QUELS ENJEUX POUR DES ELECTIONS AMERICAINES TRUMP-BIDEN ?

Fin 2024, les citoyens américains se préparent à élire leur "nouveau" président ainsi que l'ensemble de leurs représentants au Congrès. Dans l'histoire électorale des États-Unis, aucun scrutin n'a jusqu'à présent revêtu une importance aussi cruciale.
Ce rendez-vous électoral, par les enjeux internationaux qu'il suscite et la configuration inhabituelle qu'il présente, pourrait bien signaler une transformation fondamentale pour la démocratie américaine elle-même. Un protagoniste central de cette saga politique est Donald Trump.

Un Donald Trump radicalisé ? Joe Biden comme une alternative préférable ?

Après avoir échoué à obtenir un second mandat en 2020, Donald Trump s'engage dans une nouvelle course présidentielle malgré les nombreux litiges judiciaires qui le visent. Sa situation est rendue encore plus délicate par sa récente inéligibilité déclarée dans les États du Colorado et du Maine, suite à son implication dans ce qui a été qualifié de "rébellion" lors de l'invasion du Capitole le 6 janvier 2021.
Actuellement, le sort de Trump demeure en suspens, dépendant d'un recours déposé devant la Cour suprême, laquelle a refusé de traiter l'affaire en urgence. Cette décision contribue à rendre le calendrier judiciaire de l'ancien président encore plus incertain, au moment où la bataille pour l'investiture s'engage avec le caucus de l'Iowa le 15 janvier.

Les propos de Joe Biden sont éloquents : "Si Trump n'était pas candidat, je ne suis pas sûr que je me présenterais." Le président sortant se positionne en garant de la démocratie américaine, présentant son rôle comme une rempart contre la "menace Trump". Face à cette menace, Biden choisit de se décrire comme le "président normal", faisant de cette normalité son argument principal et indiscutable.

En l'absence de Donald Trump, le Parti démocrate se retrouverait dans une position bien plus délicate pour rallier son aile gauche. Face à son prédécesseur, Joe Biden continue simplement de se profiler comme une alternative préférable. Cependant, cette dynamique pourrait-elle perdurer en présence de figures telles que Ron DeSantis, plus jeune, ou Nikki Haley, une femme modérée du camp républicain et issue d'une minorité ethnique ?
Les intentions déclarées de Donald Trump, telles que "Je ne serai pas un dictateur, sauf le premier jour," semble ajouter une menace sérieuse aux institutions américaines. Les publicités pro-Trump dépeignent parfois l'ancien président en train de mettre ses adversaires politiques derrière les barreaux, illustré par une photo capturée à Miami en juin 2023 lors d'une comparution de Trump devant un tribunal fédéral en Floride dans l'affaire des documents de la Maison Blanche qu'il aurait conservés après sa défaite.

Ainsi, le processus électoral se présente comme un choix doublement contraignant. Tant Trump que Biden sont perçus comme des favoris par défaut. Les électeurs américains se trouvent contraints de choisir non pas le meilleur candidat, mais celui considéré comme le moins pire. Une confrontation essentiellement négative qui engendre un niveau d'insatisfaction record parmi les citoyens.

Une nouvelle réalité politique.

Dans ce climat politique particulier, l'usage de "l'épouvantail Trump" se présente comme l'arme dissuasive la plus efficace. Habituellement, lorsqu'un président sortant se représente, l'élection prend la forme d'un référendum pour ou contre lui.

Lors de la précédente élection, Joe Biden avait initialement annoncé son engagement pour un seul mandat. Malgré son âge avancé, il a revu sa position après les résultats positifs des élections de mi-mandat, déclarant en mai 2023 sa candidature à sa propre succession.

La vice-présidente actuelle et colistière pour 2024, Kamala Harris, demeure en retrait. Quant aux prétendants déclarés à l'investiture démocrate, ils stagnent en raison du manque de notoriété ou de soutien du parti. Que ce soit Marianne Williamson, auteure de 71 ans spécialisée dans le développement personnel, Dean Phillips, entrepreneur millionnaire et député du Minnesota, ou encore Robert F. Kennedy Jr, connu principalement pour son nom, ce dernier se présentant en tant qu'indépendant. Aucun de ces rivaux ne semble en mesure de contester la position privilégiée de Joe Biden en tant que candidat démocrate, à moins d'un incident grave de santé. Mais au-delà de l’âge du président – il est né en 1942 – son état de santé pésent les multiples « affaires » qui rattrapent son fils Hunter. Elles concernent sa consommation de drogues, une fraude fiscale de 1,4 million de dollars, et surtout des activités de conseil auprès de sociétés énergétiques ukrainienne et chinoise…
Son seul défi majeur reste donc de traverser la campagne physiquement et médiatiquement, évitant les gaffes et les défaillances lors des déplacements, interviews et débats.

Des électeurs désorientés

Les primaires du Parti républicain s'avèrent plus compétitives. En dehors de Donald Trump, les quatre principaux candidats encore en lice sont Ron DeSantis, gouverneur de Floride, Nikki Haley, ancienne ambassadrice aux Nations unies, Vivek Ramaswamy, jeune entrepreneur pro-Trump, et Chris Christie, ancien gouverneur du New Jersey. Aucun ne semble réellement menacer Donald Trump. Ce constat déjoue les pronostics car les partisans de l’ex-président ont essuyé de sévères défaites aux élections de mi-mandat.
Bien que plusieurs procès soient prévus au premier semestre 2024 (Stormy Daniels, documents classifiés, invasion du Capitole), les répercussions restent incertaines. Une enquête pour destitution a été ouverte à l'encontre du président en exercice avec la tentative de l'équipe Trump d'établir une équivalence entre ses déboires judiciaires et l'inculpation du fils de Joe Biden pour fraude fiscale.

Donald Trump conserve ainsi de fortes chances d'être désigné comme candidat républicain, bénéficiant d'un soutien important aussi bien parmi les électeurs les plus aisés que parmi les moins éduqués. Avec 60 % des électeurs républicains ayant un niveau d'éducation inférieur ou égal au bac, contre 30 % chez les Démocrates, il maintient un avantage au sein de l'état-major du parti, malgré les divisions persistantes sur ses chances de victoire en novembre prochain. La popularité de Trump demeure son principal bouclier.

Du côté du Parti démocrate, la base électorale se montre moins stable. Malgré le soutien traditionnel des catégories urbaines éduquées, leur influence est limitée par un mode de scrutin qui accentue le poids des États ruraux et peu peuplés. Une fracture interne se dessine depuis le 7 octobre dernier, liée au débat sur le soutien militaire à Israël et la montée de l'antisémitisme sur les campus universitaires.
Les Démocrates, cherchant à regagner le terrain perdu, s'interrogent sur leur capacité à capitaliser sur la question de l'avortement, un enjeu manipulé habilement par leurs adversaires pour gagner le soutien décisif de l'électorat féminin.
Contrairement à la dynamique habituelle des primaires visant à mobiliser la base, les Démocrates entament une année différente, axée sur la né
cessité de séduire les Indépendants et de démobiliser les Républicains modérés sans fragmenter leur propre socle électoral. Ils cherchent également à accroître la participation en luttant contre la législation sur l'identification des électeurs, en favorisant le vote anticipé et en attirant les jeunes électeurs, malgré le taux d'approbation de Biden qui avoisine les 35%.
Bien que le président Biden détienne une stratégie fédératrice, un danger se profile avec son déclin relatif chez les minorités, attribué à un bilan économique mitigé. Les classes moyennes et modestes ont subi une baisse du pouvoir d'achat malgré un taux de chômage historiquement bas (3,7% au 19 décembre 2023). La promesse de relever le salaire minimum n'a pas été tenue, et les politiques climatiques, bien qu'applaudies par les jeunes et les progressistes, ne présentent pas d'effets tangibles à court terme.

Dans un contexte international inflammable, la fièvre électorale s'étend au-delà des frontières américaines. Sur quels clivages le scrutin se jouera-t-il ? L’implication des États-Unis en Ukraine ou au Proche-Orient pousse à ouvrir un débat sur l’équilibre budgétaire. Les enjeux liés à l’immigration, notamment la sécurisation de la frontière sud fragilisée par l’expiration des mesures de restriction anti-Covid. ? Le déplacement de Joe Biden au Mexique fin décembre 2023 indique l’importance de cette question pour le candidat démocrate.

La rivalité avec la Chine, tant sur le plan économique que militaire, constitue également une préoccupation majeure, notamment en ce qui concerne l'avenir de Taïwan.

Ce scrutin de 2024 s'annonce ainsi comme une épreuve redoutable pour la plus ancienne démocratie du monde.




Garett Skyport pour DayNewsWorld