BRAS DE FER SINO-AMERICAIN

AUTOUR DU BALLON "ESPION" AU PIRE MOMENT

Il n'en reste plus que des débris, au fond de l'océan. Le ballon stratosphérique chinois qui survolait leA territoire américain depuis près de cinq jours a été abattu par l'armée américaine, samedi 4 février 2023, au large de l'Etat de Caroline du Sud (sud-est du pays). Le ballon se trouvait à environ 18 kilomètres d'altitude et à une distance de 11 kilomètres de la côte, selon des responsables du Pentagone. L’opération menée samedi par un avion de chasse F-22 a eu lieu « au-dessus de l’eau au large de la côte de Caroline du Sud, dans l’espace aérien américain », a déclaré le Pentagone.

Joe Biden a félicité les pilotes ayant mené « avec succès » cette opération délicate. Il a indiqué avoir donné l’ordre dès mercredi d’abattre « dès que possible » le ballon, mais que le Pentagone souhaitait attendre « le lieu le plus sûr pour le faire » afin d’éviter tout dégât au sol lors de la retombée d’éventuels débris.

« La Chine exprime son fort mécontentement et proteste contre l’utilisation de la force par les Etats-Unis », a déclaré le ministère chinois des Affaires étrangères, ajoutant qu’il se « réservait le droit » de répliquer. Le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin a pour sa part qualifié l’opération d' « action délibérée et légale » en réponse à une « violation inacceptable de notre souveraineté » par la Chine.

Un ballon "espion"

Jeudi, des responsables américains avaient d’abord révélé traquer un imposant « ballon de surveillance » chinois au-dessus des Etats-Unis.

Selon des responsables du Pentagone, le ballon a pénétré dans l'espace aérien américain une première fois le 28 janvier au-dessus de l'Alaska, avant d'entrer au Canada le 30 janvier, puis de retourner dans le ciel américain, au niveau de l'Idaho, dans le nord-ouest du pays, mardi 31 janvier.

Il a notamment volé au-dessus de l'Etat du Montana (Ouest), qui abrite des silos de missiles nucléaires, a expliqué jeudi un haut responsable américain auprès de journalistes. Le ballon, relativement imposant, fait la taille « de trois autobus », a précisé l'état-major de l'US Air Force.

Selon le porte-parole du Pentagone, l'aéronef évoluait au-dessus des vols commerciaux.

Cette zone aérienne située en pleine stratosphère, en dessous de l'espace, n'est aujourd'hui régie par aucune règle internationale. Il existe encore un vide juridique autour de cet espace, qui n'est pas régulé.

Après avoir hésité, Pékin a admis que l' « aéronef » était chinois, mais assuré qu’il s’agissait d’un ballon destiné à récolter des données météorologiques. Celui-ci aurait « dévié de sa trajectoire », a ajouté un porte-parole de la diplomatie chinoise, en exprimant les "regrets" de son pays pour cette violation « involontaire » de l'espace aérien américain. Le ministère chinois des Affaires étrangères a en outre affirmé ce dimanche qu’il avait « demandé clairement aux Etats-Unis de gérer la situation correctement, d’une manière calme, professionnelle et avec retenue ». « Pékin va résolument sauvegarder les droits légitimes et les intérêts des entreprises concernées » par l’incident, a ajouté le ministère.

Des opérations de récupération des restes de l'engin, qui pourraient impliquer des plongeurs, sont désormais en cours, afin d'analyser plus précisément la technologie utilisée.

Annulation de la visite d'Anthony Blinken à Pékin

En conséquence le chef de la diplomatie américaine Anthony Blinken a annulé vendredi une rare visite à Pékin, qui devait contribuer à apaiser les relations avec la Chine.

Cette affaire du ballon tombe au plus mal pour les États-Unis et la Chine. Ces dernières semaines, Pékin et Washington avaient exprimé leur volonté d’apaiser leurs relations volcaniques. Le but principal de la visite de Blinken était et reste de mettre en place un mécanisme sino-américain destiné à éviter toute escalade militaire si devait survenir un erreur de jugement ou un incident militaire entre les deux pays dans la zone de Taïwan.

La question de Taiwan

2025 sera-t-elle l’année d'une grande déflagration dans le détroit de Taïwan ? Les Américains s’alarment d’un rapport de force militaire déséquilibré entre Taïwan et la Chine, et de la posture plus offensive de Pékin. Et en assurant en septembre dernier que les États-Unis se porteraient à la rescousse de Taïwan en cas d’attaque chinoise, Joe Biden s’est écarté de l' « ambiguïté stratégique ». Malgré ce changement en forme d’avertissement à Pékin, l’intensité exacte du soutien militaire américain à Taïwan demeure non précisée. L’ambiguïté perdure donc au niveau tactique.Les Américains débattent de la meilleure stratégie à adopter pour contrer le plus efficacement la montée en puissance de l’armée chinoise.

Forte de sa croissance économique, la Chine continue de préparer l’Armée populaire de Libération (APL) à cette mission. Alors que Taipei a annoncé en août 2022 une forte hausse de son budget de défense, celui de Pékin, le deuxième au monde après celui des États-Unis, demeure vingt fois supérieur.La Chine construit également des bâtiments d’assaut amphibies, adapte ses ferries au transport de blindés et aux missions de débarquement, et agrandit sa flotte de transport aérien ainsi que ses bases au Fujian (la province côtière située en face de Taïwan).

De plus Pékin a franchi un palier avec les manœuvres d’août 2022 après la visite à Taipei de Nancy Pelosi, recourant à des tirs de missiles dans six zones autour de Taïwan. L’APL semblait vouloir persuader de sa capacité à se déployer sans être dissuadée au plus proche de Taïwan, encercler l’île et dissuader l’intervention de « forces extérieures » « américaines » lors d’un conflit. Le franchissement d’avions de l’APL de la tacite « ligne médiane » du détroit est devenu routinier.

De fait, la question angoissante d’un conflit armé d’envergure à Taïwan reste plus que jamais d’actualité. Des responsables militaires américains pensent que les Chinois pourraient bientôt saisir l’occasion d’agir en déclenchant une guerre contre l’île, que la Chine considère comme partie intégrante de son territoire. C’est en tout cas ce que prévoit un général américain. Dans une note interne envoyée vendredi 27 janvier à ses troupes, le général Michael Minihan alerte sur le risque élevé d’une guerre entre les États-Unis et la Chine en 2025, très probablement autour de Taïwan.

"J’espère me tromper. Mon instinct me dit que nous combattrons en 2025", écrit le général de l’armée de l’air dans cette note interne publiée par la presse américaine. Une prévision macabre qui s’appuie sur le calendrier politique des États-Unis et de Taïwan. Le président Xi Jinping « dispose à la fois d’une équipe, d’un motif et d’une opportunité pour 2025 », estime ce haut gradé américain, assurant que les élections présidentielles taïwanaises en janvier 2024 donneraient au dirigeant chinois une "raison" pour agir.

La course pour la Maison Blanche, prévue la même année, offrira quant à elle une "Amérique distraite", argue-t-il encore.




Joanne Courbet pour DayNewsWorld