pour cela une pause humanitaire très rapide et il nous faut œuvrer à un cessez-le-feu ", a déclaré Emmanuel Macron devant les représentants d’une cinquantaine de pays et d’organisations humanitaires, qui n’avait jusque-là évoqué que la nécessité d’une " trêve ". 

Si Israël a " le droit de se défendre et le devoir de protéger les siens ", son gouvernement a aussi " une éminente responsabilité (…) de respecter le droit et protéger les civils ", a insisté le président français. 

Paris juge une trêve nécessaire aussi pour obtenir la libération des quelque 240 otages retenus par le Hamas, parmi lesquels quelques Français.

À l’issue de la conférence, les organisateurs ont annoncé que les engagements pris hier par les pays participants dépassaient le milliard d’euros.

La déception des ONG

Selon la Maison-Blanche, Israël a accepté des pauses quotidiennes de quatre heures. À la fin de la conférence, les engagements des pays participants ont dépassé le milliard d'euros.

Cependant, la conférence, organisée en urgence, n' a réuni principalement que des représentants de second plan en l'absence du gouvernement israélien, et elle s'est déroulée sans la participation des belligérants et des États-Unis.

En outre,malgré les engagements financiers, une grande partie de l'aide destinée aux territoires palestiniens, évaluée à 1,2 milliard de dollars d'ici fin 2023, risque d'être inefficace sans un accès régulier des camions d'aide à Gaza. 

Les organisations humanitaires ont exprimé leur déception, soulignant l'impossibilité d'intervenir tant que les bombardements se poursuivent." 

On est assez déçus car il n’y a pas eu de consensus sur un cessez-le-feu immédiat (…). 

Au-delà de l’aide mobilisée, l’enjeu est de la faire rentrer à Gaza ", a estimé Jean-François Corty, vice-président de Médecins du Monde". La mise en place de secours sur le champ de bataille, c’est impossible ".

Fin de non-recevoir de Biden et Netanyahu

Comme en réponse à ces appels, la Maison-Blanche a affirmé qu’Israël était d’accord pour " des pauses " quotidiennes " de quatre heures dans certaines zones du nord " de la bande de Gaza, mais le président américain Joe Biden a jugé qu’il n’y avait " aucune possibilité " d’un véritable cessez-le-feu. 

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu exclut constamment un tel cessez-le-feu sans la libération des otages. 

Un responsable militaire israélien a affirmé jeudi qu’il " n’y a pas de crise humanitaire dans la bande de Gaza ", tout en reconnaissant les " nombreuses difficultés " auxquelles font face les civils dans le territoire palestinien en proie à la guerre entre Israël et le Hamas. Israël " facilite l’acheminement de l’aide humanitaire ", a affirmé le colonel Moshe Tetro, responsable pour Gaza de l’organe du ministère israélien de la Défense supervisant les activités civiles dans les Territoires palestiniens. 

Cependant, le président américain Joe Biden a jugé qu'une véritable cessation des hostilités était impossible. 

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu exclut un cessez-le-feu sans la libération des otages. Un responsable militaire israélien a nié l'existence d'une crise humanitaire à Gaza.

La voix de la France devenue inaudible ?

Israël et les États-Unis ont beau avoir des divergences sur les priorités stratégiques de cette guerre, ils se retrouvent au moins pour éconduire rapidement leur homologue français. La volonté d' Emmanuel Macreon d’exister à l’international par quelque coup d’éclat retombe comme un soufflet.

En témoignent la réception de plusieurs initiatives lancées récemment par le président de la République, et les menues retombées de son voyage au Proche-Orient.

Son idée, avancée depuis Jérusalem, d’une coalition internationale contre le groupe islamiste palestinien Hamas, à l’origine des attaques sanglantes contre Israël, n’a pas suscité l’enthousiasme des autres capitales occidentales, loin de là. Elle a plutôt été moquée par les experts la jugeant extrêmement complexe à mettre en œuvre.

Tout comme le déploiement du navire " Tonnerre " au large de la bande de Gaza, annoncé cette fois-ci au Caire en Égypte pour " soutenir les hôpitaux sur place ". 

Le navire est bien arrivé sur zone, mais il n’accueille toujours pas de blessés et voit ses opérations sur places compliquées par le blocus imposé par Israël.

Ces actions ont été accueillies avec scepticisme soulevant des questions sur la capacité de la France à incarner une voix diplomatique respectée et écoutée.

Et de parler de grand écart diplomatique : " comment peut-il être suivi lorsqu’en Israël, le 24 octobre, il propose - sans prévenir personne - de mobiliser la coalition internationale contre l’État islamique cette fois pour " lutter contre le Hamas", puis demande " d’œuvrer à un cessez-le-feu " dans la bande de Gaza ce jeudi 9 novembre 2023 ? 

Autrement dit, comment peut-il passer en 17 jours de l’idée d’intervenir par voie essentiellement aérienne sur Gaza avec en prime le soutien de pays arabes (ce que faisait " la coalition contre Daech ") à l’objectif complètement opposé d’un cessez-le-feu au même endroit ? ", lit-on sous la plume de Maurice Bontinck dans La Charente libre .

" Mais ce grand écart diplomatique effectué sur un fil démontre qu’Emmanuel Macron pense d’abord à son pays et à en préserver son unité déjà bien morcelée. En soufflant le chaud et le froid avec des idées parfois contraires, il incarne aussi les tensions politiques qui se retrouvent jusque dans sa propre majorité.

Mais il incarne surtout les fractures françaises. On le voit encore dans son hésitation à aller manifester dimanche contre l’antisémitisme. ", conclut l'éditorialiste.




Joanne Courbet pour DayNewsWorld