AFFAIRE STORMY DANIELS

L'INCULPATION DE DONALD TRUMP AU PENAL

 TREMPLIN OU STIGMATISATION POUR 2024 ?

Donald Trump est inculpé au pénal dans une affaire d'achat du silence d'une actrice de films X en 2016 et devrait comparaître mardi devant la justice de New York. Un fait historique sans précédent pour un ancien président américain, qui a dénoncé jeudi 30 mars une "persécution politique".

L'ancien locataire de la Maison Blanche, qui rêve de la reconquérir en 2024, est officiellement inculpé par le procureur de Manhattan Alvin Bragg, dépendant de la justice de l'État de New York, pour une affaire de versement, juste avant la présidentielle de 2016, de 130 000 dollars à l'actrice de films pornographiques Stormy Daniels.

Un porte-parole du parquet local avait indiqué auparavant avoir organisé avec la défense de Donald Trump "sa reddition devant le procureur du district de Manhattan pour une audience d'inculpation devant une cour suprême", un tribunal, selon un communiqué publié après le vote d'un grand jury – un panel de citoyens aux pouvoirs d'enquête qui travaille de concert avec des procureurs – en faveur de cette inculpation. Cet acte et les poursuites restent pour l'instant "sous scellés".

CNN évoque une trentaine de chefs d'inculpation tournant autour de fraudes pour dissimuler la circulation et la comptabilité fin 2016 des 130 000 dollars.

Selon la procédure pénale de l'État de New York, le procureur Bragg devait se conformer au vote d'inculpation du grand jury dont les débats sont confidentiels. Dans les jours qui viennent, l'ancien président Trump devra donc se "rendre" au tribunal de Manhattan pour se voir signifier son inculpation par un juge, être brièvement et symboliquement placé "en état d'arrestation", photographié et ses empreintes digitales relevées. Il devra alors plaider coupable ou non coupable.

Une affaire juridiquement complexe

L'affaire de l'actrice pornographique Stormy Daniels est juridiquement complexe. La justice new-yorkaise cherche à déterminer si Donald Trump est coupable de fausses déclarations, une infraction, ou de manquement aux lois sur le financement électoral, un délit pénal, en ayant versé de l'argent à cette femme, de son vrai nom Stephanie Clifford, juste avant la présidentielle de 2016, que le républicain avait remportée .

L'homme clé du dossier s'appelle Michael Cohen : ancien avocat et désormais ennemi de Donald Trump, il avait payé Stormy Daniels. Il a témoigné devant le grand jury, et l'actrice a aussi coopéré avec la justice.

Dans le viseur de l'enquête sur les ingérences de la Russie dans la présidentielle de 2016, Michael Cohen a fini par collaborer avec la justice. Il a plaidé coupable en août 2018 pour fraudes fiscales, bancaires et violation des lois sur le financement des campagnes électorales.

Ce faisant, «le pitbull» s'est retourné contre Donald Trump, affirmant avoir toujours agi sur ses ordres. Or, le parquet fédéral a estimé que les paiements réalisés par l'avocat pour acheter le silence de l'actrice visaient à «influencer l'élection présidentielle de 2016». Michael Cohen a été condamné à trois ans de prison en décembre 2018.

L'enquête a montré que la Trump Organization a remboursé à Michael Cohen les sommes versées à Stormy Daniels. C'est là que le bât blesse : la justice américaine considère qu'il s'agit d'un don dissimulé à la campagne du président, en violation des lois de financement électoral.

Le fait d'avoir payé Stormy Daniels pour acheter son silence n'est pas criminel en soi. Mais, comme l'explique John Coffee, professeur de droit à l'université de Columbia et spécialiste de la criminalité financière, «ce qui est illégal, c'est de falsifier les documents commerciaux d'une entreprise».

Les remboursements versés à Michael Cohen par la Trump Organization ont en effet été «déclarés comme étant destinés à couvrir des frais juridiques». Ce que la justice américaine considère comme des fausses déclarations.

Face à la justice locale de l'Etat de New York, cette seule infraction constitue un délit. Mais «si les procureurs peuvent convaincre un jury que la falsification a eu lieu dans le but de cacher un autre crime», comme un don illégal à la campagne du candidat de 2016, «cela devient un crime, qui peut être puni jusqu'à quatre ans de prison», affirme John Coffee.

Même s'il est condamné devant la justice new-yorkaise, Donald Trump ne sera pas légalement empêché de maintenir sa candidature à la présidence des Etats-Unis pour 2024.Le Républicain fera tout pour retarder un procès, afin d'éviter l'effet potentiellement «stigmatisant» d'une condamnation.

La défense de Donald Trump

Mis en examen, Donald Trump risque d'être jugé sous l'égide du parquet du procureur de l'Etat de New York pour Manhattan, Alvin Bragg, un élu démocrate.

Ses avocats le disent victime d'une «extorsion» de la part de Stormy Daniels et mettent en doute la fiabilité de Michael Cohen, devenu le témoin clé de l'accusation et donc l'ennemi juré de Donald Trump. Pour fragiliser son témoignage, la défense insiste sur le fait que l'ancien avocat, désormais radié du barreau, avait été condamné pour avoir menti au Congrès dans l'enquête sur l'ingérence russe.

« Un procureur radical de New York qui essaie de faire tomber Trump avant 2024 ? Il fallait s’y attendre », s’etait moquée Laura Ingraham dans les premières minutes de son émission du lundi 20 mars. La journaliste vedette de Fox News avait ensuite intronisé le procureur en question, Alvin Bragg, au « Panthéon des détracteurs de Trump », estimant que ce dernier considère cette histoire de pots-de-vin comme une priorité plus importante que les « criminels violents ».

 Le 45e président des États-Unis (2017-2021) a brocardé dans un communiqué une "persécution politique et une ingérence dans l'élection" présidentielle de novembre 2024. Il a dénoncé une "chasse aux sorcières" qui "se retournera contre (Joe) Biden", le président démocrate élu en novembre 2020 et que Donald Trump accuse depuis plus de deux ans d'avoir "volé" la victoire

"Contraire aux valeurs de l'Amérique"

L'un de ses fils, Eric Trump, a tonné sur Twitter contre "un acte opportuniste visant un opposant politique en pleine campagne électorale". L'un des rivaux républicains de Trump pour 2024, le gouverneur de Floride Ron DeSantis, a jugé cette inculpation "contraire aux valeurs de l'Amérique" et assuré que son État, où réside l'ancien président, ne répondrait pas favorablement "à une demande d'extradition" de l'État de New York.

Même soutien sans faille du président républicain de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, pour qui "le peuple américain ne tolérera pas cette injustice" et un "abus de pouvoir sans précédent" de la part du procureur Bragg, issu du Parti démocrate. 

L'animateur Jesse Watters avait affirmé dés le 2O mars sur FoxNews qu’Alvin Bragg tentait de « déclencher un nouveau 6 janvier », date de l’assaut du Capitole des États-Unis, en s'en prenant à Donald Trump :

"Ils n'ont pas intérêt à mettre mon président en prison. Il représente 74 millions d'Américains. C’est autant de votes que vous voulez mettre sous les verrous. En tout cas, c'est ainsi que je vois les choses".




Garett Skyport pour DayNewsWorld