DONALD TRUMP "L'AFFAIRE VA S'ECROULER" !

Les défenseurs de l’ancien président ont attaqué l’acte d’inculpation rendu public mardi lors de sa comparution historique dans un tribunal de Manhattan. « Soulagé » à la lecture du document qui, selon lui, « ne comporte aucun nouvel élément matériel », Me Joe Tacopina a ainsi prédit sur la chaîne NBC que l’affaire allait « s’écrouler » rapidement.

Trump est accusé d’avoir orchestré des paiements pour étouffer des affaires embarrassantes avant la présidentielle de 2016. Un greffier annonce que l’inculpé est sous le coup de « 34 chefs d’accusation pour falsification de documents commerciaux ». Trump est sommé de dire s’il s’apprête à plaider coupable ou pas. « Not guilty » (non coupable), répond-il d’une voix rauque.

Ce qui lui est reproché, c’est d’avoir, entre autres, acheté le silence de trois personnes gênantes juste avant l’élection de 2016 et d’avoir maquillé ces versements d’argent dans les comptes de sa société ou de sociétés amies - une manœuvre que le procureur de Manhattan Alvin Bragg qualifie de criminelle au regard de la loi électorale new yorkaise.

Stormy Daniels, celle qui a fait tomber Trump

Parmi les bénéficiaires de ses versements, il y a tout d’abord Stormy Daniels, l’actrice du porno qui affirme avoir reçu 130 000 dollars pour taire son aventure d’un soir en 2006 avec Trump, que ce dernier dément. Elle, c’est la star du procès, la « tombeuse » de l’ex-président, celle par qui le scandale arrive et qui s’en amuse : trois minutes avant l’audience, elle lançait sur Twitter à l’intention de ses détracteurs : « vous m’accusez tous d’être un ‘sac à foutre’ mais je préfère être dans ma position qu’en état d’arrestation ». Il y a ensuite Karen McDougal : cette ex-playmate assure avoir eu une liaison dix mois durant avec Trump (ce qu’il dément également) entre juin 2006 et avril 2007. Selon le procureur Alvin Bragg, Trump aurait acheté son silence par l’intermédiaire de son ami David Pecker, éditeur du tabloïd National Enquirer, qui lui aurait versé 150 000 dollars pour acheter les droits de son histoire et… L’enterrer à jamais (principe dit du « catch and kill »).

La même méthode aurait été utilisée pour faire taire Dino Sajudin, le troisième bénéficiaire. Cet ancien concierge de la Trump Tower jurait avoir les preuves de l’existence d’un enfant naturel de Trump et il menaçait de vendre l’histoire (qui s’avère totalement inventée) à la presse. Il aurait ainsi touché 30 000 dollars de la part du National Enquirer, et Trump aurait été tellement reconnaissant à l’ami Pecker que selon l’acte d’accusation, il l’aurait invité à son investiture en janvier 2017 puis une seconde fois à la Maison Blanche quelques mois plus tard.

Comme de simples infractions mineures

Dans l’État de New York, les falsifications de documents comptables sont généralement considérées comme de simples infractions mineures, mais deviennent des délits, passibles de quatre ans de prison, si elles ont été commises pour « dissimuler » un autre délit. Lors d’une conférence de presse, le procureur démocrate Alvin Bragg a assuré que c’était le cas, mais s’est contenté d’effleurer quel pourrait être cet autre délit, invoquant pêle-mêle de possibles violations des lois de financement des campagnes électorales ou de fraudes fiscales.

« La justice new-yorkaise, contrairement à la justice fédérale, autorise les actes d’inculpation imprécis, mais ça pousse un peu les limites », relève John Coffee, professeur de droit à l’université Columbia. Le dossier d’accusation est « risqué à plusieurs niveaux », estime aussi son confrère William Banks de l’université Syracuse, en pointant le problème de crédibilité du principal témoin à charge, l’ancien avocat personnel de Donald Trump, Michael Cohen.

Cet homme, qui se vantait autrefois d’être le « pitbull » de son patron, a payé de sa poche l’actrice Stormy Daniels pour qu’elle ne s’épanche pas sur une relation sexuelle qu’elle assure avoir eue en 2006 avec Donald Trump.

Michael Cohen, qui avait été remboursé par la Trump Organization, assure aujourd’hui avoir agi à la demande expresse de Donald Trump. Mais les avocats de l’ancien président l’accusent d’être un « menteur pathologique » et rappellent qu’il a été condamné pour fraudes fiscales par la justice fédérale. Pour fragiliser son témoignage, la défense insiste sur le fait que l'ancien avocat, désormais radié du barreau, avait été condamné pour avoir menti au Congrès dans l'enquête sur l'ingérence russe.

« Fiasco »

De l’avis de nombreux juristes, qui hier soir défilaient sur les plateaux de télévision, ces histoires sont croustillantes mais insuffisantes pour être qualifiées de crimes. Ce ne seraient que des délits. « Ce que je lis dans l’acte d’accusation me semble décevant », regrettait Andrew McCabe, ancien directeur adjoint du FBI limogé en 2018 sur ordre de Trump dans des conditions particulièrement odieuses. Même son de cloche chez John Bolton, l’ancien conseiller à la sécurité nationale de Trump, devenu anti-trumpiste notoire, qui qualifiait l’acte d’accusation « d’affligeant et « d’encore plus fragile » qu’il ne le craignait. Le sénateur républicain Mitt Romney, qui déteste Trump et réciproquement, accusait de son côté le procureur de New York « d’utiliser la justice à des fins politiques ». Avec la raison pour laquelle il s’était porté candidat au poste de procureur de Manhattan.« Je me présente parce que, bien trop souvent, nous avons deux normes de justice : l’une pour les riches, les puissants et ceux qui ont des relations, et l’autre pour tous les autres. »

Les poursuites new-yorkaises « sont une erreur légale et politique », assène également Richard Hasen, professeur de droit à l’université de Californie, sur le site du magazine Slate. Cet expert réputé en droit électoral rappelle que la justice fédérale avait échoué en 2012 à faire condamner John Edwards, candidat à la primaire démocrate de 2008, dont la maîtresse avait reçu près d’un demi-million de dollars pendant la campagne pour taire sa grossesse.

Richard Hasen craint qu’un fiasco du même type « ne donne du crédit aux accusations de ‘chasse aux sorcières’» martelées par Donald Trump. Le risque est de discréditer du même coup les autres enquêtes qui menacent l’ancien magnat de l’immobilier.

Alvin Bragg, le procureur de New York qui l’accuse d’avoir "orchestré" les paiements pour étouffer des affaires extra-conjugales avant l’élection de 2016, a recours à un argument juridique qui n’a jamais été utilisé auparavant pour en faire une affaire criminelle.

Alvin Bragg "a construit l’une des affaires les plus controversées et les plus médiatisées de l'histoire américaine sur la base juridique la plus incertaine possible", déplore le site américain d’analyse de l’actualité Vox.

"Alvin Bragg n’a pas indiqué le fondement de son action dans l’acte d’accusation. Il a bien lancé quelques pistes durant la conférence de presse – la loi électorale de New York, les règles fédérales de financement des campagnes et une question fiscale –, mais c’est comme si lui-même n’avait pas encore choisi", souligne Stephen Dreyfuss.

La piste la plus évidente concerne la loi fédérale sur le financement des campagnes électorales. Les 130 000 dollars payés par Michael Cohen, l’ex-avocat de Donald Trump, à Stormy Daniels n’ont pas été comptés comme des dépenses de campagne "alors qu’on peut soutenir qu’il a voulu étouffer une affaire qui aurait pu réduire les chances de Donald Trump de gagner l’élection", analyse Marc Scholl. Sauf que cette option est aussi la plus risquée juridiquement.

On l'aura compris il y a donc peu de chances que Donald Trump, qui, théoriquement, risque le nombre absurde de 136 années de prison, tombe sur ces affaires dérisoires.

D'ailleurs de retour à Mar a Lago, Trump ne s'y est pas trompé plastronnant pendant son discours, acclamé par ses fans, après deux journées éprouvantes à Manhattan, mais durant lesquelles il a accaparé la lumière.




Garett Skyport pour DayNewsWorld