QUEL AVENIR POUR DONALD TRUMP APRES LES MIDTERMS ?

Les élections de mi-mandat qui se tenaient ce mardi aux Etats-Unis n'ont pas apporté la vague rouge annoncée.

« Ça n'est absolument pas une vague républicaine, c'est vraiment sûr », a concédé le sénateur républicain Lindsey Graham à NBC. « On s’attendait à une vague républicaine et c’est une très légère vaguelette. Aucun des deux camps n’a vraiment gagné.

Ce qui me semble assez clair, c’est que les Etats-Unis sont entrés dans la campagne de 2024. Nous ne savons pas si Joe Biden sera candidat, à priori non, ou si Donald Trump le sera, a priori oui, mais les Républicains le laisseront-ils faire ?», commente ainsi le spécialiste André Kaspi les résultats des midterms.

Les Républicains ont gagné le contrôle de la Chambre des Représentants. C’est extrêmement important car cela leur permet de bloquer l’agenda Biden. Au sénat, il est possible qu’ils perdent un siège -peut-être plus- alors qu’ils espéraient en gagner deux et peut-être plus. Pour eux c’est une déception.

Les victoires du camp républicain sont en effet moins nombreuses que prévu. Donald Trump comptait placer ses poulains MAGA à des postes clés en vue de la prochaine présidentielle, et annoncer triomphalement sa candidature mardi prochain. Au lieu de cela, les républicains ont réalisé une sorte de contre-performance, les « swing states » ayant rejeté les candidats complotistes les plus extrêmes.

Positive attitude

Silencieux toute la matinée, et « en colère » selon les potins, Donald Trump a réagi sur son réseau, Truth Social. Fait rare pour ce jusqu’au-boutiste du « positive thinking » emprunté au pasteur Norman Vincent Peale, l’ancien président a reconnu que les résultats de ce scrutin étaient « quelque peu décevants ». Pour les autres. « D’un point de vue personnel, ça a été une grande victoire », assure-t-il.

Maths à l’appui, il affirme que les candidats à qui il a apporté son soutien ont remporté 219 victoires pour 16 défaites. Un ratio flatteur exagéré . En ne gardant que les scrutins à l’échelle de tout un Etat (gouverneur, sénateur, secrétaire d’Etat), et pas simplement d’un district, le score de Donald Trump est de 21 victoire pour 24 défaites. Et nettement moins si on ne regarde que les « swing states », où il faut séduire un électorat davantage centriste.

Les succès les plus éclatants des républicains viennent surtout des élections locales, qui se tiennent en même temps que les midterms, et d’abord des grands États du Texas et de la Floride qui s’ancrent résolument à droite, champions d’une nouvelle révolution conservatrice qu’on avait détaillée dans une chronique précédente

Ceux qui ont fait campagne sur la négation des résultats de 2020 sont par contre tous battus . C'est que les Américains veulent des perspectives de sortie de crise attendant des gens dynamiques pour cela. 

Aux Etats-Unis, aujourd’hui, tout le monde ne parle que d’un seul homme, Ron DeSantis, qui a fait un très bon score en Floride, non seulement personnellement mais plus largement en faisant élire des gens autour de lui. Le système DeSantis fonctionne en Floride. Il a proposé une autre voie, qui reste malgré tout celle d’un conservatisme fort. Il est jeune, 44 ans, et cela peut être séduisant pour les électeurs Républicains qui se cherchent aujourd’hui un nouveau leader.

D'ailleurs l’été dernier, Mitch McConnell n'avait -il pas critiqué la « qualité » des candidats républicains choisis lors des primaires, le plus souvent des novices en politique ayant prêté allégeance au « Don ». « On ne peut pas nominer des candidats qui sont incapables de séduire l’électorat au-delà d’une base étroite », a attaqué mercredi le sénateur républicain modéré de Pennsylvanie, Pat Toomey. « Plus les candidats étaient MAGA, plus ils ont sous-performé dans leur Etat », continue-t-il, dénonçant une « débâcle dont est responsable Donald Trump ».

Ron DeSantis, un rival potentiel

Pour ne rien arranger Ron DeSantis, que Donald Trump avait beaucoup aidé en 2018, a décroché une victoire éclatante par près de 20 points en Floride. Au point de conquérir Miami-Dade, un comté pourtant majoritairement hispanique que Trump avait perdu de 7 points contre Biden et de 29 contre Clinton.

Le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, entouré de sa femme et de leurs trois enfants, a facilement été réélu le 8 novembre 2022. Selon les sondages sortis des urnes, DeSantis a remporté 57 % du vote latino, en parvenant à séduire non seulement les émigrés cubains, traditionnellement conservateurs, mais également l’électorat portoricain. Du jamais vu pour un candidat idéologiquement proche de Donald Trump mais avec la discipline d’un ancien avocat de la Navy passé par Harvard, qui semble moins rebuter les indépendants. Sa réélection triomphale en Floride fait du républicain Ron DeSantis un solide rival à Donald Trump, dont les poulains obtiennent des résultats mitigés.

Plusieurs enseignements se dégagent des résultats de cette élection

Tout d'abord ces résultats mettent en évidence un phénomène de prime au sortant. Un exemple marquant est celui du Wisconsin qui a revoté pour ses gouverneur et sénateur sortants alors même qu’ils sont Démocrates et Républicains. Le fait d'être dans une période de crise conduit les électeurs non plus à faire un choix seulement guidé par la question du positionnement idéologique, mais à favoriser l’expérience des candidats sortants.

Cela nous ramène à une tradition américaine qui est que si les sortants font le job, les électeurs se disent : « pourquoi en prendre un autre ? ».

Certains se retrouvent élus ad vitam eternam ou presque, à l’image de Nancy Pelosi qui vient d’obtenir son 19e mandat et a été réélue avec 82% des voix.

Selon les sondages de CNN, les enjeux déterminants lors de ces élections ont été l'inflation, suivie de l'avortement.

Et il apparaît qu'à partir du 24 juin a émergé dans la bataille des midterms la question du droit à l’avortement suite à la décision de la Cour Suprême de mettre fin au droit constitutionnel à l’avortement en revenant sur l’arrêt Roe v. Wade.

Les Démocrates ont utilisé ce thème de campagne clivant pour mettre les Républicains en minorité dans l’opinion. Durant cette période, une augmentation des inscriptions sur les listes électorales a également pu être enregistrée .Le jour de l’élection afin finalement assisté à une remontée de la question du droit à l’avortement dans les motifs des choix du vote (de 4e à la seconde position

Les démocrates ont donc pu bénéficier du retour d’un sujet favorable pour eux le jour du vote mais aussi pu utiliser la flexibilité du vote par correspondance pour faire voter aux moments où ils avaient le vent en poupe.

En outre Biden a renversé ce qui devait être un référendum contre lui pour en faire un référendum contre Trump faisant une campagne qui parlait de démocratie et de menace contre celle-ci. En plus plus cela lui a permis de ne pas avoir à discuter de son bilan, alors que c’est à ça que servent les midterms normalement.

Les clivages socio-démographiques du pays

Les midterms révèlent des clivages politiques clairs qui reflètent la société américaine d’aujourd’hui. Assez traditionnellement, on retrouve le clivage ville-campagne mais aussi fédéralisme contre pouvoir local. A cela s’ajoute un certain traditionalisme dans le vote, que montre la prime aux sortants. Ce vote s’apparente beaucoup à ce qui se faisait par le passé .

Joe Biden parti pour un second mandat ?

Selon Emeric Guisset et William Thay, "la première conséquence de ce scrutin est que Joe Biden devrait avoir la capacité de se représenter en 2024 malgré son âge et ses défauts s’il le souhaite. En effet, malgré ses raisons qui le conduisent à être à moins de 40 % de popularité dans l’opinion, il a encore fait la démonstration qu’il était dans le camp démocrate le meilleur barrage à Donald Trump. Il parvient en effet à séduire une partie des classes ouvrières blanches et à couper ainsi Donald Trump de ce qui avait fait son succès en 2016 : la Rust Belt."

Cependant les républicains de la Chambre, qui devraient pouvoir choisir comme speaker le représentant californien Kevin McCarthy, ont déjà promis de mener de nombreuses enquêtes parlementaires, sur le modèle de celles subies, selon eux à tort, par Donald Trump. La future Chambre républicaine s’attacherait ainsi à lancer une investigation poussée sur Hunter Biden, le fils du Président, et ses affaires douteuses, ou encore sur le ministère de la Justice qui ose remettre en cause la gestion défaillante des archives présidentielles par Donald Trump.

Le cas de Hunter Biden pourrait en effet sérieusement déstabiliser son père. Outre une rocambolesque affaire d’ordinateur récupéré par un réparateur quasi aveugle et totalement trumpiste où auraient été retrouvés photos salaces et mails compromettants, Hunter Biden, tour à tour avocat, lobbyiste et financier, est régulièrement accusé de corruption en lien avec ses affaires dans le pétrole et le gaz, notamment en Ukraine, sans preuve pour l’instant. Il est en revanche sous le coup d’une enquête fédérale pour évasion fiscale. À chaque fois, on le soupçonne d’avoir profité de la position de son père, en tant que vice-président puis président des États-Unis, pour monter des business douteux...

Une mini-crise chez les Républicains

Les Républicains, de leur côté, risquent de voir s’ouvrir une mini crise. L’absence d’une large victoire des Républicains ne permet pas à Donald Trump de s’imposer comme candidat incontestable pour 2024. Il pourrait se faire concurrencer par le gouverneur de la Floride, Ron DeSentis. Ron DeSantis, encore peu connu du grand public il y a quelques années, est devenu l'un des poids lourds du parti républicain.: peut-il détrôner Donald Trump à la tête du parti républicain ?

Étoile montante de la droite dure, ce quadragénaire s'est imposé sans surprise ni difficulté face à l'ex-gouverneur Charlie Crist, un ancien républicain qui avait changé de parti. « Nous n'avons pas seulement gagné la réélection, nous avons redéfini la carte politique », s'est réjoui Ron DeSantis, après l'annonce des résultats.

« Pour moi, le combat ne fait que commencer », a ajouté celui à qui l'on prête des ambitions présidentielles, qu'il n'a pour l'heure pas confirmées. Le leadership de Donald Trump sur les conservateurs risque donc d’être mis à mal par son rival Ron DeSantis, réélu triomphalement au poste de gouverneur de Floride, et présenté par le Miami Herald comme le possible nouveau « shérif » du Parti républicain.

« Ron DeFuture » ?

Pas étonnant d'ailleurs que Donald Trump l'a récemment surnommé «  Ron-la-Morale ». Ancien militaire à l'image lisse de père de famille, il offre un contraste marqué avec le style tempétueux de l'ancien président Donald Trump. Le magnat de l'immobilier lui avait pourtant donné un important coup de pouce dans la course au siège de gouverneur en 2018, en lui apportant son soutien ; La rivalité entre les deux républicains est récemment montée d'un cran. Le New York Post, qui appartient également à la famille Murdoch, a fait sa une sur « Ron DeFuture ».

Sentant la menace monter comme un ouragan se renforçant dans le Golfe du Mexique, Donald Trump, qui a écarté de repousser son annonce, a fait dans la menace voilée : « Je ne sais pas s’il va être candidat. Mais s’il se lance, je révélerai des choses peu flatteuses sur lui. J’en sais plus sur lui que quiconque, peut-être à l’exception de sa femme.

Si Ron DeSantis choisissait de se lancer dans la course à l'investiture, « je pense qu'il ferait une erreur », a d'ailleurs déclaré lundi Donald Trump. « Je pense que la base ne l'apprécierait pas. Je ne pense pas que ce serait bon pour le parti », a-t-il ajouté.

Car si Ron DeSentis a réalisé un très bon score en Floride, cela en fait-il un bon candidat à la présidentielle ?

Possède-t-il la capacité d’aller chercher les électeurs de la Rust Belt avec son profil de Républicain du sud ?

De son côté, Donald Trump a quant-à-lui déjà démontré sa capacité à gagner l’élection présidentielle et à faire la synthèse entre l’électorat traditionnel des Républicains de la « SunBelt » et l’électorat ouvrier de la « Rust Belt ». Cependant les MAGA sont toujours là avec une envie de gagner et Trump ne paraît pas forcément être celui en mesure d’apporter la victoire. Aux Etats-Unis, traditionnellement, lorsque l’on a perdu, on laisse passer les autres. Et c’est ce qui rattrape aujourd’hui Donald Trump.

 A l’issue de ces midterms, les Républicains doivent donc faire face à davantage de doutes que de certitudes.




Kelly Donaldson pour DayNewsWorld