RISQUE DE PARALYSIE DU CONGRES

AVEC KEVIN MCCARTHY ENFIN ELU « SPEAKER »

Aux États-Unis, Kevin McCarthy a finalement réussi à se faire élire président de la Chambre des représentants.

Le processus a duré plusieurs jours, il aura fallu quinze tours pour cause de blocage des élus trumpistes .

Kevin McCarthy a été élu par 216 voix contre 212 pour le représentant démocrate de New York Hakeem Jeffries.

« Je suis content que ça soit fini », a déclaré le nouveau président de la Chambre après le 15e vote.

Cet homme à la mèche grise impeccable accède à 57 ans au poste prestigieux de « speaker » qu’il visait depuis des années. Mais la durée interminable de son élection, véritable épopée qui a nécessité 15 tours, le fragilise. au Congrès durant les deux prochaines années

Un «speaker» contesté par les pro-trump

Il aura fallu pas moins de quinze tours de scrutin et quatre jours d'une pagaille inédite pour que le républicain Kevin McCarthy soit élu, samedi, «speaker» de la Chambre des représentants.

La faute à une vingtaine d'élus trumpistes, membres du groupe ultra-conservateur «Freedom Caucus», qui ont profité de la très fine majorité républicaine décrochée aux élections de mi-mandat du 8 novembre pour venir jouer les trouble-fêtes. Jugeant Kevin McCarthy trop modéré et trop proche de l'«establishment» de Washington, ils ont bloqué son élection jusqu'à obtenir d'importantes concessions.

Ces républicains auraient ainsi obtenu une procédure simplifiée pour éjecter le «speaker» de la Chambre et négocié des postes importants dans les différentes commissions parlementaires. Concessions qui risquent de réduire à presque rien son pouvoir en tant que président de la Chambre et de renforcer l’influence des mêmes radicaux qui l’ont humilié.

Alors, que faut-il attendre de cette Chambre, dont la majorité républicaine est divisée, face à un Sénat à majorité, lui, démocrate ?

Un républicain aux positions fluctuantes

Chef du groupe républicain à la Chambre depuis 2014, Kevin McCarthy est parti d'un positionnement républicain classique, axé sur la défense du marché et la réussite individuelle, pour finalement endosser le glissement à droite de sa formation politique sur l'immigration, la criminalité ou contre les droits des personnes LBGT.

Après l'élection de Joe Biden, contestée par le camp Trump, il s'est illustré par son opportunisme. Partisan du milliardaire républicain dans les primaires de 2015, Kevin McCarthy avait initialement épousé la thèse d'une élection «volée». Mais après l'attaque du Capitole le 6 janvier 2021, il avait rapidement déclaré que Donald Trump «portait une responsabilité» dans les violences commises par ses partisans. A peine une semaine plus tard, il se faisait photographier tout sourire au côté de l'ancien président dans les salons dorés de Mar-a-Lago, la résidence de Floride du magnat de l'immobilier, louant les vertus d'un «mouvement conservateur uni».

C'est au nom de cette unité que Kevin McCarthy a opéré un rapprochement avec les fidèles lieutenants de Donald Trump au Congrès. Mais d'autres partisans de l'ancien président n'ont pas été convaincus, persistant à le défier même après que Donald Trump les a appelés à voter pour lui. Il «s'est vendu à tout le monde pendant des décennies», a ainsi justifié le frondeur Matt Gaetz, l'un des six républicains qui sont restés jusqu'au bout opposés à Kevin McCarthy.

Le blocage orchestré par un groupe de trumpistes est « humiliant », juge in fine le politologue Larry Sabatoque M. McCarthy est le speaker le plus faible jamais élu depuis la guerre de Sécession.

Le début de son calvaire ?

Pour nombre d'analystes, son élection n’est peut-être que le début de son calvaire.

« Assumer le poste de président de la Chambre avec la culture actuelle du Parti républicain est presque un suicide politique », a commenté Mark Martinez, politologue à l’Université d’État de Californie à Bakersfield, cette ville agricole et pétrolière qui a vu naître Kevin McCarthy il y a 57 ans.

Le jugement du professeur Martinez à l’égard des rebelles du groupe républicain n’est pas plus sévère que celui de certains alliés de Kevin McCarthy.

« Nous ne pouvons pas laisser les terroristes gagner », avait déclaré plus tôt cette semaine le représentant républicain du Texas Dan Crenshaw, un ex-Navy Seal qui a perdu un œil en Afghanistan.

Son collègue républicain du Nebraska Don Bacon, un autre ancien combattant, avait de son côté qualifié de « talibans » les républicains récalcitrants, dont le nombre s’est élevé à 20 après le deuxième scrutin.

Épée de Damoclès avec des concessions et menace de paralysie

« Il est clair qu’il a offert le soleil, la lune et les étoiles à chacun de ces individus », a déclaré Norm Ornstein, spécialiste du Congrès rattaché à l’American Enterprise Institute, groupe de réflexion conservateur basé à Washington. « Et je soupçonne qu’il a garanti à certains des récalcitrants qu’ils ne feront pas l’objet d’une enquête éthique sérieuse pour avoir tenté de renverser le gouvernement en 2020. »

Sous Kevin McCarthy, Jim Jordan présidera l’importante commission judiciaire de la Chambre. Il entend notamment enquêter sur le FBI et le ministère de la Justice.

Une autre concession importante de Kevin McCarthy assurera au Freedom Caucus un plus grand nombre de sièges au sein de la commission des Règles de la Chambre. Comme son nom l’indique, cette commission dicte les règles selon lesquelles les projets de loi sont présentés à la Chambre.

« Nous aurons le président de la Chambre le plus faible de l’histoire moderne », a soutenu Norm Ornstein. Même sans les concessions de McCarthy, pourtant extrêmement importantes, les plus radicaux de ses membres auraient eu tous les pouvoirs en raison de l’étroitesse de la majorité républicaine. Et ils sont prêts à exercer ces pouvoirs. »

Nous allons avoir une Chambre chaotique et des menaces réelles de paralysie de l’État et de défaut de paiement selon Norm Ornstein, spécialiste du Congrès rattaché à l’American Enterprise Institute

« Sauf si les républicains – non pas les plus modérés, mais les moins radicaux – arrivent à s’entendre avec les démocrates sur un certain nombre de textes de mesures de bon sens, par exemple sur le plafond de la dette.

Et ça, ça peut avoir pour fonction, finalement, toutes proportions gardées, de dépolariser la Chambre », conclut Lauric Henneton.




Jenny Chase pour DayNewsWorld