MIDTERMS 2022  EN PENNSYLVANIE DONALD TRUMP APPELLE A UNE VAGUE ROUGE

Lors d'une journée marathon de meetings concurrents en Pennsylvanie, État crucial pour les législatives de mi-mandat du 8 novembre, les 46e (Biden) et 44e (Obama) locataires de la Maison-Blanche se sont affrontés à distance avec le 45e (Trump), avant un scrutin qui posera les fondations de la présidentielle de 2024.

A trois jours à peine d' élections «décisives» aux États-Unis, l’ancien président républicain a dressé son habituel tableau apocalyptique des Etats-Unis, samedi, à l’occasion d’un meeting dans un Etat qui pourrait s’avérer décisif pour le contrôle du Sénat. De leur côté, le président Joe Biden et son prédécesseur démocrate Barack Obama ont exhorté samedi à «voter» pour protéger la «démocratie», leur adversaire Donald Trump voulant une «vague géante» républicaine pour «sauver le rêve américain».

Trump contre Biden

Avec une arrivée remarquée en Boeing 757 dit « Trump Force One » sur la piste de l’aéroport de Latrobe (Pennsylvanie), samedi 5 novembre et des milliers de personnes attendant depuis des heures sur le tarmac.Dans la soirée, toujours en Pennsylvanie, dans le bourg de Latrobe, le héros des républicains, l'ex-président Trump (2017-2021), casquette rouge «Make America Great again» enfoncée sur la tête et masquant son regard, a très longuement appelé à une «vague géante» de son parti pour «mettre fin à la destruction du pays et sauver le rêve américain». Après une campagne acharnée centrée sur l'inflation, les républicains affichent leur confiance dans leurs chances de priver le président démocrate de ses majorités le 8 novembre.

Si leurs pronostics se confirment, l'homme d'affaires de 76 ans semble déterminé à en profiter pour officialiser au plus vite sa candidature à la présidentielle de 2024. Avec un air de revanche sur sa défaite de 2020.
« L’élection était truquée et volée, et on ne peut pas laisser cela se reproduire », a-t-il dit, avertissant ainsi que toute nouvelle contre-performance ne pourrait avoir d’autre explication que des manipulations. Donald Trump a d’ailleurs réclamé un changement des règles de vote, alors même que plus de 39 millions de bulletins ont déjà été déposés, dans le cadre des procédures anticipées, en personne ou par courrier.

Par contre dans un discours controversé, le président Joe Biden a accusé les Républicains MAGA (acronyme de « Make America Great Again », le slogan de Donald Trump et de ses partisans) de « détruire la démocratie américaine » et d’être « une menace pour ce pays » et pour « les fondements mêmes de notre république ». Quelques jours auparavant, il avait déclaré que la philosophie de ces Républicains pro-Trump était « presque du semi-fascisme ».Ces mots forts constituent une véritable rupture chez un président qui avait fait de la réconciliation nationale le cœur de sa rhétorique, répétant inlassablement sa volonté d’unifier et non de diviser le peuple dès l’annonce de sa victoire, puis dans son discours d’investiture.

«La démocratie est littéralement sur le bulletin de vote. C'est un moment décisif pour la nation et nous devons tous parler d'une seule voix», a lancé Joe Biden, sous une lumière bleu et rouge, un immense drapeau américain et les ovations d'une salle de Philadelphie, berceau de la Constitution américaine à la fin du XVIIIe siècle. Le dirigeant démocrate tente de convaincre les Américains que cette élection est «un choix» : sur l'avenir de l'avortement ou du mariage entre personnes du même sexe, autant de sujets sur lesquels il a promis de légiférer s'il obtient de solides majorités au Congrès. Mais c'est la hausse des prix - 8,2% d'inflation en moyenne sur un an - qui reste de loin la principale préoccupation des Américains, et les efforts de Joe Biden pour se poser en «président de la classe moyenne» peinent à porter leurs fruits.

Barack Obama, pour qui la nostalgie joue à plein, était d'abord à Pittsburgh, ville industrielle de Pennsylvanie, où il a demandé au «cousin Pookie» et à «oncle Joe», surnom affectueux d'électeurs démobilisés, enfoncés dans leur canapé, de se lever et «d'aller voter!» mardi pour les démocrates.

Il a reconnu que «tout le pays avait traversé des temps difficiles ces dernières années», notamment avec une «pandémie historique». Mais le créateur de l'assurance-santé «Obamacare» s'en est pris aux républicains, qui veulent «démembrer la sécurité sociale, l'assurance-maladie et accorder aux riches et aux grandes entreprises davantage de réductions d'impôts».

Tous les projecteurs sont braqués sur la Pennsylvanie, ancien bastion de la sidérurgie, où le chirurgien multimillionnaire républicain Mehmet Oz, une vedette de télévision adoubée par Donald Trump, affronte le colosse chauve et ancien maire démocrate d'une petite ville, John Fetterman, pour le siège le plus disputé du Sénat.

Car de ce poste de sénateur dépend sans doute l'équilibre des pouvoirs de la chambre haute du Congrès, au pouvoir immense. Mardi 8 novembre, les Américains sont également appelés à renouveler toute la Chambre des représentants. Des postes de gouverneurs et d'élus locaux, qui décident des politiques de leur État pour l'avortement ou l'environnement, sont également en jeu.

Toujours est-il qu’une majorité d’États-Uniens (69 %), Républicains comme Démocrates, considèrent que la démocratie est « en danger d’effondrement », selon un récent sondage de l’université Quinnipiac.

De plus, selon l'analyse fort pertinente de Jérôme Viala-Gaudefroy , assistant lecteur à Cergy Paris Université, parue dans The Conversation, la transformation d’un scrutin intermédiaire en « match retour » de la présidentielle de 2020 rend les pronostics bien incertains.

La démocratie en danger ?

" Alors que les élections de mi-mandat sont traditionnellement un scrutin sur le bilan, notamment économique, de l’administration élue deux ans plus tôt, la campagne de 2022 prend une tournure tout à fait inédite.

Tout d’abord parce que jamais un ancien président n’a dominé les primaires d’une élection de mi-mandat comme l’a fait Donald Trump. Il a ainsi soutenu plus de 200 candidats, non seulement au niveau fédéral mais également au niveau local. Or, il ne faut pas oublier que dans le système fédéral des États-Unis, ce sont les États, et non le pouvoir fédéral, qui sont en charge de l’organisation des élections.

Pour les Républicains, les prochaines élections doivent permettre tout simplement de « sauver l’Amérique » du danger que représentent les Démocrates. Il s’agit non seulement de faire du 8 novembre une revanche de la présidentielle 2020, mais aussi de préparer la présidentielle de 2024. Et, en cas de défaite en 2024, si ce n’est dès 2022, de pouvoir contester, bloquer, voire confisquer l’appareil électoral, ce qui pourrait potentiellement conduire à une crise constitutionnelle.

L’extrémisme, une stratégie risquée qui ne paie pas forcément ...

Historiquement, les candidats les plus extrémistes qui gagnent les primaires réduisent les chances de leur parti de gagner les élections générales.

Ce constat a poussé les Démocrates de certains États à mettre en œuvre une stratégie risquée et quelque peu cynique : financer des campagnes publicitaires visant à mettre en avant les candidates républicains les plus extrêmes dans les primaires, en les liant à Donald Trump par exemple, dans l’espoir de les battre plus facilement dans les élections générales.

Si cette stratégie a fonctionné par le passé, elle pourrait se retourner contre eux dans un environnement hautement polarisé où l’appartenance à un parti se confond de plus en plus avec un sentiment d’identité.

L’ironie de l’histoire est que ce sont, désormais, les Démocrates qui mettent en avant des questions morales et sociétales et livrent aux Républicains, à leur tour, une guerre dite « culturelle ». Ces derniers, de leur côté, et même si l’immigration et la criminalité restent pour eux des sujets de prédilection, cherchent avant tout à maintenir l’attention sur les questions économiques comme l’inflation, actuellement galopante – ce qui, en temps normal, suffirait probablement à leur assurer une victoire écrasante.

Un scrutin essentiel

Ainsi, la transformation d’un scrutin intermédiaire en « match retour » de la présidentielle de 2020 (entre un président relativement impopulaire et un ex-président radicalisé, à l’image des candidats qu’il soutient) rend les pronostics bien incertains."

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Simon Freeman pour DayNewsWorld